CHAPITRE XVI - PARTIE II
- Entraîneuse Lolita pour te servir, démarre-t-elle accompagné d'une révérence. Elle, c'est April, mon RAD assistant qui s'occupera aussi de toi occasionnellement, se présente-t-elle en désignant cette dernière d'un coup de tête. Je ne suis pas autorisé à te dire mon nom, car il se trouve que nous serons peut-être amenés à nous côtoyer plus tard, complète la jeune femme enjouée.
Ses airs machiavéliques attache à son expression joyeuse, un grain de folie plutôt refroidissant. Elle noue à chacune de ses intentions une théâtralité qui atteste ma fébrilité. Sa présence importante m'affecte.
- Formalité faite, je t'avoue que c'est la première fois qu'il me sera donné d'entraîner une potentielle perdante. Le jugement est sans appel: la course ne sera victorieuse mon canard, clame-t-elle avec une franchise exubérante.
Ça y est les hostilités sont lancés. Mon canard ? Pour qui elle se prend ? Je reste silencieuse, déployant ma meilleure arme. Pendant plus de 10 minutes, pas un son ne sortit de ma bouche. Les bras croisés, nous nous livrons une bataille de regard sans merci. Ses iris englobent à la fois un vide évident et une ferveur déstabilisante. Si Lolita pense m'impressionner ou me blesser, grâce à la soi-disant pertinence de ces mots, il lui faudra y mettre un peu plus de piquant.
- Alors ? Qu'est-ce qui t'arrive ? Soyons clair dès le départ, entre nous tu es loin d'être un prodige intellectuel ou du crime. J'ai visionné tes passages durant les épreuves, note-t-elle sans un semblant de gêne ou de regret. Résultat: tu es passablement pitoyable au niveau physique. Tu sais quelque peu amadouer les gens et te servir de ton vocabulaire, cependant, il est fort possible de déjouer tes stratagèmes, disons très peu créatifs. Ton seul autre atout envisageable résiderait sur les traits de ta beauté. Toutefois, j'ai du mal à imaginer comment cela te sauverait de convaincre un cannibale de ne pas te massacrer. Donc autant te prévenir, il va falloir plus que de séduisants iris, mon canard. Le charme n'oeuvre pas en ta faveur pas The Tower. Ni avec moi d'ailleurs, s'applique-t-elle à m'avouer pour déterminer notre séparation.
Elle rétablit sa tignasse carrée noire derrière ses oreilles et se mit en tailleur à même le sol. Sa bouche commence à siffler une petite mélodie qui ne me dit grand-chose et sa coéquipière ne bouge pas d'un pouce, toujours aussi ravie d'être ici apparemment.
- Je ne vais évidemment pas rentrer dans son jeu, s'il le faut je me préparais et m'enterrerais seule pour la compétition. Ça ne serait que meilleur.
- Visiblement tu n'as rien à ajouter, puisque tu as perdu la langue. Rendez-vous demain, on aura tout le loisir de se parer mon canard. Malgré le malheureux sort qui t'attend dans quelques jours, rien ne nous empêche de profiter de derniers petits plaisirs ensemble, non ? insinue-t-elle confortablement. Tu vas voir ça va être vraiment sympa ! Contrairement à moi, tu es tombé sur la personne qui te fallait. Je t'assure, dans une minute, tu te diras « Ha ! Lolita est formidable, je suis si reconnaissante d'avoir eu l'aubaine de la connaitre ! ». C'est inévitable. Bon assez discuté, tu m'ennuies. À demain ! s'exclame-t-elle en s'éclipsant incessamment vers la sortie, son RAD sur ses talons.
Subjugué par ce personnage, haut en couleur, je la regarde partir sans ne savoir quoi rétorquer à l'encontre de ses répliques plutôt houleuses. Je ne m'attendais pas à devoir supporter un individu aussi agité mentalement. Ne pouvaient-ils pas m'accorder la facilité pour une fois ?
Après cette intervention, deux gardes m'escortent pour me cloisonner entre les murs d'une vraie chambre. Disons que je peux disposer d'un véritable mobilier dont un matelas et non un sol en béton. En dépit de l'échappé du temps, la fatigue m'assiégeant lourdement, je plonge dans mon lit et mes yeux se ferment instantanément.
Un sifflement, une mélodie... Où suis-je ? Mais qui est-ce qui... À peine, je découvris la lumière qu'une voix agaçante m'assainit.
- Coucou mon canard ! Bien dormi ? J'espère que non, à vrai dire. Ceci dit, si j'ai un bon conseil à te donner c'est de bien profiter de tes dernières douces heures de sommeil, car je ne sais pas si c'est possible de dormir en enfer ! Prépare-toi, des activités affolantes nous attendent aujourd'hui ! Explose mon assaillant gaiement, les bras plantés des deux côtés de ma tête.
Pourquoi Lolita ne s'arrête-t-elle donc pas de parler ? Sa bouche est constamment en mouvement que ce soit pour chanter ou pour me vanter ses mérites apparemment interminables. Rien ne peut briser ses chaînes incessantes de mots. Je n'exagère pas. Que ce soit sous ma douche ou pendant mon déjeuner, elle ne me laisse une seconde de répit à mes oreilles. Je n'ai émis pas même une exaspération. Impossible de m'imaginer contenter ses désirs. Son seul souhait est évidemment de me voir craquer. Une sorte d'exercice ? En tout cas, elle avait déniché avec perfection la façon la plus simple de m'agacer.
Et puis il y a la RAD qui ne démord pas de son fameux sourire intangible. Ce n'est pas compliqué pour elle, puisque c'est un robot, mais je me questionne tout de même sur le sens de cette expression en permanence figée sur son visage ? Pourquoi lui coller un tel handicapé. Plus je passe du temps avec elle, plus sa présence m'incommode. Et puis je dois avouer ne pas avoir contemplé une aussi immense quantité d'allégresse depuis.
April a de longs cheveux blond platine et possède des yeux verts si palpitants, si sidérants... Il est extrêmement rare de rencontrer, pour ma part, des genres si ravissants appartenant à son espèce. Je me demande bien pourquoi elle a été conçue de cette manière.
En général, les RADS sont très banaux et ne comportent pas énormément de différences physiques entre eux. Néanmoins, il existe un catalogue très varié. Ceux en service public ne sont pas très charmants. Ça ne devrait pas m'étonner qu'April soit aussi majestueuse puisqu'elle est sous les ordres de la capitale... S'il y a bien des personnes qui peuvent se permettre de concevoir des prototypes avec des traits aussi gracieux, c'est bien eux.
Impossible de savoir si je tiendrais longtemps en compagnie de mon entraineuse. Un désir rongeant m'incite à lui hurler de fermer sa gueule. Toutefois cela serait le déclin de ma victoire et je ne peux imaginer pareil défaite.
Deux longues heures durant, je me contrains. Ensuite, Lolita me mène dans un salon et nous passons aux choses sérieuses. Mon bourreau s'assoit sur le canapé et April me propose de m'installer en face d'elle sur une chaise. La noiraude écarte les jambes et se penche en avant, pour être, je pense plus proche de moi. Celle-ci s'abstint de faire une pause avant d'attaquer la discussion:
- Hier soir, je me suis penchée sur ton dossier et j'ai appris un paquet de choses plutôt exaltantes à ton sujet. Pour commencer, tu as été adopté par une famille d'Aristo, tu vivais ta meilleure vie, tu n'avais point à te plaindre. Jusqu'aaaaaa que Madame décide d'en faire qu'à sa tête, ce qui entre parenthèses ne m'étonne pas en voyant tes fesses ici, et de tout foutre en l'air pour faire un petit séjour à Elario. Pour continuer sur de bons rails, tu n'as pas abandonné tes mauvaises habitudes et ayant eu vent des soi-disant meilleures conditions de vie dans la section deux, tu t'es dit que ça serait pas mal d'y prolonger ton séjour. Pour finir idiotie après idiotie, tes petits caprices ont attiré les coups d'œil des patrons et te voici, expose-t-elle pour balancer mes erreurs à la gueule.
Je ne lui dois rien. De ce faite, je demeure aussi muette qu'une tombe autant déterminée à lui rendre la tâche coriace. Cependant, son rapport écarte un détail crucial même décisif dans mon histoire: la mort de mon fils. Cela ne peut représenter un potentiel oubli de sa part, cela m'étonnerait fortement.
Lolita est une femme qui sait, j'en suis persuadé, faire preuve d'une grande justesse dans ses choix. Elle ne manquera pas de me rappeler cet incident à moment ou à un autre. L'entraineuse cherche la fissure opportune pour me le cracher au visage sans détour à fin de me démanteler sous de bonne mesure.
Lolita sortit un paquet de cigarettes à fin de s'abreuver en nicotine. Cela fait une éternité que je n'ai pas touché à la moindre miette de tabac. Il est dur de tenir, mais je n'ai guère la possibilité de faire autrement. Ici, je ne peux me rationner à ma guise comme à mon habitude dans les caves D'Élario.
Voyant que je louche sur son paquet, Lolita aiguise un sourire tranchant et enfui ses iris mielleux dans les miennes.
- T'en veux une, mon canard ? me propose-t-elle, une voix d'ange feignant l'innocence la plus totale.
Ahhhr vraiment je commence violemment à exécrer cette femme. Elle désire ardemment me faire flancher, moyennant des stratagèmes poursuivant subtilité et haine gratuite. Si j'accepte, je déclare officiellement forfait. Il en est simplement et tout bonnement or de question. Je décline son offre avec frustration.
- Je vois, tu essayes d'arrêter de fumer c'est ça ? Je t'admire moi sincèrement je n'en ai jamais eu l'idée, ces choses sont le prolongement de ma main. En attendant, je ne sais pas trop ce qui te retient, si j'étais toi, j'en profiterai à fond, vu que tu vas bientôt nous quitter pour l'autre monde. Mais bien sûr je ne suis pas toi et heureusement je ne le serai jamais mon canard ! déclare-t-elle sans cacher sa joie.
Je déglutis difficilement. Elle prend un malin plaisir à rôtir mes nerfs à feux vifs.
Bon ce n'est pas tout, mais c'est qu'on a des petites choses à passer en revue toi et moi. Aujourd'hui, on va aborder les quelques règles du jeu ainsi que le programme de la semaine avant le début de The Tower, introduit-elle d'un ton sérieux.
Surprenant venant de sa part, je ne pensais pas qu'elle prendrait la peine de me mettre au courant de ce genre de formalités. Lolita pompe sa cigarette plusieurs fois avant d'entamer l'essentiel:
- Très bien, Il y aura donc une semaine de préparation avant le jeu. Trois entraînements physiques complets avec moi et deux seuls, deux séances de projections et vendredi c'est le voyage vers la capitale qui nous prendra toute la journée. Samedi tu assisteras au grand repas, celui réservé à la rencontre du gratin de la capitale, le beau monde quoi. Mais avant le radar des maîtres, de la mode te sondera. Je t'expliquerai cette partie en détail, plus tard, m'éclaire-t-elle de manière expéditive.
Elle accorde une pause à sa voix pour engourdir ses poumons de fumés.
- Le temps passera très vite, elle reprend. Exception le jour du Seigneur, c'est le jour de repos. Cette journée possède une ampleur temporelle décadente. À l'instant, où tu poseras ta tête sur ton oreiller, tu sauras que ton réveil aura un aspect très différent. Plus rien ne sera pareil après, mon canard. Les couleurs changeront dramatiquement, rouge et orange, feux et sang, un peu de blanc puis que du noir. Un rodéo de sentiments bien épicé comme on les aime ici-ba.
Lors d'une bonne heure, le temps de cinq cigarettes, Lolita me passe en revue les règles du jeu, ce qu'il appelle communément le protocole. Rien de très différent de ce qui m'a été répété en boucle derrière les barreaux d'Élario.
Au cours, de sa présentation aucune ligne ne mentionne une interdiction, un point formel en connexion avec The Tower en lui même. Si je comprends bien, nous sommes jetés dans une cage aux fauves ? L'arène semble dépourvue de toute humanité.
Je découvre en début d'après-midi la salle d'entraînement dont la grandeur est comparable aux dimensions d'un terrain de foot. Oui, vous savez cet ancien jeu mondialement populaire avant la guerre de cent. Les humains y vouaient un culte plus impressionnant qu'à celui de la paix.
Tout y est présent, aucun équipement ne manque et chaque alternative d'environnement peut être simulée par Lolita qui s'en donne à coeur joie.
Lors de mes entraînements de danse, il faut dire que j'ai supporté le pire. Cependant le niveau de souffrance ici est incomparable. Mon antagoniste connaît mille et une manières de travailler chacun de mes muscles, en même temps. Elle ne me laisse pas toucher à un seul moment de halte. Car comme celle-ci le disait si bien:
« Dans les étages de la tour, il n'y a pas de trêve y compris pour les morts, mon canard. »
Et pour une fois, c'est sans une once de sarcasme que Lolita me prévient.
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