Où étais-je ? Qui étais-je ? Que faisais-je ici ?

Il me semblait me trouver dans cet étrange endroit. Il n'y avait ici rien de solide, juste un néant violâtre et poisseux, semblable à un mélange de feu et de brouillard. Je flottais plus que je ne marchais, et impossible de me souvenir de quoi que ce soit.

Cela faisait des jours que j'étais ici, du moins c'est ce qu'il me semblait. Il m'était impossible de le dire avec certitude ; Je n'avais plus la moindre notion du temps.

Puis une silhouette se détacha du brouillard au loin et s'avança vers moi. Ce n'est que quand l'autre fut à quelques mètres que je pus discerner son visage. C'était un visage étrange.

L'inconnu avait le teint pâle et les traits anguleux. Ses cheveux roux flottaient comme en apesanteur. Il dégageait quelque chose de très singulier, quelque chose qui m'évoquait tout à la fois un tableau de maître, un membre de la noblesse et un chat particulièrement acariâtre.

- Qui êtes-vous ? lui demandai-je.

Il secoua la tête.

- Peu importe.

Je ne savais pas quelle question poser, si bien que je les déballai toutes en même temps.

- Où sommes-nous ? Que faites-vous ici ? D'où venez-vous ? Qui suis-je ? D'où sort votre étrange accoutrement ?

L'étrange personnage m'observa une seconde sans répondre, puis prit enfin la parole:

- Je ne sais pas où nous sommes, mais il n'y a rien ici. Si j'y erre comme vous, c'est... un malheureux concours de circonstances.

Il prit un air mélancolique et inspiré.

- Mon monde d'origine se nomme Lorule. J'y ai vécu il y a longtemps, peut-être des siècles. Je ne sais plus.

Lorule. Ce nom résonnait étrangement dans ma tête. Peut-être y avais-je vécu. Impossible de me souvenir.

- Je ne sais pas qui vous êtes. Quand à mon accoutrement, comme vous dites...

Un sourire de travers lui étira le visage.

- Je n'en dirai pas plus.

Il passa un doigt sur ses étranges oreilles pointues. Je m'apprêtais à poser une énième question quand il me prit de vitesse.

- Vous tenez vraiment à savoir qui je suis, n'est-ce pas ? Je peux vous le raconter, mais ce sera un peu long.

Je reniflai un peu bruyamment, ce qui fit grimacer mon interlocuteur.

- Peu importe, lança-t-il. Nous avons l'éternité devant nous, n'est-ce pas ?

Il croisa les jambes et appuya son menton sur la paume de sa main. Les lumières du néant elles-mêmes semblèrent se tamiser tandis que mon compagnon d'infortune commençait son récit.