Soudain, la vue de quelques bulles près d'une tourelle lui indiqua qu'il y avait du mouvement. Aux aguets, la jeune fille banda un petit plus son arc, prête à lancer la flèche. Elle attendit dans cette position plusieurs secondes. Astrid sentit dans son dos le mouvement de ses amis qui prenaient place de part et d'autre, se tenant prêts aux aussi à passer à l'offensive.

Une masse géante passa à toute vitesse d'une tourelle à celle d'en face. Puis elle répéta l'opération une seconde fois. Une troisième, une quatrième. Elle n'en finissait pas de tourner en rond ! La créature était tellement rapide que le trio n'avait pas le temps de lancer une quelconque attaque sur lui.

Tout à coup, quelque chose d'énorme fondit dans leur direction. Elle allait tellement vite que l'eau tout autour d'elle s'écartait presque sur son passage.

Réagissant quasiment instantanément, Astrid visa la Chimère avec l'une de ses flèches, mais celle-ci n'atteignit pas sa cible. La jeune fille remarqua que Yume passait également à l'attaque. Sa lame avait changée de couleur et rayonnait désormais d'une étrange couleur verdâtre. Le jeune homme tenta de s'approcher de leur ennemi pour lui asséner un coup, mais celui-ci virevolta sur lui-même, créant ainsi une barrière impénétrable.

Voyant que la créature approchait de plus en plus, Astrid eut la bonne idée de nager sur le côté pour l'éviter. Elle ressemblait à un taureau en furie !

Yunni tenta de l'esquiver à son tour, mais elle ne parvint pas à réagir à temps. La Chimère, qui apparemment semblait également dotée de nageoires en plus de tentacules, lui donna un coup dans les côtes, ce qui la propulsa des centaines de mètres plus loin, dans un lit d'algues bioluminescentes bleues. Puis la bête fit demi tour et retourna bien vite se terrer dans ses ruines.

« YUNNI ! » s'écria Yume en nageant le plus rapidement possible en direction de sa meilleure amie.

Astrid lui emboîta le pas, nageant certes plus lentement. Lorsqu'elle parvint jusqu'à elle, la brune trouva l'Invoqueur étendue sur le sol mousseux du fond du lac, un bras recouvrant ses côtes endolories. Toussant à cracher ses poumons, Yunni parvint cependant à se prodiguer un sort de Soin pour se remettre légèrement sur pieds. Elle adressa ensuite un sourire à ses amis pour leur faire comprendre que tout allait bien, mais ils n'étaient pas dupes. La blanche tenta de se relever, mais ses côtes continuaient à la faire souffrir.

« Je ne comprends pas, intervint Astrid, ta magie devrait fonctionner ! Ca a bien marché avec moi !

‑ Yunni, soulève ton bras.

‑ J'ai dit que ça allait » insista la jeune Invoqueur.

Elle récupéra son bâton tombé un peu plus loin et tenta de nager, son bras toujours collé contre ses côtes. Effectivement, même Astrid trouvait ce comportement suspect.

Nageant bien plus vite qu'elle, Yume parvint à lui attraper le poignet et ainsi à la forcer de s'arrêter.

« Je suis loin d'être stupide. Arrête de dire que tout va bien. Toi aussi n'est-ce pas ?

‑ Attends… Il t'a aussi… ? »

Astrid les rejoignit en fronçant les sourcils, ne comprenant rien à leur discussion qui pour elle n'avait aucun sens. Elle vit alors Yume relever une partie de son short de combat, révélant ainsi une partie de sa cuisse. En s'approchant de plus près, les jeunes filles constatèrent avec étonnement qu'une immense tâche violette en recouvrait une bonne partie.

« Qu'est-ce que c'est ? questionna Astrid qui était dégoûtée par cette étrange couleur.

‑ Du poison » répondit immédiatement Yunni.

L'Invoqueur dégagea son bras, dévoilant une partie de son ventre. La puissance avec laquelle la nageoire de l'ennemi l'avait propulsée lui avait déchirée une partie de sa robe. Mais ce n'était pas cela le plus important, mais plutôt la longue ligne violacée qui parcourait son ventre.

« Tu peux le soigner ? » demanda Astrid, très inquiète pour ses amis.

Le visage de Yunni devint soudainement plus sombre. Elle détourna le regard, visiblement mal à l'aise.

« Tu… ne peux pas… C'est ça ? » devina aisément la brune.

La meilleure amie de Yume ferma les poings de frustration. Elle se mordilla la lèvre inférieure, s'en voulant de ne pas être assez puissante pour contrer le poison.

« On trouvera une solution plus tard, intervint Yume. Occupons-nous d'abord de lui régler son compte. »

Il se tourna vers Yunni.

« Tu tiendras le coup ?

‑ Oui. Pour l'instant, le poison ne s'est pas encore propagé. Je suis juste un peu fatiguée.

‑ D'accord, je vois. Il va falloir mettre en place une stratégie. »

Au loin, un grognement se fit entendre. Apparemment, la Chimère attendait leur venue avec impatience, puisqu'il semblait les provoquer.

« On va faire simple. Yunni, puisque tu peux lancer de la magie à distance, tu resteras en seconde ligne. Tu seras chargée de nous administrer des sorts curatifs au besoin, sinon, contente toi de lui lancer quelques sort de foudre. Vivant sous l'eau, l'électricité doit être son point faible. Astrid. »

Il se tourna vers la jeune fille, une lueur extrêmement sérieuse dans le regard, ce qui la fit pâlir d'étonnement. Il posa ses deux mains sur ses épaules.

« De nous tous, je crois que tu as le rôle le plus dangereux.

‑ Quoi ? Tu entends quoi par « dangereux » ?

‑ C'est simple : tandis que Yunni brisera sa défense avec sa magie, toi, tu seras chargée de le distraire. »

Astrid ouvrit la bouche pour protester, mais Yume la devança, bien plus rapide :

« Il n'est pas stupide, il sait à qui il n'a pas encore administré de poison. Il ne reste que toi. C'est pour ça qu'il va automatiquement s'en prendre à toi. J'ai remarqué l'agilité avec laquelle tu sais esquiver ses attaques, je sais que tu en es capable.

‑ Et si je me fais toucher par son poison ? Voire pire ?!

‑ Alors on avisera sur place. »

Yume se tourna et nagea un direction des ruines.

« Vous êtes prêtes ? questionna-t-il une dernière fois. On ne peut plus faire marche arrière. »

Une fois près des ruines, Yume avait insisté pour qu'Astrid joue la provocation. A ce niveau-là, il lui avait laissé le champ libre. Soit elle se risquait à aller le trouver directement dans son antre, soit elle lui lançait quelques provocations verbales. La jeune fille opta pour la dernière version, ne souhaitant pas prendre le risque de se faire toucher beaucoup trop facilement.

Près de l'ancien pont levis, Astrid réfléchit à l'insulte qu'elle pourrait bien lui trouver. Les provocations, c'était son rayon. Seulement, dire du mal d'un monstre avec des tentacules et des nageoires, elle ne le faisait pas tous les jours non plus ! Trouver les mots adéquats allait lui prendre du temps.

Entendant l'eau remuer à seulement quelques mètres d'elle, le cerveau de la jeune fille se mit à réfléchir de plus en plus vite. Une insulte… Une insulte…

« Trouvée ! »

Astrid se plaça bien en vue de la Chimère, juste sous l'arche. Ainsi à découvert, elle put enfin voir à quoi ressemblait leur ennemi dans son entièreté. Son visage ainsi que son buste buriné ressemblait fortement à celui d'un être humain d'un âge avancé. Cependant, ses cheveux – si l'on pouvait appeler ceci des cheveux – se constituaient d'une multitude de longs mais fins tentacules azurés. Sur la partie bas de son corps, là où devrait normalement se trouver une paire de jambes, se composait d'une unique queue de poisson de couleur similaire aux tentacules. Contrairement à Neko, cette Chimère faisait drôlement peur.

« Sale poisson pourri ! » s'écria la brune en le pointant d'un index dédaigneux.

Oui, ce n'était pas l'insulte la plus incroyable au monde. Mais c'était la seule qui lui était venue sur le moment. Mais au moins, elle eu l'effet espéré : la créature mi-homme mi-poisson s'énerva.

Réagissant immédiatement à la provocation, la Chimère envoya ses tentacules remplir la sale besogne. Ces dernières s'étirèrent en direction d'Astrid, dans l'espoir de l'attraper. Mais, ayant anticipé d'avance cette réaction, la jeune fille parvint à esquiver le premier assaut en effectuant une pirouette sur le côté, et ainsi se cacher derrière un mur.

« Tu veux jouer à ça fillette ? Alors allons-y : divertis-moi…

‑ Parce que ça parle en plus ce truc ?! »

Astrid vit au loin Yume lui faire de grands signes. Celui-ci lui indiquait de nager à l'extrême opposé, pour attirer la Chimère loin de son antre.

Approuvant d'un signe de tête, la brune commença à s'enfuir le plus vite possible. Elle battit follement des bras et des jambes, espérant qu'elle parviendrait à semer son adversaire le plus rapidement possible. Seulement, elle le sentait, il se trouvait juste là, derrière, à une trentaine de mètres, tout près. Il la rattraperait en dix secondes voire peut-être moins ! Mais elle devait tenir bon et faire diversion le temps que Yunni et Yume se chargent de faire le reste.

Tout à coup, un tentacule fondit sur elle. Doté d'un incroyable sens de déduction, Astrid parvint à dévier légèrement sur le côté pour éviter de justesse l'assaut. En retournant vers son propriétaire, le membre désarticulé manqua de peu de toucher le bras de la jeune fille.

« Tu peux courir autant que tu veux, jamais tu ne parviendras à m'échapper, fillette.

‑ Je ne cours pas, je nage ! » répliqua l'archère dans le but de l'énerver.

La Chimère augmenta d'un cran sa rapidité, retrouvant la vitesse qui l'animait au tout début du combat.

Astrid roula littéralement sur le côté pour éviter d'être touchée. Au même moment, elle vit Yume, son épée verdâtre en main, prêt à fondre sur la créature. Son arme vers l'avant, il nagea à toute vitesse dans sa direction, espérant ainsi atteindre sa cible sans risquer d'être blessé. Le cœur d'Astrid se mit à battre violemment dans sa poitrine. Elle en était certaine : cette fois, c'en était fini de cette satanée Chimère !

« Vous pensiez vraiment que ce serait aussi facile ? » ricana la bête mi-homme mi-poisson.

Il s'arrêta brusquement dans sa course puis élança toutes ses tentacules en direction de Yume. Le jeune homme parvint grâce à plusieurs moulinets à en couper certains, mais plus il les tranchait, plus il en poussait.

« C'est le principe de l'Hydre ! s'écria Astrid à l'attention de son ami.

‑ De quoi tu parles ? demanda ce dernier qui peinait à détruire tous les tentacules.

‑ Plus tu en coupes, plus en pousse !

‑ La ferme fillette, tu nous déconcentres ! »