IV.
Trente années s'étaient écoulées, et la gare avait été vendue. Un couple d'architectes l'avait achetée pour en faire leur habitation principale. Sensible à l'histoire du lieu, les quadragénaires l'avaient si bien restaurée que les " anciens " du village n'hésitaient pas à faire le déplacement pour évoquer leurs souvenirs avec les nouveaux installés.
Et la personne la plus émue était certainement la femme, touchée autant par l'histoire du bâtiment que par celle des femmes et des hommes l'ayant fréquenté... Après avoir vecu plusieurs années en grande ville, elle et son mari ne regrettaient pas de s'être fixés dans ce coin de campagne.
Les soirs d'été, elle s'asseyait souvent avec le petit dernier sur le banc de l'ancienne gare. Ce même banc où elle s'installait enfant, quand sa tante l'emmenait le dimanche. Et c'était là qu'elle rencontrait ce monsieur qui passait ses après-midi, ici également. Elle se souvenait de sa gentillesse, de ses sages paroles...
Le son de sa voix s'était évanoui dans les méandres de sa mémoire, mais la femme n'avait pas oublié sa bonté. Alors elle parla à son petit garçon de l'un de ses plus beaux souvenirs d'enfance : ses rencontres dominicales avec le villageois et son enseignement de la vie. Et lorsque l'enfant demanda à sa maman ce qu'était devenu le monsieur, elle lui répondit qu'il était parti et qu'il ne reviendrait pas.
Qui savait alors que, trente ans plus tard, le petit garçon devenu homme se ferait conteur, transmettant le précieux héritage de sa maman : celui du flâneur de la gare et de ses préceptes, authentique puits de sagesse. Et qu'il valoriserait l'homme accompli qu'il fut, afin que son souvenir ne soit point oublié.
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