Chapitre 15.3 : Yume
En entrant dans le salon, le blond fut étonné d'y retrouver Yunni. Elle était assise à table, et câlinait une boule de poils bleue. Yume mit un certain temps à réaliser qu'il s'agissait de Neko.
L'Invoqueur, ayant entendu la porte s'ouvrir, se redressa subitement. Son angoisse sa calma peu à peu en remarquant qu'il ne s'agissait que de son meilleur ami. La peur laissa cependant petit à petit place à la surprise.
« Yume ? fit-elle à voix basse pour ne pas réveiller les autres à l'étage. Qu'est-ce que tu faisais dehors ? »
Pour toute réponse, le jeune homme étreignit l'Invoqueur. Sentir les bras de Yunni se refermer doucement dans son dos lui procura le plus grand des soulagements. Énormément de choses étranges se bousculaient dans sa tête ses temps-ci, et être avec celle qu'il appréciait le plus au monde l'apaisait. Il espérait que ce sentiment de réconfort était réciproque.
« Il s'est passé quelque chose ? demanda la voix étranglée de la jeune fille.
‑ Rien de grave, rassura Yume. Je me suis juste rendu compte que je ne te montrais pas assez à quel point je tiens à toi. »
Suite à ces paroles, le blondinet défit lentement son emprise. Il s'assit ensuite sur une chaise et invita la blanche à en faire de même. Neko en profita pour sauter sur les jambes de l’Épéiste. Le chat se blottit contre lui tout en ronronnant. Cette somptueuse mélodie apaisa quelque peu le cœur lourd du jeune homme.
« Toi aussi, tu n'arrives pas à dormir ? » s'inquiéta Yume.
Yunni baissa les yeux, confuse.
« Je suis inquiète, avoua-t-elle.
‑ Pourquoi ? »
L'ancien membre de l’Élite aimait la facilité avec laquelle la jeune fille parvenait à se confier à lui.
Frustrée, Yunni passa ses mains dans ses longs cheveux blancs qui tombaient en cascade sur ses épaules. Elle cala ses coudes sur la table en bois, laissant quelques mèches blanches cacher ses grands yeux vairons.
« Et si on y arrivait pas ? lâcha-t-elle.
‑ A quoi ?
‑ A attraper cette Chimère. River est le plus doué des Invoqueurs, et il a lui-même échoué, alors je ne vois pas comment… »
Yume lui agrippa l'une de ses mains pour la rassurer.
« Yunni, je crois en toi. Je sais que tu y parviendras.
‑ Mais comment ? On devrait tout abandonner, et fuir le plus vite possible d'Onyrik. N'oublie pas que nous sommes recherchés, nous devrions rejoindre immédiatement Aristofée. »
Neko bondit sur la table et vint se frotter contre les bras de sa maîtresse, comme s'il avait sentit le surplus d'émotions négatives qui commençaient à l'envahir. La jeune fille releva un instant la tête pour caresser lentement le doux pelage bleu de sa Chimère de compagnie.
« On ne peut pas abandonner si près du but, encouragea le jeune homme. Je suis sûr que tu vas y arriver. Tu as quelque chose que River n'avait pas à l'époque. »
Yunni releva la tête vers son meilleur ami, plantant ses yeux vairons dans ses pupilles turquoises. Elle l'incitait à parler, à poursuivre sa réflexion.
« Tu as des amis qui seront toujours là pour t'épauler, te soutenir en cas de besoin, mais surtout qui se battront à tes côtés, peu importe le motif. »
Un demi sourire commença à naître sur les fines lèvres de l'Invoqueur. Cette dernière essuya les quelques larmes qui perlaient encore aux coins de ses yeux puis étreignit une nouvelle fois le blondinet. Elle lui murmura un bref « merci » au creux de l'oreille puis défit son emprise, lui adressant un large sourire cette fois-ci. Neko vint également ronronner près d'elle souhaitant lui démontrer toute son affection.
« Mais dis-moi, tu n'as pas répondu à ma question, changea-t-elle soudain de sujet.
‑ Quelle question ?
‑ Pourquoi tu étais dehors ? »
Yume soupira. Bien évidemment qu'il aimerait tout lui avouer, dire tout ce qui lui pesait sur le cœur. Seulement, il avait peur. Il était inquiet de savoir comment la jeune fille allait réagir à tout cela. Pouvait-il réellement lui dévoiler ce qu'Astrid avait affirmé quelques heures plus tôt ? Pouvait-il également lui annoncer avoir rencontré par deux fois celle qui ressemblait trait pour trait à la Déesse ? Il aimerait. Mais il connaissait Yunni. Elle serait capable de chercher pendant des heures des explications rationnelles, sans trouver le sommeil. Or, elle n'avait pas besoin de cela actuellement. Yunni possédait assez de problème comme cela, pas besoin de lui en rajouter des supplémentaires pour l'instant. Mais il se promit, qu'un jour, il aurait le courage de tout lui dévoiler.
« Je dois faire une crise d'insomnie, mentit-il.
‑ Tu as dû trop manger de Herazon ! plaisanta Yunni.
‑ Ouais, ça doit être ça… »
Quelque part, elle n'avait pas tord. Peut-être que leur surplus d'énergie agissait encore dans son sang.
« Ah, au fait, j'ai rencontré quelqu'un en ville. Cette personne te connaissait.
‑ Qui ? demanda l'adolescente en arquant un sourcil, surprise.
‑ Une Falky.
‑ Lilia ? devina-t-elle aisément. Comment va-t-elle ?
‑ Beaucoup mieux. Elle m'a demandé de te remercier. »
Yunni porta une main à son cœur, comme soulagée par ces paroles.
« J'espère que l'on aura l'occasion de revenir la voir, une fois que tout cela sera terminé.
‑ Tu veux dire une fois que le Royaume d'Aristofée aurait déclaré la guerre à l’Élite et que l'un des deux camps aura remporté la victoire. »
L'expression sur le visage de la jeune fille devint tout à coup plus grave, comme si elle venait de se rendre compte des enjeux de leur voyage. Déclarer une guerre entre deux Royaumes… C'était de la pure folie ! Même si le peuple des Elfes était la plupart du temps pacifiste, l'Invoqueur avait connaissance de leur puissante armée de guerriers-magiciens. Peut-être seront-ils assez puissant pour détrôner Seven ? Yunni l'espérait, mais elle ne voulait pas en venir aux armes pour cela.
« La guerre est-elle la seule issue ? »
Yume croisa les bras sur son torse, tout en s'enfonçant dans sa chaise.
« J'aimerais te dire que non. Cependant, connaissant Seven et sa terrible armée, je doute qu'il veuille se rendre aussi facilement.
‑ Il pourrait se servir de ce que tu as vu ?
‑ Ils sont là pour ça. Il les a crées pour ça. Ce sont des machines de guerre. Il n'hésitera pas à les déployer sur ses ennemis.
‑ Les Elfes n'ont pas à faire la guerre, ils n'ont rien à voir dans ce conflit. Cela ne regarde uniquement le peuple d'Onyrik.
‑ Malheureusement non, ils ont également leur part de responsabilité.
‑ Comment ça ? » s'étonna la jeune fille.
C'était bien la première fois que le blondinet avait une longueur d'avance sur elle. En même temps, lorsqu'il s'agissait de pratique militaire, le jeune homme aurait toujours un train d'avance.
« C'est très simple, expliqua-t-il, Aristofée et Onyrik ont toujours entretenu de très bon échanges commerciaux. Si les Elfes pensent que ce que garde Seven sous Fikternand peut avoir des effets négatifs sur le commerce, alors seront en droit de déclarer la guerre.
‑ Le mieux serait tout de même qu'ils ne la déclare pas.
‑ Ce serait l'idéal, mais Seven n'acceptera jamais les négociations. »
Un léger silence s'installa, chacun imaginant l'effet que pourrait produire une véritable guerre entre deux puissants Royaumes.
« On devrait aller dormir, proposa Yume. Une dure journée nous attend. »
Le jeune homme se leva, déposa un baiser sur le front de Yunni, puis gravit les escaliers pour retourner dans sa chambre. Il ne ressentait aucun besoin de dormir. En vérité, il avait préféré fuir cette conversation, car il savait, malgré tous les efforts du monde, qu'une guerre entre Onyrik et Aristofée serait inévitable.
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