Chapitre III - Les premiers hommes - Partie 2
Sur le pont, les pertes étaient lourdes : dix-huit morts et vingt-sept blessés. Josh avait déchiré sa combinaison pour s’en faire un bandage, stoppant tant bien que mal l’hémorragie. La porte s’ouvrit de nouveau et vinrent une dizaine de personnes.
« Docteur Orlando. Et une partie du personnel médical.
- Julia Ribeiro, votre bras amiral. »
L’infirmière allongea l’amiral sur une couchette qu’elle venait de déplier.
« Il va falloir recoudre. »
Elle enfila des gants, sortit un tube de gel thermodésinfectant, en appliqua généreusement sur la plaie. Un second infirmier vint lui apporter une valise contenant du matériel médical. Il lui tint une piqûre d’anesthésiant local qu’elle injecta dans l’épaule de l’amiral et se mit à recoudre la profonde entaille. Vingt et un points de suture. Elle essuya le bras à l’aide d’une compresse et lui confectionna un bandage. Pendant ce temps-là, le docteur Orlando s’était installé sur l’ordinateur central et, à en croire les réactions de l’IA, avait commencé à explorer ses systèmes pour trouver la mystérieuse panne.
« Vous... Mes systèmes... Les réactions courbées ! Ne touchez pas... ces... tssss... Désolé amiral, ma fonction parole était endommagée. Merci docteur Orlando.
- Content de vous entendre à nouveau Lénora. Le bilan semble lourd, pouvez-vous me faire état de celui-ci.
- L’incendie de la salle des machines est éteint, il est dû à la surchauffe des réacteurs. Les systèmes d’arrêt d’urgence n’ont pas fonctionnés, ils ont été sabotés. Le vaisseau est à 15 % opérationnel. Le réseau de vidéo surveillance est hors service, je ne peux pas effectuer de comptage des hommes. Lénora à tout l’équipage du Humanity ! Lénora à tout l’équipage du Humanity ! Tous les survivants sont demandés sur le pont. »
Au compte-goutte, les survivants arrivèrent sur le pont. Les valides aidant les blessés légers à marcher. D’autres arrivaient sur des brancards et étaient pris en charge directement par les médecins. On effectuait toutes les opérations sur place, procédait à des amputations, retirait des morceaux de ferrailles de leurs corps. Leurs lamentations donnaient froid dans le dos.
« Le bilan est sévère : trois-cents soixante-dix morts ou disparu, cent-deux survivants dont soixante blessés. »
L’amiral serra le poing. Esquissa une grimace, pencha la tête et ferma les yeux, un court instant. On pouvait voir une larme ruisseler sur sa joue.
« C’est un jour douloureux pour nous tous. Nous avons tous perdus au moins un ami. Je n’ose imaginer votre peine à tous. »
Jenkins marqua une longue pause et reprit, se forçant à sourire.
« Ce n’est pas seulement un jour de deuil. Aujourd’hui, le samedi 21 juillet 2204, à deux heures trente-quatre, le destin de l’humanité a changé. L’homme a posé pour la toute première fois le pied sur une planète habitable. Malgré les douloureuses pertes que nous venons d’endurer, nous sommes des pionniers de l’humanité. Nous serons fiers d’être les premiers Sierranes. Recueillons-nous pour tous ceux qui n’ont pas eu cette chance. »
Tous observèrent une minute de silence. Les médecins installèrent des couchettes pour les blessées, et tous s’installèrent sur le pont pour la nuit. Il était très tard et l’atterrissage en catastrophe avait épuisé tout le monde. Josh souffrait encore énormément malgré les soins de l’infirmière Ribeiro, la douleur le lançait et l’empêchait de dormir. Il songeait à ce qui allait se passer ensuite, à Sierra, à la Terre, à sa famille. Il fut envahi de craintes. Mais Il repensa à ce qu’ils avaient accompli cette nuit : ils avaient réussi. C’est en esquissant un sourire qu’il s’endormit paisiblement.
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