Corps

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Le corps.

Du latin corpus.

Oh, quel vaste sujet !

Le corps est un monde à lui seul. Que dis-je, un univers !

On s’attache à penser que le corps n’est qu’une machine, vaste imbroglio de tendons, de veines, d’artères, de pulsations, de cellules bien réglées comportant en leur sein la notice d’utilisation. Pourtant, le corps est bien plus que cela ! C’est un génie, une merveille. A-t-on seulement idée de le réduire ainsi ? Que nenni !

L’âme habite le corps et le corps habite l’âme.

Il est vrai que l’âme a tendance à rejeter cette réciprocité. Elle, elle est là, et c’est tout ce qui compte. Ce corps, cette chose geignarde qu’il faut nourrir et entretenir n’est qu’un outil pour parvenir à ses fins.

Je me fais l’avocate du corps.

Le mien, de corps, il m’en a fait baver. Depuis toute petite, il me fait parcourir chambres d’hôpital, couloirs aseptisés, cabinets renfermés. Et bien d’autres lieux encore. Cependant, j’ai appris à l’aimer.

Je l’aime pour le simple plaisir qu’il me procure.

Il suffit que j’inspire pour mesurer que je suis en vie.

Grâce à ma peau, je sens la caresse du vent, la morsure du froid, la douce fourrure de mon chat, le tambourinement taquin de la pluie. Les perles de rosée sur l’herbe fraîche, le grain de la terre, l’ardente étreinte du soleil.

Grâce à mes tympans, je profite d’autres sons que le silence. Les cris d’une mouette. Le bruissement des feuilles. Le clapotis de la rivière. Le tonnerre aussi, parfois. Ou encore le rire d’une amie, l’émerveillement d’un enfant, le bourdonnement d’une abeille.

Grâce à mes yeux j’observe la lune, ronde et parfaite ; la silhouette de la Tour Eiffel ; les fines gravures d’un bas-relief ; la couleur éclatante de l’herbe printanière. Les plis d’un tissu, le chatoiement du soleil sur l’eau, l’écume qui blanchit au sommet de la vague.

Grâce à mon nez, je perçois l’exquise odeur d’un bouquet de violettes, celle de l’humus, de la mousse, toutes celles que le vent aime à m’apporter. Le pain chaud tout juste sorti du four. La ciboulette habilement glissée dans un plat. Les embruns, le sel, le bois.

Grâce à ma bouche, les saveurs explosent. La cannelle colonise mon palais, le fromage fond sur ma langue, la pomme éclate contre mes dents. Et je peux aussi crier, hurler, rire, pleurer, m’exprimer.

Nous devrions tous l’utiliser pour remercier notre corps.

Je commence. À vous, ensuite.

Merci, mon corps. Merci de résister aux agressions des microbes, merci de ne pas me demander de gérer ma flore intestinale, le travail de mes reins, la régénération de mes cellules, moi qui n’y connait rien. Merci de me permettre d’exister. Pendant longtemps, personne ne t’avait vu de l’intérieur, personne ne t’avait vu tel que tu es réellement. On se fourvoyait sur toi, on te saignait, on te disait parcouru de quatre humeurs sans cesse en déséquilibre.

Et pourtant.

Tu es si fascinant. Si surprenant. Si futé, intelligent. Tu te sors de mille situations. Je pourrais rester là à t’observer vivre durant des siècles.

Je m’étonne toujours de ta faculté à me déplacer, à me porter, me supporter.

Certains râleront. Tu n’es pas parfait. Tu as tes faiblesses. Tu n’apportes pas que du bonheur.

Car oui,

Contre ma peau s’accrochent des ronces, de la pollution, le fil d’une lame, le goudron brûlant, les insectes, la crasse.

Contre mes tympans rebondit les klaxons, les insultes, les hurlements, les coups de fusil, les moteurs.

Contre ma rétine s’imprime le sang, les ordures, la laideur, le désespoir. La mort.

Contre mon nez se répercutent des effluves de transpiration, de mauvaise haleine, de moisissure, de produits chimiques, d’excréments.

Contre ma bouche persistent des aliments sans goût, des mots bloqués là par inadvertance, la trace d’autres qui n’auraient jamais dû sortir, l’amertume de l’échec ou du malheur.

Cependant, cela fait partie de la vie. Tout cela est dû au fait que nous sommes humains. Notre corps a la forme d’un humain, certes. Mais ce n’est pas de lui que viennent toutes les fautes. Contrôle-t-il nos actes ? Nos paroles ? Nos intentions ?

Il écoute, observe. Il se manifeste à sa manière, nous rappelle à l’ordre. Peut-être détient-il la clef vers une Humanité plus sage et plus aimante.

Je vous invite à l’écouter. Vous en sortirez grandis.

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