Chapitre 19.2 : Yunni
Plus féroce que jamais, Yunni commença à jeter des sorts à tout va, sans même avoir besoin d'une quelconque formule, ce qui impressionna le chef de la petite armée d'hommes-serpents que de moitié. En effet, malgré la puissance phénoménale de ses sortilèges, ceux-ci ne parvenaient toujours pas à les atteindre. Mais le plus déroutant sans doute fut le fait qu'elle n'avait plus besoin de formule magique pour lancer sa magie. Comment cela était-il possible ? N'importe quel être vivant sur ce continent, peu importait sa race et son niveau de magie, en était incapable ! Qui était réellement cette fille ?!
Le cristal de Yunni se mit à luire faiblement, mais ce n'était pas à cause de l’éruption incongrue de ses sorts. Non, quelque chose, ou plutôt quelqu'un, tentait d'entrer en contact avec elle. Ce fut une voix à la fois douce et puissante qui résonna dans son esprit, une voix que la jeune Invoqueur connaissait bien désormais pour l'avoir entendue plusieurs fois malgré leur amitié nouvelle.
« Yunni, tenta la voix, Yunni je t'en prie, écoute moi. »
Cette dernière se stoppa brutalement, semblant enfin se rendre compte de l'état de transe dans lequel elle se trouvait depuis quelques minutes. Elle respirait vivement, en proie à l'adrénaline et l'émotion intense. Un mélange de haine et de colère.
« Espaiceghia, c'est toi ? répondit mentalement Yunni, surprise par son intervention soudaine.
‑ Je t'en prie, calme-toi ! Ne laisse pas la haine t'aveugler ! Regarde ce qu'elle est capable de te faire endurer.
‑ Oui, mais Neko… »
Ne sachant pas pourquoi leur adversaire c'était soudainement arrêtée de se débattre vainement, les hommes-serpents jugèrent que le moment était désormais bon pour essayer de la capturer. Car le message sur l'affiche était clair : ils devaient la ramener vivante coûte que coûte. Mais ils avaient bien le droit de la torturer un peu tout de même, non ? Il n'était pas écrit qu'elle ne devait pas arriver écorchée…
Sur ordre de leur chef, les hommes-serpents s'approchèrent doucement en rampant, formant un cercle infranchissable. Épées ou autres armes tout aussi tranchantes entre leurs mains, ils étaient prêts à fondre sur elle à la moindre occasion. Levant le poing, le commandant leur ordonna de s'arrêter. Tel un fourbe, il s'approcha doucement vers l'arrière de la jeune fille, arme levée au dessus de sa tête, prête à la lui asséner à la moindre occasion venue.
« Yunni, attention ! avertit soudainement la voix d'Espaiceghia dans son esprit. Derrière toi ! »
Faisant vivement volte-face, la meilleure amie de Yume parvint in extremis à intercepter le coup qui lui aurait put être fatal grâce à la garde de son bâton d'argent. En face d'elle, son adversaire grinça des dents avant de siffler comme le ferait n'importe quel serpent contrarié. D'un geste de la main, celui-ci ordonna à tous ses soldats de fondre sur la jeune fille en même temps pour la rouer de coups, sans pour autant la tuer.
« C'est le moment ! s'exprima la Chimère des glaces. Invoque-moi ! »
Prenant son bâton à l'horizontal et fermant puissamment les paupières, une vive lumière s'échappa de son cristal violet, aveuglant par la même occasion tous les hommes-serpents, les interrompant de leur terrible action. Une fois la lueur dissipée, se trouva à ses côtés la belle et puissante Espaiceghia. Elle portait une somptueuse robe de combat faite uniquement en cristal, qui se confondait presque avec sa peau aussi blanche que la neige.
La Chimère darda son regard grisâtre sur les ennemis de sa Maîtresse, se demandant par lequel d'entre eux elle allait commencer. Les hommes-serpents reculèrent prudemment à sa vue. Celle-ci leur paru bien plus puissante que le petit chat bleu !
« Vous allez payer pour le meurtre de mon ami » tonna la femme manipulatrice de glace.
D'un simple claquement de doigts, elle fit apparaître autour de Yunni une sorte de sphère bleutée. La jeune fille connaissait l'importance de cette barrière. Il s'agissait d'un sort de protection qui la tiendrait éloignée pendant un certain moment des assauts de ses adversaires, tandis qu'elle pouvait toujours les attaquer. C'était un terrible avantage qu'elle avait désormais sur eux. Le seul problème résidait en un point : comment faire pour les mettre en déroute si la magie n'avait aucun effet sur eux ?
Espaiceghia balaya une première rangée d'hommes-serpents en leur envoyant un splendide coup de pied circulaire accompagné d'un soupçon de magie de glace, son élément. Une bonne partie du rang ennemi venait d'être mis à terre, mais pas pour autant décimée.
« Yunni ! interpella la Chimère. Je vais avoir besoin de ta magie ! »
La jeune fille, d'une pirouette, esquiva l'assaut d'un homme-serpent qui tentait de l'attaquer avec sa massue à pics. Même si elle savait qu'une barrière de protection la préservait de tous dangers, c'était un vieux réflexe d'esquiver ainsi les attaques.
« Tu sembles oublier que ma magie ne peux rien contre eux !
‑ Ce n'est pas pour eux, précisa Espaiceghia, c'est pour moi ! »
La jeune femme effectua plusieurs coups de poings sur différents adversaires, des prises digne d'un grand pratiquant d'art martial !
« Pour toi ? s'étonna Yunni à la fois par cette curieuse demande mais aussi par l'incroyable habileté de sa Chimère.
‑ Lance des sorts de glace sur moi. Mes attaques pourront ainsi prendre plus d'efficacité. »
Cette fois-ci, la jeune Invoqueur décida de faire un peu plus confiance en sa bulle protectrice. Tenant son bâton à deux mains, elle se concentra un peu plus pour créer des sorts de type Glacier qu'elle envoya directement sur Espaiceghia. A chaque nouvelle attaque magique reçue, son corps s'illuminait de plus en plus. Une drôle d'aura bleue entourait sa silhouette et, effectivement, les sorts qui accompagnaient chacun de ses coups lui semblèrent bien plus dévastateur que les précédents.
Tout à coup, le corps tout entier de la jeune femme se mit à briller fortement, aveuglant tant Yunni qui leurs adversaires. La jeune fille dû se mettre un bras sur les paupières pour ne pas se retrouver en proie à la cécité. Lorsque la lumière diminua, l'Invoqueur ne put s'empêcher d'ouvrir grand les yeux en constatant l'incroyable changement dont sa Chimère était sujette.
Son corps, pourtant si blanc à l'origine, semblait désormais encore plus opalin qu'à l'origine. On aurait dit la surface d'un lac gelé. Dans ses cheveux bleus s'étaient formés des petits flocons de neiges cristallisés, de sorte à ce qu'ils ne puissent jamais fondre. Sa tunique de guerrière venait de laisser place à une somptueuse robe bleue turquoise aux dégradés blanchâtres au niveau des manches et de la fin de sa traîne. Il s'agit d'un vêtement enserré au niveau de la taille par une ceinture d'or. Sans manches, un petit décolleté laissait entrapercevoir sa poitrine généreuse et laiteuse. De son dos partaient deux filets de tissus turquoises qui voltaient au gré du vent. Sa robe ressemblait fortement à celle que portaient les jeunes femmes romaines de l'antiquité. Dans ses yeux crépitait un orage dévastateur, reflet de sa détermination à en finir avec ces malfrats.
D'un simple claquement de doigt, l'entièreté de la température de la zone sembla chuter subitement. Tous, exceptés Yunni et Espaiceghia, ressentaient l'effet que causait ce froid soudain. En effet, le bout des doigts des hommes-serpents commencèrent à geler. N'ayant plus la force de tenir correctement leurs armes dans leurs mains, celles-ci tombèrent lourdement au sol. Effrayés par ce phénomène étrange, leurs ennemis tentaient de ramper en direction de la forêt pour prendre la fuite, mais leur queue de serpent semblait elle aussi crouler sous l'effet du froid. Bientôt, ce fut leur corps entier qui fut engourdi. Petit à petit, une épaisse couche de glace les recouvrirent entièrement, les piégeant dans une prison glaciale.
Espaiceghia leva de nouveau la main, prête à claquer une nouvelle fois des doigts. Elle ne fit cependant rien, et lança son regard gris en direction de sa Maîtresse.
« Lorsque vous m'en donnerez l'ordre, dit-elle sur un ton froid à cause de sa nouvelle forme, je les ferait tous éclater en éclats. »
Yunni écarquilla légèrement les yeux face à cette proposition. Il ne fallait qu'un seul claquement de doigt pour tous les envoyer mordre la poussière ? Les tuer… En avait-elle seulement le courage ? Ordonner de faire une telle chose…
La jeune fille baissa la tête, et, tout en fermant les yeux, secoua négativement le chef.
« Pas la peine d'en arriver à de tels extrêmes » annonça-t-elle d'une petite voix.
Lorsqu'elle releva les yeux pour adresser un sourire reconnaissant envers sa Chimère pour la remercier d'être là pour elle, Espaiceghia constata avec soulagement que ses pupilles avaient retrouvé leur couleur bicolore.
Yunni s'avança en direction du chef des hommes-serpents, les sourcils froncés face à la colère. Elle dévisagea le demi homme d'un œil mauvais. Oui, elle lui en voulait encore d'avoir assassiné sa Chimère. Mais tuer des êtres vivants conscients de leurs actes n'était pas sa philosophie de penser, tout comme Yume. Ils n'étaient pas meilleurs amis pour rien.
« Ils vont apprendre de leur erreurs, poursuivit la jeune fille. Ils apprendront désormais que s'en prendre à un Invoqueur n'est peut-être pas la chose la plus intelligente à faire. Ils peuvent vous paraître faibles, mais c'est le lien indestructible avec leurs Chimères qui font d'eux les êtres les plus puissants de ce Royaume. »
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