Leur marche ne dura pas longtemps. Une centaine de mètres plus loin se trouvait le jeune homme, accompagné d'une ribambelle de soldats en armure aussi noire que les ténèbres de la nuit. Les mains dans le dos, les deux filles comprirent immédiatement qu'il n'avait pas réussi à échapper à ses poursuivants.

Ils passèrent à leur hauteur. Les soldats marchaient bien droits, ne leur prêtant pas une seule petite attention. Le blondinet regarda en direction de son amie sans rien lui dire non plus. Seulement, lorsque ses prunelles bleues lagons se posèrent sur la silhouette d'Astrid, son regard se fit plus dur.

« TOI, rugit-il soudainement. Tout ça est de ta faute !

‑ Yume, calme-toi ! tenta d'intervenir sa meilleure amie, mais il continuait toujours à assaillir la nouvelle arrivante d'insultes toutes plus vulgaires les unes que les autres.

‑ SORCIERE ! »

Les soldats l'entourant se chargèrent de l'éloigner d'Astrid. L'empoignant par les bras, ils le forcèrent à continuer sa route. Le dit Yume ne dit plus aucun mot, mais il continuait à lancer un regard assassin vers la jeune fille, tout en s'éloignant vers la ville.

Yume… Astrid mit un certain temps à réaliser qu'il s'agissait du nom en sang écrit sur son dessin. « Alors c'est son nom ! » Comprit-elle enfin. Mais pourquoi l'avoir traitée ainsi de sorcière ? Elle ne lui avait rien fait de mal ! Certes, la brune ne venait pas de ce monde, mais ça, personne n'était censé le savoir ! De là à l'insulter de sorcière… C'était un petit peu exagéré !

Astrid se mordit la lèvre inférieure. Ce n'était pas donné, comme première impression ! Peut-être n'allaient-ils pas s'entendre aussi bien que ce qu'elle avait pu penser, finalement…

« Je suis vraiment désolée ! »

La meilleure amie de Yume se plaça devant Astrid. Elle s'inclina respectueusement. La brune sentait parfaitement que cette situation l'embarrassait énormément ! Elle aussi, d'ailleurs !

« T'excuses pas, c'est pas ta faute ! tenta de la rassurer Astrid. Je ne connais pas ton nom, au fait. »

La blanche releva subitement la tête. Elle écarquilla les yeux.

« C'est vrai ! Je m'appelle Yunni. »

Yunni lui tendit sa main pour se présenter. Un radieux sourire éclairait son charmant visage d'adolescente.

« Astrid, se présenta-t-elle également avec un léger sourire. »

Les deux jeunes filles se serrèrent la main. Une nouvelle amitié venait de voir la jour.

Astrid remarqua que Yunni semblait beaucoup aimer les bijoux. Sur son poignet droit ornait un gros bracelet en or. Sur la même main, une bague en argent était finement déposé sur son majeur. Bien qu'elle possédât de tels bijoux, Yunni ne semblait pas pour autant être ce genre de fille qui aimait se montrer. Au contraire, la blanche apparaissait plutôt comme une jeune fille timide et incroyablement douce.

Cependant, Astrid venait d'apprendre qu'il ne fallait pas juger sur les apparences. Après tout, Yume aussi lui avait parut être un gars bien. Mais pas vraiment, finalement.

Un homme passa soudain à leur hauteur. Ce dernier s'arrêta un instant pour faire un léger sourire à Yunni, ainsi qu'une révérence. Astrid n'aimait pas vraiment son allure, avec ses cheveux bruns plaqués en arrière. Cela lui donnait un air beaucoup trop hautain. Cet homme lui rappelait étrangement toutes ces filles qui aimaient se moquer de son apparence, lorsqu'elle était encore au collège.

Le brun n'eut même pas un seul regard pour Astrid. Il semblait totalement absorbé par Yunni.

Il reprit ensuite tranquillement sa route.

« Il m'énerve » se crispa Yunni.

Astrid regarda sa nouvelle amie. Elle remarqua aisément des poings solidement fermés, prêts à frapper le premier qui viendrait l'embêter. Ses magnifiques yeux fixaient l'homme avec une haine visible à des kilomètres à la ronde. Ca, la brune n'avait même pas besoin de lui demander pour savoir qu'elle ne supportait pas cet homme.

« C'est qui ? questionna Astrid, curieuse de connaître l'identité de celui que Yunni ne semblait pas supporter.

‑ Teki » lâcha la jeune fille entre ses dents.

Yunni avait prononcé son nom d'une voix tellement froide. Pas de doute : elle le détestait bel et bien. Astrid se demandait cependant ce qu'il avait bien pu lui faire pour la rendre dans cet état. Avec un regard aussi arrogant, pas la peine de se poser énormément de questions. Il devait se prendre supérieur à elle, et cela avait l'effet de l'agacer. La brune la comprenait, elle non plus ne supportait pas ce genre de personne.

« Il faut que j'y aille » déclara soudainement la meilleure amie de Yume.

Astrid remarqua que la jeune fille se dirigeait exactement dans la même direction que les soldats ainsi que Teki juste à l'instant. Qu'avait-elle en tête exactement ?

« Tu comptes aller aider ton ami ? »

Yunni se retourna pour planter son regard dans celui d'Astrid, n'ayant pas bougé d'un seul millimètre. La jeune lycéenne remarqua que l'expression dans ses yeux venait de s'adoucir. Elle semblait avoir retrouvé son incroyable douceur lors de leur première rencontre.

« Je vais sortir Yume de là, quelle question ! »

Astrid trottina pour se mettre à son niveau.

« Mais tu sais où ils l'ont emmené ? » questionna-t-elle, un brin d'innocence dans le ton de sa voix.

Yunni la dévisagea. Cette dernière leva un sourcil amusé puis fit un drôle de sourire en coin. Comme si elle ne parvenait pas à croire ce qu'elle venait d'entendre.

« Je vais au QG de l’Élite, bien évidemment.

‑ L’Élite ? répéta Astrid, confuse. C'est quoi, une organisation secrète ou un truc du genre ?

‑ Mais de quel Royaume tu viens exactement ? Tout le monde à Fikternand connaît l’Élite et la craint ! Même les Royaumes alentour n'osent pas se lever contre nous. »

Astrid encaissait chaque information comme elle le pouvait. Tout cela lui semblait bien trop irréel à son goût. Honnêtement, si une telle organisation existait, elle en aurait entendu parler il y a longtemps à la télé. Mais Yunni ne venait-elle pas de parler de Royaume également ? Fikternand, c'était son nom ? Jamais la brune n'avait entendu un nom pareil !

Aucun doute possible, elle ne se trouvait bel et bien plus dans son monde. Elle devait encore rêver. Oui, c'était cela. Elle rêvait. Cela expliquait pas mal de choses, comme cette ville à la fois antique et surréaliste ; la présence de Yume, alias son dessin ; et encore pleins d'autres choses étranges et incroyables. Bientôt, elle se réveillerait dans sa chambre d'hôpital, ses parents à son chevet. Ils lui annonceraient qu'elle pourra bientôt sortir et reprendre une vie sociable normale – bien qu'elle n'ait jamais vraiment eut de réelle vie sociable… Mais en attendant son réveil, elle allait suivre Yunni et rester le plus possible avec elle. Après tout, elle était la seule personne ici à accepter sa compagnie et à avoir été amicale depuis son arrivée ici.

« Bon, tu viens ou pas ? » l'appela Yunni au loin.

Perdue dans ses pensées, Astrid n'avait même pas remarqué que son amie imaginaire partait déjà sans elle.

« Oui, j'arrive ! » s'écria-t-elle en la rejoignant.

Tout ça me paraissait tellement nouveau. J'avais peur. Très peur. J'étais comme noyée dans cette vague de nouveauté et d'incompréhension que je ne parvenais pas à maîtriser. Je me sentais tellement seule. C'était la panique.

Puis tu es arrivé. Tu m'as bousculée. Drôle de première rencontre, hein ? On peut dire que tu m'as frappée de plein fouet ! Exactement de la même façon quand j'ai réalisé que je ne te verrai plus jamais. Décidément, tout est brusque quand il s'agit de nous deux.

Quand j'ai attrapé ta main, j'ai de suite su. J'ai immédiatement compris que nous allions rapidement nous revoir et tisser un lien. Mais aussi fort, ça, je ne l'avais pas deviné ! On ne peut pas tout prédire !

J'ai suivi Yunni dans le seul but de te revoir encore une fois. Bien évidemment que j'étais affreusement remontée quand tu m'as traitée de sorcière et… bien d'autres mots que je ne dirai pas. Je ne pensais pas que tu pouvais être aussi vulgaire ! Ton langage s'est amélioré, j'espère ?!

Je souhaitais en apprendre plus. Sur toi, sur ce monde, sur ses habitants. Yunni a bien essayé de m'expliquer, mais c'était beaucoup trop d'informations à mon goût ! Mais bon, j'ai bien fini par apprendre et connaître ce monde comme ma poche, au final. Après tout, j'en suis la créatrice. Non ?

Il m'arrive des fois de penser que je ne te reverrais jamais. Si c'est le cas, alors laisse-moi te dire une chose : jamais je ne t'oublierai. Jamais. Je prie pour qu'il en soit de même pour toi...