Tendre épreuve.

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  • Un mot, une vie, un soupire.

Lequel des trois fut le plus important dans l'acte final de cette histoire ? Peut-on dissocier réellement ces trois faits sans compromettre l'histoire en sa totalité? Si je faisais cela, j'omettrais le tiers de l'importance du contexte. Alors soyez attentif, car je ne raconterais cette histoire qu’une seule fois.

Le gendarme gardait ce même air sérieux et sévère, dans son silence profond, les mains croisées et le menton les surplombant. je n'avais aucune crainte, pas même l’ombre d’une peur. Non, j’étais bien, sereine, satisfaite du devoir accompli. Je me laissais tomber doucement contre l’appuis de la chaise inconfortable de la salle d’interrogatoire. j’observais cet homme, si sérieux, si dur… Prolongeant ainsi le silence qui lui pesait sur les épaules. Il était dur à la tâche, ne lâchant pas un seul instant son attention. On pouvait lire ses années d’expérience dans son regard et sur les traits de son visage amaigris par le manque de sommeil. Les détails ont leur importance, même le plus petit que l’on pourrait croire insignifiant. Ce n’est pas moi qui l'ai dit, c’est Sherlock Holmes ! Voyant qu’il commençait à perdre patience au vu de ce silence, je fermais les yeux une seconde avant d'entamer mon histoire.

  • Dois-je me présenter ? Non pas que je sais parfaitement que vous connaissez mon prénom, nom et immatriculation à l’assurance maladie. Mais plutôt mon histoire d’avant afin de comprendre l’histoire d’hier ?

Une plaisanterie certainement mal venue. Son froncement de sourcils me le fit comprendre assez rapidement, ce qui effaça mon sourire amusé en un rien de temps. Il me répondit sèchement.

  • Vous racontez ce qui c’est passé, nous n’avons pas besoin de connaître le prénom de tous vos petits copains et si vous pissiez encore dans votre culotte à onze ans.

Je l’avais cherché, mais sa réflexion me vexa tout de même. Je fis une moue compréhensive à mon sentiment immédiat. Remettant une mèche à l’arrière de mon oreille pour reprendre le fil de mes pensées, j'ai repris le scénario.

  • Il était 17h. Je l’attendais à notre restaurant, comme à notre habitude à chaque fin de samedi après-midi

Une habitude que nous avions toujours eu depuis notre adolescence, mais à quoi bon le lui préciser, il voulait les détails les plus croustillants, ceux qui me mettraient en faute pour m’inculper.

  • Les minutes peuvent paraître longues lorsqu’on attend seule à une table, renvoyant régulièrement le serveur à sa basse besogne parce que notre amie n’est toujours pas arrivée… Vous n’imaginez pas comme c’est agaçant d’attendre ainsi sans nouvelles ! Elle pouvait m’écrire un sms ! Nous sommes au XXe siècle bon dieu !

Cette idée, je n’en démordais pas, trois heures à l’attendre, deux cafés et une pâtisserie qui serait certainement difficile à éliminer à la séance de sport du mardi. Je lui en voulais terriblement. Je soupirais à se souvenir énervant, ce qui ne fit pas changer l’humeur de mon tenancier d’un iota. Je pris un instant, récupérant le verre d’eau précédemment offert à mon arrivée, pour en boire une gorgée.

  • En soit, j’ai attendu bien trop longtemps pour ses beaux yeux. Chose que je ne fais jamais en règle générale, mais que voulez-vous, elle est… était ma meilleure amie.

Je baissais un instant le regard sur mon poignet. Un bracelet de fines pierres bleues l’ornant. Même dans notre statut social, on pouvait être sentimentale sur d’absurdes choses. Elle me manquait en y pensant. Je posais mes doigts sur les pierres en les faisant glisser le long de mon bras, songeuse. Je relevais mon regard sur l'agent, maintenant prête à en venir aux faits.

***

Un samedi si beau, le soleil étouffant de Paris, venant teinter de ses rayons les murs des bâtiments haussmanniens. Il n’y a pas pire endroit pour vivre un été qu’une grande ville. Mais comment détester Paris ? Anne était en retard de dix minutes. chose rare mais qui arrivait, voilà pourquoi je ne lui en voulais pas… Pas encore.Par plusieurs reprises, je revois élégamment le serveur d’un geste de la main pour lui faire comprendre que ce n’était pas encore le moment de prendre commande. Vingt minutes de retard, et pas l’ombre d’une silhouette blonde. Mon téléphone posé sur la table ne s’allume pas. Par une habitude devenue presque un tic, je l’allume, par crainte d’avoir raté une information ou un message de sa part. Mais non, l'écran présente toujours cette image de fond d’écran neutre. Que pouvait-il bien lui être arrivé de si intéressant pour qu’elle en oublie notre rendez-vous quotidien du samedi ? Trente minutes d’attente. Je ne tenais plus, pianotant sur le clavier virtuel de mon téléphone pour lui écrire un sms en quelques secondes. Je gardais le portable en mains, les yeux rivés sur l’écran, attendant sa réponse instinctive. Après quelques minutes de silence, pas un message ne s'affiche sur mon écran. Je m’agaçais. Levant la main je commandais un café au serveur, un bien noir et serré, il me fallait au moins ça pour avaler l’absence de cette sotte. Je décidais pourtant de l’attendre, peut-être arriverait-elle avec des nouvelles croustillantes, ce qui avait dû causer un tel retard. Une heure… Ni message, ni apparition divine d’Anne. La frustration devenait grande. Me poser un lapin était intolérable ! J'entame une pâtisserie pour combler mon orgueil atteint. Ces sucreries avaient un don particulier pour calmer les humeurs humaines. Je ne devais pas être humaine, une fois engloutis, je me sentais surtout honteuse d’avoir mangé tant de calories. Un verre d’eau pour dessécher la gorge satisfaite de la gourmandise.

Trois heures, deux cafés et un gâteau… Il ne m’étais plus permis d’attendre un fantôme qui ne pointera pas le bout de son nez. Je rentrais chez moi, la colère animant mes gestes. Je ne suis pas particulièrement aimable au quotidien, mais ce soir-là, chaque personne qui osait me saluer se prenait un mur de méchanceté dans la face.

Ce fut une fois installée dans mon fauteuil et vêtue de mon kimono, un verre de vin en main, que mon téléphone daigna vibrer pour m’annoncer un nouveau message. Sans ménagement je le déverrouille pour en lire la bannière de présentation du message.

  • Anne : Elly, j’avais tout à fait oubliée que nous étions samedi ! Du moins… Non pas vraiment, mais…

Ma main se resserrait vivement autour du verre, l’énervement était au plus haut point. Je n’avais nullement besoin de lire la suite du message, comprenant parfaitement que son nouveau courtisan l’avait embarqué pour des aventures niaises. Je balançais le téléphone sur le sofa. Qu’il tombe, se casse ou s’abîme ne m’importait que peut, la journée que je venais de passer était devenue un véritable enfer de désolation. Je ruminais ma colère, tournant le vin dans le ballon qui le contenait, les yeux fixés sur l’horloge au-dessus de ma cheminée, contant les minutes qui passaient. Cette fois-ci, c’était le coup de trop, il fallait que j’agisse et définitivement. Je me levais, repris le portable toujours intacte sur le sofa, puis me mis à pianoter une phrase que seul le destinataire était en capacité de comprendre.

  • Ellysabelle : j’ai une folle envie de me faire un restaurant ce soir ! Que dirais-tu que nous nous retrouvions pour un apéro festif en compagnie d’Anne et son fiancé ?

Je ne pris pas plus d’une seconde pour relire mon message avant de l’envoyer au destinataire. Deux minutes plus tard je reçu :

  • Inconnu : 22h30, ça te va ?
  • Ellysabelle : Parfait !

Le ton était donné, le rendez-vous prit, il ne me restait plus qu'à inviter nos deux tourtereaux…

  • Ellysabelle : Aaah l’Amour, comment ferait la Terre pour tourner sans lui ? Pour te rattraper, invite moi Chez Marcus ce soir pour que tu me racontes ta folle journée.

Elle m’avait répondu il y a peu, elle devrait répondre rapidement. Quand elle était amoureuse, Anne faisait partie de ses filles niaises qui ne voyaient plus leur avenir sans leur nouveau Don Juan. Elle était des plus pathétique, mais en général, elle s’en voulait beaucoup de me délaisser ainsi et serait prête à tout pour se faire pardonner. Le prix d’un restaurant n’était pas cher payé pour l’affront qu’elle avait osé me faire.

  • Anne : Chez Marcus, pour quelle heure ?
  • Ellysabelle : 21h30 ?
  • Anne : Très bien, je passe te prendre un peu avant alors !

Un fin sourire s'affiche sur mon visage. J’y compte bien à ce que tu viennes me chercher avant, quitte à gagner encore plus de temps !

21h15 un tambourinement de coup sur ma porte me signale qu’Anne est déjà prête. Timing parfait. Déjà prête depuis plus d’une heure, je lui ouvrais la porte, l’accueillant, sourire chaleureux sur le visage.

  • Anne ! Quelle joie de te voir enfin !

Je la pris dans mes bras, comme une habitude amicale que nous avions conservée jusqu’alors.

  • Je suis ravie que tu abandonnes ton casanova pour moi durant une courte soirée.

La réflexion la fit rire, ce qui ne m’étonna pas, elle me connaissait un peu depuis le temps que nous nous côtoyions.

  • Avec toute la journée que je lui ai accordé, il pouvait bien m'accorder un moment de liberté avec toi.

Je me mordis la langue pour ne pas lui lancer une réplique sanglante, lui offrant un simple sourire de façade.

  • bon, nous devrions peut-être nous mettre en route, arriver trop en retard ce n’est plus dans l’air du temps.

Sans plus tarder, nous sortions de notre immeuble pour aller trouver, deux rues plus loin, le restaurant où j’avais pris réservation au préalable, sans pour autant en avertir Anne. Une fois à l’accueille, ce fut Anne qui prit la parole.

  • Une table réservée pour deux, certainement à mon nom, Dumontour.

Je l’observais discrètement, affichant un sourire de satisfaction, elle n’était pas complètement devenue sotte. L’homme de l’accueille nous conduisit à notre table, parfaitement préparée, puis, nous invita à prendre les cartes du menu et des boissons.

***

Le message était limpide, tant pis pour ma soirée télé, il fallait aller bosser. Des habits sombres et plutôt classiques, un jeans, un t-shirt qui ne soit pas troué pour ne pas faire clodo, et une veste marron. On ne pouvait pas faire plus classique. J’ouvre ma penderie pour en sortir un sac déjà fourni. Je sais parfaitement ce qui s’y trouve, mais par assurance du devoir bien fait, je vérifie une dernière fois avant mon départ pour ne rien oublier. Je le balance sur mon épaule pour sortir de ma maison. La nuit tombe lentement malgré l’heure avancée, mais j’ai le temps, 22h30 était l’heure où je devais rendre des comptes à celle qui me paie pour faire le boulot. Je n’ai vraiment pas envie ce soir, ma motivation était inexistante, mais bon, avec ce que je gagnerai ce soir, je pourrais m’acheter une nouvelle télé. Ce n'est pas que la mienne fait la gueule, mais elle date de l’époque des premiers écrans plats. Alors ouais, en 2018, on fait mieux en guise de télé. les parigots sont déjà dehors à festoyer dans les bars, j’avoue que je serais bien tenté pour les rejoindre. Je les longe, de près, pour profiter un bref instant de leur euphorie, mais je ne fais que passer.

Mon lieu de rendez-vous n’est pas la porte à côté, mais je préfère y aller à pied, en voiture c’est bien trop voyant et on pourrait facilement l’identifier si on venait à me rechercher.

Quarante minutes plus tard, j’arrive enfin au point de rendez-vous. Une faible lumière passe par la fenêtre du premier étage. Surement une télé allumée qui défile son feuilleton. Je l’observe un instant avant de secouer doucement la tête. Je n'aime pas particulièrement ce travail, mais il paye les factures et met du beurre dans les épinards. C’est assez lasse que je me dirige sur les lieux de l’aventure prochaine. Passé l’entrée, je prends mon temps pour essuyer mes godasses sur le long tapis qui orne le sol. Faire le moins de traces possibles, c’était un gage de qualité. J’examine l’escalier qui est fait de béton. Parfait pour ne pas faire de bruit, surtout lorsqu’on sait contrôler son poids en le montant. N’imaginez pas que je suis de ceux qui se laissent choir sur ses genoux, trop fatigué de sa journée, traînant des savates. Je n’aime pas mon travail, mais je suis devenue talentueux ! Il y a bien de nombreuses années maintenant que je fais ça, avant j’étais en galère, comme beaucoup de nos jours. Alors quand on crève la dalle et qu’on a plus un rond pour le mois, il faut être imaginatif et se tourner là où personne n’aime aller. Alors bon, j’ai débuté petit dans ce boulot, puis je suis devenue bon. Je n’ai jamais trouvé de goût à le faire, mais les billets qu’on me donnait à chaque fin de mission étaient toujours plus gros. Alors comment voulez-vous arrêter après ça ? Quand on a faim, on fait n’importe quoi.

Sa porte d’entrée était des plus classiques, une simple serrure. Il ne serait pas compliqué de la crocheter. Un instant, je regardais autour de moi. Il était le seul sur son palier d’étage, pas d’appartement en face où je pourrais être observé en plein délit d’effraction. Finalement cette mission serait des plus rapides. Je soupirais d’aise pendant une seconde avant de m’accroupir et sortir mon matériel de crochetage. L’oreille tendue, j’attendais que son émission de chanteurs émette des sons haut et fort pour faire tourner le verrou dans son claquement habituel. Une fois la serrure libérée, j’attendis une petite minute derrière la porte, le souffle devenant cette fois-ci plus court et tendu. L’épreuve allait devenir plus corsée. Allait-il prendre peur et fuir ? Où jouerait-il les crétins à vouloir m'affronter avec un chandelier qu’il aurait récupéré sur une table ? J’aimais pas les crétins, il fallait toujours être violent avec eux, après ça dégueulasse toute la scène et fallait nettoyer. J’aime pas les crétins, ils sont inconscients. Un nouveau chanteur passant sur sa télé, je pénètre dans les lieux, le souffle totalement coupé. C’est qu’il ne faut pas faire de bruit, pas même une respiration trop insistante, c’est pire qu’un grincement de plancher, on entend que ça.

L’entrée est basique, un couloir ridicule menant à son bout à la cuisine. A la droite de celle-ci, le salon, la seule pièce éclairée par la télé. Les autres pièces, la plupart fermées, devaient certainement desservir chambres, toilettes et salle de bain, mais celle-là, je m’en foutais. Je baissais les yeux pour détailler le sol. Décidément ce gars là n’avait aucun goût pour la décoration intérieure… Un sol de moquette grise… Qui met encore de la moquette chez lui ? C’est moche, et ça prend toutes les merdes qui lui tombent dessus ! Allez passer l’aspirateur pendant deux heures la dessus pour dégager toutes les merdes qui s’y sont enfouies ! C’est une vrai merde ces sols.

Je marche tranquillement, longeant le mur au plus près, sans pour autant m’y coller, c’est la pire des conneries quand on débute dans le métier. Déjà on est stressé, le cœur bat la chamade et ça nous rend dingue. Après, quand on veut être discret, on fait n’importe quoi, on se colle à chaque parois, on fait frictionner nos vêtements, alors du coup on crève de chaud et en plus de ça on respire comme un porc qu’on emmène à l’abatoire. Alors imaginer, le bruit contre le mur, la respiration qu’on entend à trois bornes… Forcément votre mission est foutu d’avance, alors quand vous devez la terminer proprement, bah c’est pas gagné, votre objectif se débat, hurle, fait un boucan de tous les diables, bref, quand vous l’avez achevé, après faut se tirer rapidement, et c’est là qu’on laisse des preuves !

Je vous le dis, faut de la préparation, un minimum quoi. Là, je dois avouer que c’est presque trop facile, il y a sûrement un loup quelque part. Ma missionnaire n’a certainement pas dû me parler d’un truc, une habitude qu’il a, ou peut-être une autre présence avec lui autre que sa foutu copine… C’était trop beau pour être réel… Mes bras commençaient à se tendre, c’est pas bon, faut pas être tendu quand on achève quelqu’un, après on est pas précis et ça en fout partout. Vous allez croire que je suis un homme propre, mais vous n’avez jamais passé des heures à nettoyer une scène, c’est chiant et c’est super long ! Quand on fait son travail proprement, ça fait gagner du temps pour se barrer après. Faut pas croire, chaque minute est importante dans ce genre de mission. Arrivé à l’angle du couloir qui s’ouvre sur le salon, je penche de peu la tête pour y observer ce qui s'y passe. Je soupire… C’est vraiment trop basique. C’est un crétin à roupiller sur son canapé devant une émission de chanteurs. Il a vraiment mauvais goût, comment peut- on dormir sur du Piaf ? C’était une grande dame celle-là, pas en taille hein, mais en vrai, quand on devait la connaître, on lui vouait un culte. Moi je l’admire, c’était une gosse des bas fond, elle est devenue une star, puis cette voix… Comment voulez-vous ne pas avoir les poils qui se dressent quand elle nous chante “Non je ne regrette rien” ou encore “Padam”. Ah, elle est splendide cette femme. Quel crétin. J’observe à nouveau le sol, un vieux carrelage sans couleur, sans goût… Qu’est ce qu’elle lui a trouvé à ce gars celle-là pour vouloir se marier avec ? C’est considérablement pas son goût de la décoration… J’espère pour lui qu’il avait au moins de l’intelligence pour tenir une conversation, les femmes aiment parler, être courtisées. Je le sais, j’ai eu une femme, elle était belle et intelligente. De toute façon, toutes les femmes sont forcément plus intelligentes que nous. Nous, on devient débile devant de belles formes, on pense qu'à ça, alors forcément, on devient lourd et on fait n’importe quoi. C’est un peu comme mon métier, faut savoir les approcher doucement, avec discrétion, être courtois et polis, puis s’ouvrir petit à petit, être à leur écoute… tout ça, tout ça quoi. Non vraiment c’est pas qu’avec votre verge que vous garderez une demoiselle. M’enfin, ce gars là, il est nul en apparence, alors je veux bien comprendre pourquoi ma missionnaire veut le dégager du chapitre de la vie de son amie.

J’observe quelque minutes, vérifier que le gus dort profondément, Quinze minutes plus tard, il n’a pas bougé d’un poil, et plusieurs chanteurs sont déjà passés sur son écran. Il dort le con. Je m’approche avec discrétion, mon cœur à l’arrêt, mon souffle ralenti. Fallait pas le réveiller avec des bruits bizarres non plus. Dans ma main un tissu imbibé de chloroforme. Les bonnes vieilles méthodes sont parfois les meilleures, faut pas croire. Il dort, mais il est toujours capable de se réveiller. Doucement je me penche au dessus du sofa et dans des gestes lents je viens lui plaquer le linge contre son visage. Forcément ça le réveil sur l’instant. Ses yeux s'écarquillent de surprises en m’apercevant, alors je lui souris, on dit toujours qu’un sourire c’est amical, faut pas non plus qu’il s’effraie de trop le bougre. Il ne se débat pas bien vite, tant mieux. Non vraiment, je vais demander une compensation de facilité… J’aime pas non plus quand c’est trop facile, c’est ennuyeux. Une fois qu’il est partit bien loin dans son sommeil je lui enlève le tissu et le range dans un sac en plastique, je ne voudrais pas imbibé mes vêtements de ce produit, ça me rendrait dingue. Maintenant je pouvais bosser convenablement, sans même être dérangé. Avant tout, vérifier toutes les pièces, on sait jamais qu’il y est une autre personne qui roupille pas loin. Rien, il est tout seul, tant mieux. Je prends un instant pour le regarder dormir, c’est vrai qu’il est pas si moche, il à au moins ça contrairement à son goût de la décoration. Je regarde la pièce et essaie de savoir comment ce pauvre gars va mourir. Suicide en se taillant les veines ? Bof, un peu du déjà trop vu, puis c’est plus féminin cette méthode. Les médocs ? Possible. Je vais dans sa salle de bain pour trouver sa pharmacie. J’ouvre un petit placard accroché au mur… Il est pas prévenant le gars, à part une boite de pansements et un spray pour se nettoyer le nez, il n’y a rien dedans… Non vraiment, il n'aurait pas été terrible comme mari celui-là. Je reviens à côté de lui et je pose mon cul sur le sofa pour le regarder.

  • Qu’est ce que tu veux que je foute de toi ? Tu es pitoyable, on ne peut même pas être créatif avec tout ça.

Je soupirais, il est devenu chiant maintenant. J'ai décidé d’aller prendre mes propres accessoires. J’en sort une corde, basique, simple, qu’on pouvait trouver dans n’importe quel magasin de bricolage. La pendaison, un classique, un trop grand classique, mais là, il m’avait coupé toute inspiration. Il était trop basique comme gars, ennuyeux à mourir. L’avantage de son appartement sans goût, c’est que la bâtisse offrait des poutres de décorations, certainement des éléments ajoutés pour un semblant d’esprit cosi, comme dirait les spécialistes des nouvelles tendances. L’affaire était déjà conclue. La corde est jeté par-dessus l’une d’entre elles, un bout enroulé autour du coup du gars, une fois que je l’eu installé sur une chaise, parce que bon, allongé sur le sofa il n’y a rien de pratique. Par de grands gestes secs, je tirais la corde pour soulever le futur cadavre, l’étranglant en même temps. Le fait qu’il était complètement inconscient ne lui fit pas prendre conscience de ce qui lui arrivait. Tant mieux, j’aime pas les braillards. Une fois bien en l’air et la corde serré autour de son cou comme il faut, je le laissait pendre tranquillement au dessus de sa chaise que je renversai sur le sol pour faire croire à un suicide basique. J’attendis, installé sur le sofa, à regarder la fin de l’émission sur les chanteurs français. Vraiment, ils étaient bons et talentueux, on avait ça en commun, être talentueux dans son boulot.

Après une bonne heure, l’émission finie, je laissais la télé tourner et je m’approchais du cadavre suspendu. J'enfile des gants en latex et prends son poul. Rien, silence total. J’enlève un gant et place ma main sous son nez pour vérifier qu’il n’y est aucun souffle. C’est que parfois, ils sont malins hein ! On croit que le cœur bat plus, mais parfois il est mis en silencieux et la victime respire encore ! C’est comme ça qu’une mission est foirée, quand on veut aller trop vite, ou quand on est trop sûr de son travail. Il faut toujours vérifier son travail, toujours ! Pour n’importe quel métier d’ailleurs, imagine un ébéniste qui te fait un meuble et qui ne vérifie pas chaque pièce à chaque fois, bah quand il le monte complètement, il peut être bancale et mal foutu et voilà, reste plus qu'à le mettre à la poubelle. Bah pour moi c’est pareille, faut toujours vérifier qu’il soit bien mort. Je remet mon gant et vérifie une nouvelle fois son poul, deux certitudes en vaux mieux qu’une. Verdict final, définitivement mort. Je sors de mon sac un appareil photo instantané. Ils sont pratiques, pas de preuve de pellicule, ça s’imprime directement. Une seule preuve. Je vais ensuite dans la chambre et je tire un tiroir où se trouve une petite boîte que j’enlève et range dans ma veste. L’alliance de monsieur pour la demoiselle. Il restait un élément, mais cette fois-ci je n’avais pas eu le détail d’où il était rangé. On ne pouvait pas dire qu’il y avait beaucoup de meubles ou de bibelots dans cet appartement, mais j’ai bien dû mettre une bonne heure pour trouver le dernier objet. Un petit lingot marqué des initiales de sa famille, rangé dans un carton de déménagement qui, à mon avis, n’a jamais été bougé depuis son arrivée ici. Je le rangeais dans un tissu avant de le mettre dans une poche à l' intérieur de ma veste. J’étais prêt et paré. Je récupérais mon sac, laissant la corde autour de ce pauvre gars, j'inspecte une dernière fois l’appartement au cas où j’aurais oublié un élément, puis j’en sortis, fermant à clé la porte, avec sa clé, avant de la rangé sous le tapis de son entrée. N’importe quel crétin fait ça, mais lui, il avait eu au moins l’intelligence de ne pas le faire durant sa vie.

***

Le lendemain, dans les kiosques, les journaux annonçaient en milieu de pages un drame du quotidien, un homme retrouvé pendu dans son appartement. Les lignes décrivaient un suicide, certainement du à un quotidien triste et morne, un manque d’ambition dans la vie et une dépression qui le guettait. Un combo qui ne laissait aucun doute sur la finalité de sa vie.

Ce matin là, Ellysabelle dormait à point fermé, ayant fait des rêves sublimes, après s'être couché à une heure tardive, tandis que dans l’appartement en face, une jeune femme fondait en larme sur la photo d’un journal qui présentait son fiancé pendu au plafon de son appartement. Une chose qu'elle n'aurait jamais imaginée durant son existence...

Un mois plus tard, la fiancée veuve avant l’heure fut internée pour dépression grave. Son amie, repris le cours de sa vie, sport le mardi après-midi, cours de théâtre le mercredi matin, association de lecture le jeudi, boutiques le vendredi, puis maintenant, elle lui rendait visite chaque samedi soir à 17h dans son hôpital. Nouveau lieu de rendez-vous pour ces demoiselles qui resteraient meilleures amies dans la vie comme dans la mort.

***

  • Vous voyez, parfois l’histoire peut être toute simple. J’aurais aimé être présente pour elle toute la nuit afin qu’elle ne soit pas seule à découvrir la nouvelle au matin… Mais que voulez-vous, je ne suis pas sa fiancée non plus.

Je m’abstenais de tout sourire de satisfaction, ma victoire était totale à voir le visage figé de mon tortionnaire. Il n’avait aucune piste pour m’inculper d’un prétendu meurtre. Ce pauvre homme a fini pendu pour dépression, pour des raisons obscures qui lui étaient personnelles. Que voulez-vous, l’Homme possède des tas de mystères. Le gendarme était incrédule à mon histoire, pourtant, il ne voyait aucun mensonge dans ce que je venais de lui raconter. Tout collait et ça, je le savais parfaitement. Il observa un court instant son collègue qui se tenait en arrière, il lui offrait un geste négatif de la tête. J'avais définitivement gagné la guerre.

Deux heurs plus tard je sortais du commissariat libre et sans craintes d’être un jour arrêtée pour le meurtre que j’ai commandité. Mon homme de main que j’avais engagé pour la mission s’était acheté un nouvel écran plat ainsi qu’une nouvelle corde, paraît-il que ça lui manquait dans ses accessoires.

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