Deuxième jour
Comme espéré, après une bonne nuit de sommeil, Max s’est réveillé en pleine forme. Etre à l’extérieur du refuge, dans le silence de la montagne lui a permis de dormir plus longtemps que d’habitude. Lui qui est assez matinal en général, il est surpris de voir les deux autres tentes vides et rangées. Il n’y avait personne lorsqu’il s’y est installé la veille et les occupants sont déjà partis ce matin. Rien d’anormal vue l’heure à laquelle il s’est couché, mais il est surpris de n’avoir rien entendu. Il a pourtant le sommeil léger en temps normal. Est-ce que c’est la fatigue d’hier qui a fait que j’ai dormi comme un loir ? se dit-il. Il se rend compte à ce moment-là, qu’il n’a même pas pu apprécier de regarder le ciel nocturne sous sa tente dôme tellement il s’est endormi vite. Quelques minutes plus tard, il rejoint l’avant du refuge pour prendre une douche. Il est surpris qu’il y ait si peu de monde aux tables pour le petit-déjeuner. Aurais-je dormi si longtemps ? se dit-il
— Bonjour Max. Bien dormi ? Vous avez l’air en bien meilleure forme qu’hier en tout cas.
— Bonjour Héléna. Je confirme. Tout va bien. Je ne sais toujours pas ce que j’avais hier, mais ça semble terminé. Les douches, c’est par là, demande-t-il en pointant du doigt une porte au fond de la pièce principale.
— Non. De l’autre côté, lui dit-elle en s’éloignant avec un plateau pour servir les randonneurs installés à l’extérieur.
— Quelle heure est-il ?
— Presque 8h30. Essayez de faire vite, c’est bientôt la fin du service et je dois aller m’occuper des chèvres.
— Entendu, je me dépêche.
J’ai dormi plus de 12 heures ! se dit-il en se dirigeant vers les douches. Moins de 10 minutes plus tard, Max est attablé pour le petit-déjeuner. A ses côtés, un groupe de six randonneurs qui discutent de leur journée de marche. C’est la dernière table occupée. Tous les autres sont visiblement déjà partis pour une nouvelle journée de marche. A part eux, seule une femme, à l’écart près du bâtiment principal, est encore là. Il ne se souvient pas l’avoir vu la veille. Peut-être vient-elle d’arriver ? se dit-il au moment où Héléna lui dépose son petit-déjeuner. Après avoir échangé quelques mots avec elle avant qu’elle ne reparte à ses tâches, il s’attaque à son plateau. Pendant qu’il mange, en repensant encore à son malaise de la veille, Max écoute d’une oreille distraite les conversations de ses voisins. Discussions classiques d’un groupe de randonneurs qui parle de la veille ou de la journée qui se prépare. Soudain, une voix plus forte attire son attention.
— Quelle horreur ! Les pauvres gens, entend-il soudain au milieu du brouhaha.
Aussitôt en alerte, il tourne la tête, comme les cinq autres, vers la jeune fille à l’autre bout de la table. Peu intéressée par les préparatifs de la randonnée, comme tous les jeunes de son âge, elle était sur son téléphone.
— Lucy ! Même ici, tu ne peux pas t’en passer, lui dit aussitôt son voisin de table. La prochaine fois, je choisirai un refuge sans wifi.
— Mais papa, regarde. C’est grave. Tu ne te rends pas compte.
Ces ados, totalement accro ! pense Max en souriant et en voyant son père tenter de la faire arrêter. Sûrement encore une histoire de téléréalité.
— Qu’est-ce qui est si important ? finit-il par demander en voyant l’angoisse sur le visage de sa fille.
Elle lui tend son téléphone sans dire un mot de plus. Il regarde un instant, silencieux, puis le lui rend.
— C’est bien triste, mais on ne peut pas y faire grand-chose.
— Que se passe-t-il ? demande un autre, inquiet.
— Un volcan en éruption en Afrique.
— Le volcan Nyiragongo en République démocratique du Congo, près de Goma, complète aussitôt l’adolescente.
— Les autorités ont décidé d’évacuer entièrement la ville devant une coulée de lave soudaine qui dévale les pentes vers la ville.
— Oh, pauvres gens, dit l’un d’eux.
— C’est tout ce que ça vous fait ! s’exclame la jeune fille, choquée par leur indifférence.
Elle se lève aussitôt et part s’installer à une table libre.
— Elle est très sensible ta fille, dit celui qui était assis en face d’elle.
— C’est sa période. Depuis quelques mois, elle s’est mise en tête de sauver le monde. Ça lui passera.
— Ne sois pas aussi dure avec ta fille. Ce que tu prends pour une préoccupation passagère d’ado est peut-être une vocation naissante, lui lance sa voisine de table, avec un regard noir. En tout cas, je préfère voir ma fille préoccupée par ça que par les starlettes écervelées des téléréalités.
— Bon ! Où en étions-nous ? lance-t-il pour couper court à la conversation.
— Il ne faut pas tarder à partir, on a 8 heures de marche aujourd’hui.
— Tu as raison. Préparons nos sacs. Tous se lèvent aussitôt. En moins d’une minute, Bols, verres, couverts, et corbeille à pain sont rassemblés et emmenés dans le refuge.
— Lucy, prépare-toi. On part dans 10 minutes…
Max se sent un peu gêné d’avoir écouté leur conversation. Seul à table, il termine tranquillement son repas avant de débarrasser à son tour. En ce qui le concerne, il a tout son temps. Pour lui, il s’agit juste de redescendre jusqu’à sa voiture et rejoindre sa location après un passage à Sixt pour flâner. Programme de demain, balade sur les bords du lac Léman. Il peut passer quelques heures ici à ne rien faire d’autre que regarder les montagnes ou se promener dans les environs proches. Il s’installe tranquillement sur un banc devant le refuge, bien décidé à prendre son temps et profiter de sa journée à se ressourcer. Il reste un long moment là, dans le silence de la montagne. La chaleur encore tiède du soleil lui caresse le visage. Il ferme les yeux et se laisse bercer par le bruit des cloches des chèvres.
En ouvrant les yeux quelques minutes plus tard, il se rend compte qu’il n’y a plus personne dans le refuge. Même la femme qui déjeunait seule à l’autre bout de la terrasse semble être, elle aussi, partie.
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