Yunni sourit face à cette nouvelle. Elle avait réussi à la ramener à temps, quel soulagement pour elle ! La jeune fille pouvait de nouveau respirer tranquillement.

Soudain, Lilia se mit de nouveau à murmurer dans son sommeil.

« Non…, gémit-elle. Je ne peux pas… Fiana me tuerait… Je ne peux pas…

‑ Fiana ? répéta Yunni. Qui est-ce ?

‑ C'est moi, répondit la Falky qui lui avait demandé de retrouver Lilia. Je ne comprends pas… Que lui arrive-t-il ? Il lui est arrivé quelque chose ? »

Yunni se mordit la lèvre inférieure. Les images de la tête de Lilia pleine de sang lui revenait en mémoire. Possédait-elle réellement la force de lui révéler de telles atrocités ?

« Yunni, je vous en prie, je dois savoir ! » insista Fiana.

La jeune fille ferma les yeux. Espaiceghia vint se placer juste derrière elle et posa ses mains réconfortantes sur ses épaules. Même si elles semblaient gelées au premier abord, elle s'avéraient au final incroyablement chaudes et pleines d'énergie. Yunni la remercia mentalement de l'encourager à parler de cet horreur.

L'Invoqueur décrivit tout en détail. Ce qu'elle avait vu. Ce qu'elle avait entendu. Tout. Elle n'oublia pas non plus d'expliquer comment elle s'était débarrassée des Miliciens qui s'amusaient à torturer Lilia pour connaître le secret de la jeunesse éternelle.

« Je vois…, murmura Fiana. Je vais en informer sa Majesté immédiatement. »

La jeune Invoqueur comprit qu'elle parlait ici de leur reine, la puissante dirigeante de toutes les races de Fées. Elle ignorait tout de son nom et de son apparence. Pour dire la vérité, Yunni pensait qu'elle n'existait pas. Tout comme le secret de la jeunesse éternelle, elle pensait que la reine des Fées était un mythe.

Fiana planta son regard blanc dans celui vairon de Yunni.

« Vous avez fait beaucoup pour nous, Yunni. Désormais, c'est à moi de régler cette histoire. »

La Falky se leva. D'un claquement de doigts, la taille de Lilia se mit soudainement à rétrécir, jusqu'à retrouver sa proportion, sa peau, ainsi que ses ailes de Falky. Toujours sous sa forme humaine, Fiana recueilli la petite Falky entre ses mains.

« Laissez-moi vous remettre ceci, en guise de ma gratitude. Tendez les mains. »

Yunni s'exécuta.

Nouveau claquement de doigts. Cette fois-ci, un petit sac en toile se matérialisa dans la paume de ses mains. Yunni fronça les sourcils. Un sac ? Il lui serait bien utile pour leur voyage jusqu'à Aristofée ! Seulement, il ne semblait pas plus grands que les sacoches de Yume et il ne lui semblait pas très résistant non plus.

« C'est un sac sans fond, expliqua Fiana. Vous pourrez y mettre tout ce que vous souhaitez à l'intérieur. Il gardera toujours le même poids et la même forme. Il est bien plus résistant qu'il n'y paraît. Ce n'est pas une toile ordinaire. Les Falkies y ont jeté un petit sort. Vous le constaterez par vous même. »

À ces mots, la Falky se dirigea d'un pas lent vers l'Arbre aux Fées. Yunni la regarda s'enfuir sans rien dire. Elle la remerciait profondément pour ce sublime cadeau !

Petit à petit, la foule retournait vaquer à ses occupations. Yunni se retrouva bien vite pratiquement seule sur la place. Un petit couple de personnes âgés étaient assis sur un banc un peu à l'écart, s'enlaçant amoureusement. Espaiceghia regardait attentivement la statue de la Déesse.

« Vous me donnez l'autorisation de rentrer, maîtresse ? » demanda la Chimère.

La jeune fille lui sourit et la renvoya dans le cristal sans un mot.

« Alors, tu es une Invoqueur ? » questionna le garçon aux yeux émeraudes.

Yunni sursauta. Elle n'avait pas remarqué sa présence jusqu'à présent. Elle reprit rapidement contenance. La jeune fille affirma d'un signe de tête.

« C'est la première fois que j'en rencontre un. Ta Chimère est incroyablement belle !

‑ Merci » répondit Yunni en rougissant.

Elle n'avait pas l'habitude de recevoir des compliments autres que ceux de Yume ou River. Mais aussi ceux des hommes qui la draguaient. Il la séduisait, lui aussi, Yunni avait apprit à reconnaître les garçons qui lui faisaient la cour. Cependant, avec lui, il y avait quelque chose d'un peu différent. La jeune Invoqueur ne saurait dire quoi…

« Tu travailles pour l’Élite ? reprit-il.

‑ Oui. Enfin, non… Plus maintenant… C'est… compliqué. »

Yunni se mordit la lèvre inférieure. Son regard se perdit un instant dans le vide. Elle repensa à River, qu'elle avait laissé derrière. La jeune fille jouait nerveusement avec la chevalière de son mentor. Elle s'inquiétait fortement pour lui. Elle espérait que rien de grave ne lui était arrivé. Qu'il n'avait pas subi les conséquences de leur fuite.

« Tu t'appelles ? engagea le jeune garçon aux yeux émeraudes pour changer de sujet.

‑ Yunni. Et toi ?

‑ Fab. »

Il lui tendit la main pour se présenter. Elle l'accepta avec un large sourire. Lorsqu'elle leva la main, elle remarqua qu'elle tremblait légèrement. Qu'est-ce qui lui prenait ? En attrapant la main de Fab, elle nota que celle-ci était incroyablement chaude et réconfortante. Yunni la serra doucement, ne souhaitant pas la lâcher.

« C'est un joli prénom » commenta Fab.

Yunni sentit ses joues brûler. Mais que se passait-il avec lui ? Elle se sentait toute bizarre. Jamais elle n'avait réagit comme cela en présence d'un garçon.

Troublée, elle rompit instantanément le contact. Elle changea de sujet :

« Et sinon, tu saurais où je pourrais trouver des auberges dans le coin ?

‑ Oh, elles sont pas bien nombreuses, par ici… Prends le pont sur la gauche là-bas, il y en a deux ou trois dans les différentes avenues »

Yunni regardait dans la direction qu'il lui indiquait gentiment. Un sourire crispé se dessina sur ses lèvres.

« Tu veux que je t'accompagne ? » proposa le jeune homme.

Le cœur de Yunni s'emballa. Que devait-elle lui répondre ? Une part d'elle voulait lui dire non car elle devait apprendre à être dépendante et à se débrouiller seule. Mais d'une autre part, une petite partie de son esprit mourrait d'envie d'accepter son offre.

Elle secoua la tête.

« Non, ça va aller, t'en fais pas. Mais merci de la proposition ! »

Fab fit la moue.

« Bon, bah, tant pis. J'espère qu'on se reverra…

‑ Oui, moi aussi ! »

Elle lui adressa un large sourire avant s'enfuir vers le pont.

Le jeune homme la regarda s'éloigner un instant. Souriant légèrement, il emprunta le même pont qu'elle.

****

Yunni arpentait seule les petites rues de Buxih. Elle avait déjà tenté sa chance dans divers petites auberges aux alentours, mais tous avaient répondu la même chose : « On est complet ce soir ! » Il fallait dire qu'ils tombaient mal. En effet, la jeune Invoqueur avait appris par la même occasion que se tenait ce soir une fête importante dans le village. Elle n'avait pas vraiment retenu ce dont il s'agissait. Elle savait juste que cette fête attirait beaucoup de voyageurs et que les auberges étaient de ce fait toutes complètes.

Tournant dans une ruelle un peu au hasard, Yunni se stoppa un instant. Fronçant les sourcils, elle jeta un rapide coup d’œil derrière elle. La blanche avait la terrible impression, depuis qu'elle était sortie de la dernière auberge, que quelqu'un s'amusait à la suivre.

Elle vit une ombre se glisser furtivement entre deux maisons.

Inquiète, la jeune fille reprit sa route en accélérant le pas. Yunni tourna dans une rue au hasard. Puis une autre, et encore une autre. Jusqu'à se perdre. Sa respiration s'accéléra soudainement. Elle se mit à paniquer. Rejoindre la population. Vite. Se sentir en sécurité. Comment faire ? La jeune Invoqueur se mit à courir.

Malheureusement, elle emprunta la mauvaise rue. La jeune fille se retrouva bloquée dans un cul-de-sac. Son pouls s'intensifia dangereusement. Yunni essaya de faire demi-tour, mais trop tard. Trois hommes à l'aspect étrange se tenaient désormais face à elle, lui bloquant l'accès.

Ravalant sa salive, Yunni reculait doucement vers le mur du fond. C'était sans issue. Elle était faite. Impossible de fuir, désormais.

Les hommes s'avançaient de plus en plus dans sa direction. Yunni reculait en même temps. Bientôt, son dos vint rencontrer le mur froid du cul-de-sac. La jeune fille ravala sa salive. Une goutte de sueur parla le long de son front et vint s'écraser sur sa joue droite. Son rythme cardiaque s'accéléra. C'était la fin.

Celui du milieu s'avança le premier vers Yunni. Il portait un bonnet vert foncé qui lui cachait une partie de son crâne chauve. Son front était barré d'une cicatrice recouvrant une bonne partie de son visage. La mâchoire carrée, il grinçait curieusement des dents. À son allure, la jeune fille devina que ce devait être lui, le chef de la bande.

L'homme écrasa son poing contre le mur derrière Yunni. Penché au dessus d'elle, ses iris noirs et durs parcouraient les courbes parfaites du corps de la jeune fille apeurée.

« C'est pas bien de se promener toute seule, tu sais ? »

Ses deux acolytes virent se placer du côté gauche et droit de la jeune Invoqueur, de sorte à l'enfermer dans un espace confiné et l'empêcher de s'enfuir.

Le chef de la bande se pencha un peu plus sur son visage. Yunni ferma instantanément les yeux, pour ne pas affronter son regard pervers. Le visage de l'homme descendit au niveau de son cou. Il huma son parfum.

« Délicieux » commenta-t-il.

Les deux autres se mirent à l'imiter.

Une larme roula le long de la joue de Yunni. Elle le savait. C'était inévitable. Elle avait parfaitement conscience du destin qu'ils lui réservaient. La blanche repensa à Yume. Que ne ferait-elle pas pour qu'il apparaisse soudainement, comme par magie, et qu'il vienne à son secours ! Puis ses pensées se dirigèrent vers Fab. Quelle idiote elle avait fait ! Pourquoi ne pas avoir accepté sa proposition un peu plus tôt ?! Elle n'en serait pas arrivée là !

Yunni pouvait tout aussi bien se servir de son arme pour se défendre. Seulement, la peur la paralysait littéralement sur place. Impossible de bouger ne serait-ce que le petit doigt. Pourquoi n'arrivait-elle donc pas à se défendre dans une situation comme celle-ci ?! Pourquoi était-ce plus facile face aux Miliciens ?!