Agpe a tenu à m'accompagner dans mon périple, quand bien même elle redoute les hommes de l'Agnopole. En chemin, nous avons abattu plusieurs drones de repérage. Je m'améliore au tir à l'arc.

Il nous a fallu presque trois jours de marche pour atteindre la pointe sud de l'île, où le centre-ville a déjà commencé à empiéter sur la jungle. Une multitudes de petits commerces ont germé entre les tours brillantes, et les colons arrivent en masse pour peupler les appartements et les bureaux achevés.

Toute la soirée d'hier, Agpe Kär et moi avons patrouillé aux alentours de l'Agnopole, surveillée de toute part par des sentinelles armées de canons-lasers. Mes congénères redoutent-ils les bêtes sauvages, ou bien les indigènes ? Je crois connaître la réponse, et elle ne me plaît guère.

Aujourd'hui, j'ai laissé mon acolyte aux abords de la ville. Agpe se charge de nous bâtir une cabane, à l'abri dans un grand arbre, pour que nous stationnions dans les parages quelques jours encore. Quant à moi, j'ai continué de chercher un chemin pour pénétrer l'Agnopole, sans avoir à montrer patte blanche à l'un des vigiles armés. Évidemment, je pourrais refaire surface, et les miens m'ouvriraient grand les bras et les portes de la ville. Seulement, à présent, je crois que je préfère demeurer morte à leurs yeux. Je crois que jamais je ne pourrai retourner à ma vie d'avant, si cela implique de participer au massacre d'un peuple, de leur culture et de leur terre.

À la tombée du jour, j'ai débusqué ce qui me semble être le passage le plus sûr : une décharge provisoire où les drones-recycleurs déchargent en continu les gravas des chantiers. Deux à trois fois par jour, un camion-autonome pénètre la zone pour vider sa citerne d'eaux usées dans la centrale de filtration. L'opération est délicate, j'aurais largement le temps de me faufiler sous le véhicule pour m'accrocher au châssis. Alors, il suffirait que j'attende la meilleure opportunité pour descendre, puis que je trouve le seul sur qui je crois pouvoir compter. Rien de compliqué, en théorie. En pratique, je risque gros en m'opposant aux desseins de la Pacification.