Chapitre 38 : Les pommes et les poires.

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La nuit qui suivit la dispute entre Sky et Kimi fut particulièrement éprouvante pour les deux adolescents. La blonde s’était endormie dans le chagrin après avoir remballé toutes ses affaires. Elle regretterait la magnifique ville, mais après tant de cris, elle s’impatientait de retourner en Suisse pour retrouver Dossan et Leroy… Sa précieuse famille qui eux, ne la renierait jamais.

En effet, le voyage prenait fin. Ils se lèveraient aux petites heures, leur vol démarrant à neuf heures tapantes.

Sky trouva durement le sommeil, regrettant un peu plus ses mots et ses actes à mesure que la nuit s’achevait. Il détestait la redescente qui suivait ses crises de colère. Il n’assumait pas.

Lorsque les cinq-heure du matin arrivèrent sur l’écran de son téléphone, il décida de prendre une douche. Il dormirait dans l’avion ou plus tard, à la “maison”. Bouclant presque entièrement sa valise, il rangea un peu et ouvrit la fenêtre. L’air frais du matin ne lui fit que brièvement du bien. Il était bête.

Il fit de même avec la porte de la chambre pour aérer. Non, pire… C’était un connard. Comment la regarderait-il en face ? Et les autres ? Finalement, c’est son regard qu’il craignait le plus ou plutôt l’idée qu’elle ne lui parle plus jamais. Il ne pouvait s’en vouloir qu’à lui-même, mais tout de même… Les mauvaises pensées restaient dans un coin de sa tête.

Assis au bord du lit, il réfléchissait intensément. Ses deux mains cachant sa face honteuse, il jeta un œil entre ses doigts en entendant un léger bruit contre sa porte. D’un visage marqué par la fatigue, Billy attendit sagement à sa place un quelconque signe de la part de son petit frère. Sky soupira, pensant qu’il avait gâché la dernière nuit de tout le monde à Los Angeles.

Il n’avait même pas envie de faire l’effort de se tenir droit, d’essayer de paraître fier. Il avait honte, mais ne le dirait pas. À la place, il passa une main dans sa nuque tout en tirant une tête qui brisa le cœur de Billy. Ce dernier ne savait plus comment s’y prendre. Devait-il faire le premier pas ou se tenir à l’écart ? Il fut étonné de voir de la lumière dans la suite quand il sortit de la sienne pour se dégourdir les jambes. S’il se sentait aussi mal, pourquoi gardait-il le silence ? Pourquoi tous les membres de sa famille devaient-ils tous être si difficiles à cerner ? Entre un père qui ne montrait jamais ses faiblesses, une mère qui n’exprimait pas ses sentiments, un petit frère bourré de fierté et une petite sœur névrosée, il avait gagné le jackpot. Ils les aimaient, mais parfois, il aurait aimé que ce soit plus simple.

Il choisit la première option et tenta le coup :

  • Je peux ? demanda-t-il doucement en faisant un pas dans la chambre.
  • … Si tu veux.

Les mains dans les poches de son jogging, Billy s’assit à l’autre bout du lit pour éviter d’être intrusif.

  • Pourquoi tu te mets si loin ? le dévisagea Sky en passant une main dans ses cheveux mouillés, de la nuque jusqu’au haut de son crâne.
  • Je ne sais pas, soupira son frère en se frottant les yeux. Tu sais… Je ne voulais pas créer une telle dispute. Ce n’était pas du tout mon but, mais…

Ça le rendait nerveux qu’il ne l’ait pas encore coupé.

  • Mais je crois que je n’ai pas saisi tout ce qu’il avait déjà pu se passer entre vous. Je ne savais pas qu’il y avait eu d’autres conflits. Du moins, pas comme celui-ci ? poursuivit-il en n’attendant pas forcément une réponse.
  • Pas comme cette fois…

Le silence ne le gênait pas, habitué à ce qu’il le nie aussi. Il fut étonné de le voir réfléchir autant avant de prendre la parole. Sky n’avait tout simplement pas la force de le rejeter.

  • Le truc, c'est que… C’est toujours comme ça avec toi. Tu te plains qu’on est pas proches, que tu as envie d’avoir une meilleure relation avec moi, mais tout ce que tu fais, c’est ce genre de coup bas. Je sais pas, tu pourrais… faire tellement, mais pas ça ! s’emporta-t-il avant de tourner la tête vers Billy.
  • Parce que tout le reste n’a jamais fonctionné…
  • C’est quoi tout le reste ? Les cadeaux de tes retours de Londres ? M’emmener à des endroits que tu aimes toi en espérant que ça me plaise ? Je m’en fous de ce genre de trucs. Enfin laisse tomber, ça sert à rien.
  • Non, dis-moi ! s’exclama-t-il en déplaçant une fesse vers lui. J’ai toujours essayé d’être gentil et de te donner un peu de ce que j’ai… mais…
  • C’est ça le problème ! Je m’en fiche de ce que tu as ! Je m’en fiche…
  • Tu sais que j’ai envie que ça se passe mieux entre nous…
  • C’est-ce que tu dis à chaque fois, répondit-il, ennuyé. Mais tu vois bien que ça ne change rien.

Les deux frères se regardaient droit dans les yeux. Cela faisait longtemps. Le sentiment paraissait nouveau. Billy y trouva une ouverture.

  • Qu’est-ce que tu attends de moi exactement ? J’ai besoin de savoir… Je suis perdu, lui confia-t-il de la manière la plus sincère qu’il pouvait.
  • Pas que tu dragues mon amie, en tout cas.
  • C’est juste que j’ai eu l’impression que tu l’aimais bien. En quelque sorte, la connaître elle, c’était faire un pas vers toi. Et puisque tu avais l’air jaloux, je voulais aussi découvrir à quel point tu l’apprécies…
  • Je crois que tu n’as pas compris, le coupa-t-il en joignant ses mains. Il y a pas de ça avec Kimi. Et même s’il y avait une chance que je tombe amoureux, je ne pourrais jamais sortir avec elle. Ça vaut pour la plupart des filles que je pourrais rencontrer dans le futur.
  • Tu dis… “une chance” ? répéta-t-il, cette fois en espérant avoir une explication.

Sky regarda le plafond avant de reprendre. Il savait que Billy cherchait juste à en savoir plus, car il connaissait la réponse à cette question. En effet, ce dernier souhaitait avoir le fond de sa pensée.

  • On a pas tous la chance de pouvoir aimer qui on veut, lui balança-t-il.
  • Peut-être que tu peux trouver une chouette fille qui corresponde à…
  • Une fille pareille n’existe pas. C’est ça la vie d’un “Richess”, le pourcentage de chance que ma compagne me plaise est presque nul. Je veux pas d’une femme qui m’est imposée. Je préfère encore être seul.
  • Rien ne t’empêche de te mettre avec quelqu’un en attendant ?
  • Pour souffrir inutilement, non merci. Tu n’as aucune idée de ce que ça peut faire ! ne lui laissa-t-il pas le temps de continuer. Tu crois que c’est si simple ? Qu’en claquant des doigts je vais me trouver une copine qui me plaît ? Et après je devrais encore accepter de m’en séparer ? C’est dégueulasse et horrible, je peux même pas l’envisager. Mais toi… tu ne peux pas comprendre. Tu as toujours eu tout ce que tu voulais...

Le message était clair, il lui en voulait à mort de ne pas avoir été traité en égal durant toutes ces années. Il le laissa vider son sac.

  • Et le pire, c’est que tu essayes encore de me prendre ce qui m’appartient. Tu as eu une enfance parfaite, le choix de ton école, la carrière que tu voulais… Mais il a fallu que tu viennes dans mon école, que comme par hasard tu choisisses une amie à moi pour le clip…
  • Je l’ai choisi pour son talent, même si le fait qu’elle soit ton amie était un plus… Et Sky… Je ne pense pas qu’elle serait contente de t’entendre dire qu’elle t’appartient.
  • Tu ne comprends rien ! Bien sûr qu’elle n’est pas à moi ! Je veux dire que… Comment te faire comprendre ? s’exclama-t-il en se réinstallant pour bien lui faire face. Si dans un panier, il y a une bonne pomme et une autre pourrie, toi tu auras d’office le choix de manger la bonne. Il ne me restera que la pourrie pour me nourrir. Sauf que c’est mauvais pour moi, donc je vais me tourner vers les poires… Et toi, en voyant que je mange quelque chose de différent, tu vas venir me prendre la poire, même si tu es rassasié de la pomme. Sauf que pour moi la poire, c’était un des seuls fruits que je voulais garder pour moi, parce que c’est le seul que je pouvais avoir.
  • C’est parce que je m’intéresse à toi…
  • Mais c’est ma poire ! Pour moi… c’est…
  • Très important, conclut-il en baissant légèrement les yeux. Je comprends. Et Kimi faisait partie de ses poires.
  • Oui… souffla-t-il, abattu. Et voir que tu essayais de te l’approprier… ça m’a énervé, c’est tout ! Alors que j’ai fait l’effort de venir ici ! Pour une fois, je me suis dit que peut-être ça irait et qu’on s’entendrait, mais…

Billy n’en revenait pas de ces derniers mots. Il déposa une main sur le genou de son frère à cause du choc.

  • C’est pour ça que tu es venu ? Je pensais que tu voulais voir Kimi sur le tournage ?
  • Aussi, mais… Quoi ? J’ai pensé que L.A avec toi ça pouvait pas être si terrible, marmonna-t-il en évitant son regard.

Ému, il avait envie de le prendre dans ses bras. Il se retint, tentant de garder son sang-froid, mais il tremblait légèrement. Lui aussi devait avouer ses torts.

  • Hum, comment dire ? commença-t-il en frottant dans sa chevelure brune, geste que les deux frères avaient en commun quand il s’agissait de cacher leur embarras. J’ai toujours plus ou moins su pourquoi tu avais pris tes distances, mais c’est seulement après notre dispute à Saint-Clair que j’ai… ouvert les yeux ? Je ne savais pas que tu souffrais autant et je n’acceptais pas du tout que tu en veuilles autant à Maman. Sauf que maintenant, je comprends. Je ne voulais pas croire au fait que nous avons été élevé de manières différentes. Parce que je voulais que mon frère soit comme moi et ressente la même chose que moi. La réalité, c'est que nous avons un statut bien différent et je sais que c’est injuste, conclut-il. Pour ça, je suis vraiment désolé.
  • Ok… lâcha simplement Sky après un temps et en tournant sa tête de l’autre côté.

Il croisa ses jambes et enfoui son visage dans une de ses paumes. Il ne voulait surtout pas qu’il voie cette montée de larmes.

  • Quand je dis que j’ai envie qu’on redevienne comme avant… Je le pense. J’ai conscience que ça ne se fera pas en un claquement de doigt… mais, tu ne voudrais pas qu’on essaye ? Et sans arrière-pensées, sans vouloir faire plaisir à papa et maman, juste pour nous deux ? Sky ?

Passant son pouce sous son nez pour l’essuyer, il hocha simplement la tête plusieurs fois, puis se redressa en étirant ses cheveux en arrière. Il jeta un coup d’œil gêné à son frère. Ce dernier attendait une vraie réponse.

  • On peut… fit-il en gardant fière allure.

Des larmes se dessinèrent immédiatement dans les yeux de Billy qui sortit un long soupir de soulagement. Il n’attendit aucun signal pour lui faire un semblant d’étreinte. Tout poil ou cheveu sur le corps de Sky se hérissa. Suffoquant, il accepta quand même le câlin et se laissa doucement à l’idée de faire de même. Ça n’avait duré que quelques secondes, mais ce fut suffisant pour lui redonner un peu de chaleur. Prenant conscience qu’il avait tout de même besoin de son espace, Billy se détacha et lui accorda un sourire gêné. Il savait qu'il ne montrerait pas qu’il avait apprécié, mais le fait qu'il se laisse en une ou deux plaisanteries le convaincu. Le malaise entre les frères s’atténuerait sans doute avec le temps, mais qu’en serait-il de Sky et de sa poire ?

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