22 avril 2085
Gustav s'est présenté aujourd'hui aux portes de Dœlkürhal, seul, avec son robot fonctionnel. Les Serteks les ont encerclés puis ligotés, mais tous deux se sont laissé faire sans opposer aucune résistance. Je suis parvenue à calmer la méfiance des villageois et Agpe, qui a dû reconnaître mon camarade, a pu les écarter.
J'étais soulagée de revoir mon second vivant, et furieuse aussi qu'il ait pu m'abandonner dans la jungle. Nous nous sommes expliqués. Gustav a vu l'autre fois comme Agpe m'emportait avec précaution, et il était certain qu'elle pourrait me soigner. Il m'assure avoir regagné la Mission et m'avoir déclarée disparue, de même que nos collègues emportés par la Gorgone. Il me faut donc comprendre qu'auprès de mon équipe, je suis présumée morte. Gustav affirme avoir voulu garder secrète l'existence des diables-blancs, pour les protéger si je le crois, mais je ne peux m'empêcher de convenir qu'il aurait été le premier responsable si les Serteks, au lieu de prendre soin de moi, m'avaient torturée ou dévorée.
Nous nous sommes éloignés du village, dont Gustav ignore pour l'instant la localisation, et il m'a raconté l'avancement de la Mission. Il a été réaffecté à l'équipe d'urbanisme, avec un vieil ami à lui dépêché pour l'occasion. Ensemble, ils sont tenus d'élaborer un matériau à même de résister aux attaques de Dionaea venenosum. Cela me paraît improbable, mais mon second soutient qu'ils sont sur la bonne voie, pour développer une substance quasi-inaltérable, à partir des dents d'un coquillage. Je connais le penchant de Gustav pour l'aquabiologie, il est persuadé que notre futur se trouve dans les profondeurs inexplorées des océans. Ses dires me laissent sceptique.
Par ailleurs, il m'a rapporté les compte-rendus des expériences réalisées sur l'échantillon vivant de Dionaea venenosum prélevé durant mon attaque. La liane est capable de se régénérer et pousse de façon exponentielle lorsqu'elle se sent menacée, en développant des tiges aux épines venimeuses. L'équipe de biologie n'a pourtant réussi à maintenir l'échantillon en vie que cinq jours, après quoi la liane a entamé sa fossilisation. Ce faisant, il semblerait qu'elle ait produit une sorte de sécrétion aux propriétés de conservation étonnantes, ce qui concorde avec l'impeccable état des ruines que nous avons croisées.
Gustav m'a posé mille questions sur les diables-blancs. Non pas sur leur mode de vie ou leurs coutumes, mais plus spécifiquement sur leur condition physique et leur morphologie. Je reconnais bien là le généticien ! Il souhaiterait que je serve d'intermédiaire, que je persuade l'un d'eux de se laisser examiner. Il souhaiterait m'examiner, moi aussi, pour constater l'influence sur mon métabolisme de leur mode de vie, après presque un mois de cohabitation, et possiblement établir le lien entre nos deux espèces. Je suis presque certaine qu'Agpe me ferait confiance, mais j'ai comme le sentiment que Gustav ne me dit pas tout, qu'une idée saugrenue lui trotte derrière la tête.
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