Chapitre 6 : Refus.
À l’aube, Faye ouvrit difficilement les yeux d’avoir pleuré en secret lorsque le sommeil avait enfin gagné Alex. Elle se défit de son bras qui l’entourait et grogna quand l’étreinte se resserra.
- Hum, tu veux pas sécher ? dit le blond, encore à moitié endormi.
Encore coucher, il la retenait en s’accrochant à sa taille. Il pouvait vraiment être adorable des fois. Faye fronça les sourcils pour chasser cette idée de son esprit.
- Et si on allait déjeuner au coin ? insista-t-il en comprenant que c’était un “non”.
Le cœur de la rousse se serra. Déjeuner ? Pourquoi faire ? C’était la première fois qu’il lui proposait de sortir de la chambre, de faire autre chose que de rester sous les couvertures. Elle se retourna et le dévisagea. Son regard s’agrandit. Parce qu’il était sérieux en plus. Gênée, elle se leva.
- Allez. J’ai envie d’autre chose que le petit déj’ du réfectoire… Tu es certaine ? C’est pour moi, si tu veux.
Il vint l’enlacer, puis l’embrassa dans l’espoir de la convaincre. Inconsciemment, il voulait l’empêcher de se rendre à l’école ou du moins, retarder ce moment.
Ce fut difficile de résister à sa bouille du matin, surtout qu'il semblait ouvert à plus que des bisous cette fois.
- Nan, surtout pas aujourd’hui, s’entêta-t-elle.
Si elle n’avait pas voulu regarder les informations concernant sa mère, ça ne devait pas être le cas des autres élèves de Saint-Clair. Ce serait lâche de sa part de ne pas se montrer et elle préférait encore qu’ils jactent en sa présence plutôt que de son dos. Alex dû se faire une raison.
***
Mains dans les poches de sa veste en jeans, Kimi appréciait le beau temps. Elle montait jusqu'à Saint-Clair, plutôt de bonne humeur. En arrivant dans la cour, elle roula des yeux. Il n’y avait que Sky. Elle le rejoint tout de même et s’installa à ses côtés.
- C’est rare que tu arrives si tôt, le taquina-t-elle d’emblée.
- J’aime bien des fois, répondit-il sèchement.
Sky boudait souvent le matin, mais il avait l’air particulièrement de mauvais poil. Lui qui ne se privait jamais pour l’enquiquiner, elle se décida à faire de même.
- Bah alors, tu tires la tronche ? fit-elle en lui mettant des petits coups de coude. Une fille t'a posé un lapin, c’est ça ? Pas de cha…
- Tu n’es pas au courant ? la coupa-t-il pour la regarder sévèrement.
Elle déglutit, comprenant qu’il ne rigolait pas. Habituellement, il lui renvoyait toujours la pareille.
- Visiblement nan…
- De quoi tu parles ?
- La mère de Faye est malade. Elle a le cancer et tout le monde ne parle plus que de ça.
Si tout le monde savait, comment se faisait-il qu’elle ait l’impression d’être la dernière au courant ? Elle se sentit bonne à rien. Mais depuis quand ? Kimi pensa à sa propre mère. Elle perdit son sourire instantanément, puis elle observa Sky. Il avait l’air si en colère.
- Est-ce que c’est grave ? demanda-t-elle d’une petite voix.
- J’en sais rien… Fais chier ! jura-t-il.
- Ça… te fait de la peine ?
Il la foudroya d’un regard noir et la dévisagea comme si elle venait de dire la pire des horreurs. Mais c’était si rare de le voir dans cet état. Il était souvent énervé pour pas grand-chose… Sauf que là, il y avait une vraie raison. Elle se rappela des mots de Laure. Cette dernière lui avait assuré que c’était un ami fidèle. Ils n’étaient pas toujours dans de bons termes, mais ils s’étaient rapprochés. Assez pour dire qu’ils étaient amis ? Elle ne le savait pas. Cependant, elle constatait enfin sa sincérité.
Sky se calma et marmonna des mots inaudibles entre ses dents.
- C’est juste que…
Elle attendait patiemment qu’il se lance. Du coin de l’œil, Sky évita ses grands yeux bleus intéressés.
- Je ne comprends pas qu’elle ait voulu nous le cacher… Enfin, si, je comprends, mais maintenant que nous savons…
Il s’arrêta de parler, non pas parce qu’il était réservé, mais bien parce qu’il se sentait à l’aise. Bizarrement, avec Kimi, il avait l’impression que sa langue se déliait.
- Comment elle va le prendre ? Faye est plus sensible qu’elle n’en a l’air.
La blonde se retint de sourire. Elle comprit que derrière ses sourcils froncés il n’y avait que de l’inquiétude.
- Tu es gentil, finit-elle par avouer.
- Quoi ?!
- Ahahah, pourquoi est-ce que tu t’énerves ?
- C’est ça ouais ! J’en veux pas de ton compliment !
- Oh, tu es gênée, le taquina-t-elle vicieusement en venant tapoter sa basket contre la sienne.
- Toi… Tu cherches la merde !!
- Ah oui ? Je ne vois pas ce que j’ai fait, fit-elle l’innocente.
- Si tu crois qu’il suffit de me faire du pied pour que je te pardonne…
- T’es encore là-dessus ? Pfff, ce n’était qu’une baffe, rit-elle. Et tu l’avais bien mérité !
- Va te faire !
- Mais oui, mais oui.
- Arrête de te foutre de moi…
- Quand j’y pense, je me suis toujours pas vengée, pensa-t-elle tout haut.
- Tu rigoles ? T’as été insupportable ! Et la baffe c’était pas suffisant ? Non mais sérieux, s’outra-t-il.
- Ah non, ça c’était pour m’avoir pris le bracelet.
- Mais alors pourquoi tu...
Tout en ricanant, Kimi imita ses gestes lors de leur première rencontre. Elle déposa un doigt sur sa joue et haussa les sourcils. Il en rougit presque.
- Tout le monde fait des erreurs de jugement, rétorqua-t-il fièrement.
- Normal, à force d’embrasser tout ce qui bouge…
- Mais pas du tout !
Il se tourna complétement pour la fixer intensément. La révolte dans son regard, puis sa gêne, fit sauter un battement à Kimi. Il détourna à nouveau les yeux, attrapant ses cheveux pour les recoiffer. Il cassa tout de suite le mini-silence qui s’était installé.
- Et quoi ?! Tu veux quoi ?
- Ce que je veux ? s’étonna-t-elle.
- Bah ouais… pour le baiser…
- Je plaisantais, on ne s’est même pas embrassés, pouffa-t-elle encore.
Cette fois il leva les yeux au ciel et se pencha légèrement en arrière. Un sourire s’étendit sur ses lèvres parfaites et d’un ton dragueur, il reprit :
- J’ai l’impression que tu me cherches. Peut-être que tu regrettes de ne pas avoir saisie ta chance ?
- C’est ça et demain je viens habiller en robe, ironisa-t-elle.
- C’est vrai que tu n’es pas très féminine.
- T’en veut encore une ?!
- Allez, dis-moi ce que tu veux. J’en ai marre de t’en devoir une, expliqua-t-il plus calmement.
- Hum, alors… Un bon gros burger !
- Quoi, c’est tout ? rit-il.
- Comment ça c’est tout ?
- Tu pourrais demander tellement plus, répondit-il en continuant de se fendre la bille.
- Mais… je veux juste manger un truc bon, fit-elle d’un air décontenancé.
- Alors va pour un burger.
D’une mine réjouie, Kimi le fit sursauter en tapant sur sa cuisse. Elle rayonnait à l’idée de manger gratuitement. Ça le désespéra, mais au fond il y avait quelque chose de mignon dans son comportement.
À l’entrée de la cour, Laure saluait Nice et Selim. De loin, ils sourirent tous en les voyant se chamailler malgré les dernières mauvaises nouvelles. Loyd suivit de près. C’est lui qui attaqua les hostilités.
- Conseil ce soir ?
- J’osais pas le demander, dit Selim.
- Je ne sais pas si Faye apprécierait, le remis en question Nice.
- Vous voulez faire conseil pour discuter de la maladie de sa mère ? Je ne pense pas que ce soit une bonne idée non plus, réfléchit Kimi.
- Il y a de ça, mais il faut aussi qu’on vous parle de quelque chose avec Laure.
En disant ça, Loyd récupéra l’attention de son meilleur ami. Sky pensait qu’il lui avait peut-être avoué ses sentiments, ce qui expliquerait la drôle d’ambiance entre les deux. Mais il comprit vite que ce n’était pas ça.
- C’est à propos de Kyle, expliqua Laure, mais j’imagine que nous pourrons essayer d’en discuter avec Faye. Le conseil la mettra au pied du mur, au moins pour nous dire si elle souhaite qu’on en parle plus.
- Je ne veux pas qu’elle se sente piéger, dit Selim qui acquiesçait en même temps que sa petite amie.
- Mais dans tous les cas, elle risque de mal réagir. C’est Faye, ajouta Sky.
- Ça me rend triste, avoua Kimi.
La révélation laissa l’ensemble du groupe silencieux. Ils étaient tous d’accord sur ce point. Et tandis que ses amis se faisaient du souci pour elle, Faye sortait de l’internat la boule au ventre. Elle savait pertinemment qu’elle serait au milieu de tous les commérages, que les gens la pointerai du doigt après avoir vu les informations. Et pour ceux qui ne les auraient pas vus, le bouche-à-oreille s’en occuperait. Sans oublier Kyle. Elle redoutait le moment où il sortirait de sa tanière pour venir l'interroger. Comment allait-elle garder son calme ? Aucun risque qu'elle y arrive.
Alex n'était pas très causant, encore moins sur le chemin de l'école, mais habituellement Faye débitait pas mal. Ils marchaient côte à côte jusque Saint-Clair dans le silence.
Comme elle l'avait redouté, quelques élèves la dévisagèrent en rue : "La pauvre". C'est ce qu'ils disaient. Ils la plaignaient tous. Bien vite, la colère se transforma en honte. Elle ne voulait pas qu'on la regarde. Alex restait proche. Il n'avait pas envie de voir cette peine sur son visage. Si bien qu'il ne put s'empêcher de vouloir la réconforter. Sa main frôlant la sienne, il l'attrapa. Avant même qu'il eut le temps de se demander pourquoi il lui tenait, Faye le repoussa violemment. Elle se posa la même question en l'observant.
- Pour… quoi ? Tu…
Surpris, puis vexé, il n'eut rien à répondre. Il s'en voulait de le prendre mal. Faye était tout simplement triste et perturbée ou alors elle avait détesté ça.
- Fais pas ça… Encore moins devant les gens…
- Autrement, c'est ok ? demanda-t-il de son air neutre.
- Ok ? Mais… je sais pas ! Je vois juste pas pourquoi tu me prends la main ! En plus, j'attire déjà assez l'attention comme ça, se fâcha-t-elle.
- D'accord, répondit-il simplement.
Selon la rousse, il y avait quelque chose de bizarre avec Alex. D'abord, il avait refusé de coucher, pour la chouchouter à la place. Même s'il s'agissait normalement d'une punition, tous ses baisers lui avait plu. Puis, il lui avait demandé de sécher les cours. Ça c'était plutôt habituel, mais la proposition de déjeuner ensemble après ? Et enfin, le fait qu'il lui tienne la main. Elle le trouvait définitivement étrange. Pourquoi est-ce qu'il essayait de jouer au petit-ami tout d'un coup ? Un éclair de génie la traversa.
- Ne me dis pas que tu es au courant ?
Quand il baissa les yeux dans un premier temps, elle sentit la colère monter. Elle avait conclu qu’il ne savait rien parce qu’il n’avait rien dit de la soirée.
- C’est pour ça que tu jouais au gentil hier ?
- Je n’ai pas…
- Je t’ai jamais demandé d’agir comme ça ! T’es comme les autres ! À me prendre en pitié…
- Non. J’ai simplement fait ce que je voulais.
Elle n’avait pas signé pour ça, pour rien du tout même. Elle s’énerva davantage quand elle sentit une montée de larmes et eut du mal à les retenir. En voyant ses yeux rouges, Alex essaya à nouveau de la toucher. Faye envoya balader sa main. Il se sentit encore plus trahi dans son égo en voyant les élèves autour s’animer.
- Si tu penses pouvoir gérer ça toute seule…
Résigné, il la quitta pour la laisser se calmer. Faye n’en revenait pas. Si quelqu’un devait être en colère, c’était elle.
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