Chapitre 2 : Peur de la mort
- Vous ne disposez plus que de trois jours à vivre, peut-être une semaine si vous avez de la chance, déclare le médecin, essayant de faire preuve d'empathie à mon égard.
- Eh bien, ce n'est pas la première fois que j'entends ça. Vous savez, Doc, j'ai déjà volé cinq années d'existence à la mort, elle ne me fait plus peur. Quand vous m'avez annoncé la récidive de mon lymphome, je ne pensais pas échapper à son emprise cette fois-ci.
Je n'ai que trente ans, et pourtant, j'ai déjà frôlé la mort à deux reprises au cours des cinq dernières années. Fichu cancer, vous pensez ? Vous prêchez une convertie. Cependant, je l'ai déjà vaincu une fois. Aux portes de la mort, ma chimiothérapie a finalement fait effet, et j'ai retrouvé des forces. Par la suite, j'ai contracté une pneumonie et j'ai dû être placée sous assistance respiratoire, restant deux semaines en soins intensifs. Une miraculée, c'est ainsi que le Doc' m'appelait alors.
- Fichu cancer, hein, Doc' ? dis-je en gardant le sourire.
- Fichu cancer, en effet, répond-il tristement. Nous avons déjà essayé un traitement de chimiothérapie de secours, mais malheureusement, il n'y a aucune réponse. Vos fonctions rénales se détériorent également selon les analyses sanguines, ce qui me fait craindre que le cancer ne s'en prenne également à vos reins.
- Et donc, quel est le plan, Doc' ? Je reste clouée au lit d'hôpital et tout le monde vient me voir mourir à petit feu ?
- C'est une possibilité, mais je ne pense pas que cela soit votre choix, n'est-ce pas ? Une force de la nature comme vous ne meurt pas silencieusement dans une chambre d'hôpital.
- Vous me connaissez bien, après tout ce temps !
- Vous pouvez rentrer chez vous et revenir quand votre état se détériorera trop. Dans ce cas, nous pourrions vous hospitaliser jusqu'au moment fatidique.
- N'y a-t-il pas un moyen de raccourcir tout cela un peu ? Je ne veux pas de soins palliatifs, vous le savez. À quoi bon survivre deux jours de plus en souffrant le martyre, sachant qu'il n'y a aucun espoir ? demandé-je.
- Dans votre cas, nous pourrions envisager un processus de fin de vie médicalisé.
- Que de grands mots pour parler d'euthanasie, Doc'. Vous savez, en tant que vétérinaire, je suis familière avec le sujet. Bon, je suppose que vous avez plus de paperasse à gérer que moi à ce sujet, mais cela me semble être la meilleure alternative. Je proposerais la même chose à mes patients s'ils étaient dans ma situation actuelle.
- Le problème réside surtout dans le délai d'autorisation, malheureusement. Cela prend généralement un mois, et nous n'avons pas ce temps devant nous.
- Eh bien, il ne faut pas être pressé de mourir, hein ! Mieux vaut être un chien atteint de cancer !
- Je n'ai aucun pouvoir sur ce point, j'aimerais pouvoir vous aider sans ces délais... Malheureusement, c'est un problème récurrent en oncologie.
- Bon, oublions toute la paperasse, je ne veux pas passer ma dernière semaine à m'en soucier.
- Je suis vraiment désolé, s'excuse le médecin.
- Oh, vous n'y pouvez rien ! Je ne vous en tiendrai pas rigueur, je n'ai pas le temps d'être en colère ! Sur ce, à bientôt, Doc !
- Au revoir, Sandra.
Je n'ai parlé de ma récidive à personne, je ne veux pas que tout le monde s'inquiète à nouveau pour moi. J'ai continué à travailler, à m'occuper de ma famille, à voir mes amis comme si de rien n'était.
Je vais donc profiter pleinement de ces trois jours. Que feriez-vous s'il ne vous restait que trois jours à vivre ? Certains partiraient à l'autre bout du monde, feraient la fête jusqu'à épuisement, abandonneraient tout et profiteraient. Pour moi, ces trois jours se sont déroulés aux côtés de mes proches. Une matinée de travail pour dire à mes collègues que je les aime et qu'ils sont formidables. Une après-midi avec mes parents, où je les ai remercié pour tout ce qu'ils m'ont offert, pour m'avoir permis de devenir la femme que je suis aujourd'hui, pour avoir séché mes larmes et pour m'avoir encouragée dans toutes les épreuves de la vie. Une journée avec mes amis, pour me détendre, oublier ce qui se passe en ce moment. Et enfin, une journée entière avec mon mari et ma fille de huit ans. Nous sommes allés au zoo, cela leur fa tellement fait plaisir ! En fin de journée, je les ai pris dans mes bras et leur ai dit que je les aimais plus que tout au monde.
Le quatrième jour, mon état a commencé à décliner. Je suis de plus en plus faible, j'ai des nausées et des difficultés à respirer. J'ai prétexté une bronchite pour rester seule à la maison pendant que mon mari emmenait notre fille à l'école avant de se rendre au travail. Je suis donc seule à la maison. Je commence à écrire une lettre à mes proches. Dans cette lettre, je leur confie tout ce qui s'est passé, ma récidive, l'absence de réponse au traitement, à quel point je les aime. Je leur souhaite tout le bonheur du monde et qu'ils puissent reconstruire leur vie sans moi. Je veillerai sur eux là-haut. En écrivant ces mots, des larmes coulent sur mes joues.
Vous pensiez que je me rendrais à l'hôpital pour des soins palliatifs, car c'est la seule option ? N'oubliez pas que je ne ferais jamais cela à mes patients. La médecine est tellement en retard !
Le lendemain matin, après l'annonce de l'échéance, j'ai passé une matinée au travail. J'en ai profité pour récupérer un petit kit d'euthanasie.
Je me prépare donc une voie veineuse, la fixe. Tout est prêt. Il ne me reste plus qu'à administrer la dernière injection.
Je n'ai pas peur de la mort, c'est vrai. Mais j'ai terriblement peur de laisser mes proches dans la tristesse pensé-je alors que le produit mortel est maintenant en train de couler dans mes veines.
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