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Le Club avait racheté la maison, maintenant marquée de son sceau. De petits aménagements étaient nécessaires, mais du matériel avait été réinstallé, une vie permanente s’était mise en place.

J’avais quitté ces lieux précipitamment, alors que j’y avais vécu le moment le plus fort de ma vie. J’avais besoin d’y retourner, de l’apprivoiser pour fermer le souvenir de cette épreuve ultime. C’était l’été et quand je demandais à pouvoir y séjourner, je fus accueilli comme un roi.

Mon émotion était forte quand je claquais la portière. Sentir à nouveau ce gravillon sous mes pieds me ramena à cette journée de printemps où tout avait commencé. Je n’osai plus avancer, craignant ce que j’allais subir, l’attendant à nouveau.

Mon arrivée était attendue. Ils furent plusieurs à venir m’accueillir avec chaleur. Ils avaient tous participé à ces journées et en restaient marqués. J’appris ainsi qu’ils avaient été une bonne trentaine à se relayer pour notre entrainement. Le grand soir, cela avait été une cinquantaine de personnes qui avaient assisté à mon martyre. Je ne m’étais rendu compte de rien. Une seule personne me préoccupait alors, au-delà de ma douleur.

Je m’arrêtais dès l’entrée. Les chevalets avec leurs deux poutres à angle droit étaient toujours là ! En fait, ils en avaient réinstallé deux, comptant les laisser à demeure. Ils avaient été le point focal de cette préparation. Cela avait été chaque matin que nous étions restés dans cette position, les jambes remontées, les bras tendus vers le bas, le cul ouvert et disponible. On m’expliqua la nécessité de renforcer les épaules. Chaque jour, l’attache était déplacée. La durée dans une position inconfortable, le contact du bois dur étaient aussi des composantes importantes.

Et l’offre de pénétration, de souillure ? Une chose, trop facile. Chacun se permettait devant les autres, créant une sorte de fraternité. Nous souiller, c’était ne pas nous ériger en martyrs intouchables, conserver une proximité avec nous, participer à notre calvaire. De plus, c’était aussi briser notre résistance.

Quelle préparation ! Tout avait été pensé dans les détails ! C’est ce que j’avais ressenti, me permettant de m’abandonner avec confiance dans ces épreuves.

Ils me firent faire le tour des salles. Je reconnus certaines choses. J’avais vraiment été loin de la réalité. Ma cellule était intacte. Au sol trainaient encore mes bracelets de contention, retirés juste avant ma montée. Le nettoyage rapide les avait épargnés. Ils étaient encore imprégnés de ma sueur et de ma souffrance. Je leur demandais de me les remettre. Pour moi, vivre dans cette maison n’était possible qu’ainsi harnaché, prêt à être conduit à un supplice.

La visite et l’accueil s’achevèrent devant un trou dans le sol. La croix, indémontable, avait été cachée dans une cave. Je leur proposais de la remettre en place, à demeure. J’assistai donc à sa nouvelle érection. Les bras étaient tachés de mon sang.

J’eus droit à la plus belle chambre. Je regardais de loin les préparatifs des futurs ateliers, dans la continuité de ceux du Damn’s Club. De temps en temps, j’assistais en spectateur à leurs jeux. Je ne me sentais pas encore de participer. Je n’avais pas encore évacué l’intégralité du traumatisme.

Un incident vint troubler ce calme. La femme d’un des membres, ayant entendu parler de l’achat de ce petit château et de son parc immense, non informée de sa véritable destination, l’avait indiqué à une troupe de scouts pour leur camp d’été. Leur arrivée suscita une certaine panique, d’autant qu’elle leur avait dit qu’ils pourraient profiter des sanitaires.

Après une première confusion, on les laissa s’installer à l’autre bout du parc. Ils étaient discrets et ne venaient à la douche que tous les deux jours. Pendant une paire d’heures, le château retrouvait une bonhomie trompeuse. Une bande d’éphèbes se lavant dans un lieu de perdition gay, les choses dérapèrent inévitablement. De gentilles sollicitations atteignirent les moins indifférents. Des rencontres se nouèrent. Des visites s’organisèrent vers les ateliers. Des curiosités s’exprimèrent, difficiles à ne pas satisfaire. Le chef scout étant un des principaux intéressés, rapidement un autre fonctionnement se mit en place. Il renvoya les trois plus jeunes dans leur famille, munis d’explications rassurantes. Neuf jeunes restaient, dont deux, très motivés, n’auront leurs quinze ans que quelques mois plus tard. L’impunité semblait naturelle.

Je m’érigeais contre ces comportements de nos membres. Les scouts étaient tous novices ou presque. La différence d’âge était trop importante. On me fit comprendre que mes états d’âme par rapport à une petite rondelle neuve bien serrée n’avaient aucune importance. Pourtant, ces ados auraient pu être leurs fils, car eux aussi avaient des enfants, des neveux chez les scouts.

Ces comportements me révulsaient. Je me réfugiais dans ma chambre, encore incapable de réinvestir complètement notre appartement. Je partageais les repas. Les scouts étaient présents, chacun avec un protecteur, apparemment heureux de la tournure de ce camp. Rapidement, je remarquais cependant un blondinet aux cheveux longs, avec un sourire éclatant de beauté, mais esseulé. Craignant pour lui, je m’en approchais pour vérifier que tout allait bien. Son sourire s’agrandit en me voyant venir vers lui.

— Vous êtes Nicolas ?

— Oui. Et toi ?

— Nathan.

— Tout va bien pour toi ici, Nathan ? C’est un peu spécial, non ?

— Non ! J’aime bien cette ambiance. Je crois que je suis gay. Vous êtes tous gentils. C’est une expérience intéressante.

— Tu sais, tu peux venir me voir si ça se passe mal ou si tu ne te sens pas bien, si tu veux partir…

— Oui. Je vous remercie.

— Tu peux me tutoyer !

— Oh, non ! Vous êtes trop vieux !

— Tu as quel âge ?

— Seize.

— Tu vois, j’en ai 26, ce n’est pas beaucoup plus !

— Quand même, c’est vieux ! Je…

— Oui ?

— Je peux parler avec vous ?

— Mais c’est ce que nous faisons…

— Oui, mais pas ici, pas au milieu des autres.

— Si tu veux. Dehors ?

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