J’ai fait aussi vite que j’ai pu. D’ailleurs, je reprends un peu mon souffle. J’ai plus vingt ans.

Je lève la tête et vois Lucy mise en joue par un chasseur.

Sûrement un des frères Simmons.

J’approche Ed de ma bouche et lui chuchote à l’oreille.

- Bon, t’as capté ? C’est pas bien compliqué.

Il s’est encore décomposé, désormais Ed n’est plus qu’un crâne.

La classe, je kiffe trop les têtes de mort.

- Ok, c’est bon pour moi, j’ai toujours aimé les rôles de composition, me dit Ed enthousiaste.

Faut pas abuser, je lui demande pas non plus de jouer du Shakespeare.

Allez, action.

J’attrape Ed à pleine main et le balance en direction du chasseur et gueule.

« Greennnnaaade ! »

Lucy se jette sur le côté. Elle doit se dire que je suis complètement barré de balancer une grenade à quelques centimètres d’elle.

Le chasseur se protège la tête avec ses bras, comme si ça allait empêcher une grenade de lui exploser la tronche.

Ed retombe par terre, finit sa course aux pieds du gars et lui balance son texte.

- Boum ! s’écrit Ed.

J’avais prévenu que c’était pas la tirade du siècle.

Le gars le regarde un peu surpris et lui répond.

- Ah, tu veux faire boum, en lui pointant son fusil dessus.

C’est à moi.

Je sors du buisson et envoie ma batte de toutes mes forces.

Elle tournoie dans les airs et vient s’écraser contre son front.

Bon, ça n’a pas fait boum mais plutôt un « puuu ! »

Le type s’écroule et lâche son arme.

- Dans le mille ! dit Ed.

Lucy récupère le fusil.

Je cours vers le type, attrape ma batte au passage et la lève pour lui démolir la tête.

- Non ! Ne le tue pas, me hurle Lucy.

Je stoppe net.

- Ils tiennent Corey et Garret.

- Ils sont où ?

- Chez les frères Simmons.

- Et c’est où ?

- Ben, j’en sais rien, c’est pour ça qu’il ne faut pas le tuer.

C’est sûr…

Le gars est dans les vapes. On échafaude un plan.

Je fouille ses poches et lui pique ses clés de bagnoles. Il ne doit pas être garé loin.

Je mets Ed sous mon bras.

- Tiens-toi prêt pour l’acte II mon poulet.

Lucy chope le bras droit de Gart, je prends le gauche et on le traine jusqu'à sa caisse.

Gart se réveille au volant de son 4x4. Lucy se tient à côté, sur le siège passager.

Moi, derrière comme d’hab.

Je lui pose gentiment le bout de ma batte sur la joue.

- Tu vas te tenir tranquille et nous conduire chez toi.

- Jamais ! gémit le chasseur.

Je me doutais de sa réponse.

- Ed ! je chantonne.

Le chasseur hurle à la mort tout en essayant de retirer la mâchoire de mon nouveau pote, de ses couilles.

- Calme-toi, je lui demande en tapotant Ed pour qu’il desserre un peu son étreinte.

Le gars souffle, tourne de l’œil. Je le comprends.

- Je répète. Tu vas nous amener direct chez toi, sinon tu peux dire adieu à tout ton attirail.

- Ok…ok mais enlevez-le, pleurniche Gart.

- Pas question. On va chez toi et ensuite après, on pourra discuter de l’éventualité de t’épargner une pauvre vie de castra.

Il allume le contact, passe la première et roule tout en jetant un œil au crâne dégueulasse entre ses jambes.

- Combien ils sont là bas ? je lui demande.

- Mes deux frères et le père.

- Vous n’êtes pas quatre frères ? l’interroge Lucy

Le type grogne.

- Ouais, y’a aussi Toby mais lui faites pas de mal, il a pas toute sa tête le pauvre.

Lucy me regarde en roulant les yeux dans tous les sens tout en sortant la langue.

Y’a toujours un mec spécial dans les petits patelins. Le con du village.

Je m’approche de l’oreille de Gart.

- Si tu joues le jeu, tout se passera bien. On veut juste récupérer les deux gamins, ok ? Alors fais pas le con si tu veux pas faire pipi assis.

Il me regarde dans son rétro.

Je le fixe.

Ça fait moins le malin un chasseur quand un lapin de 1,80m le menace avec une carotte éclateuse de tête.

Lucy m’explique vite fait le petit manège du shérif et des frères Simmons.

C’est vraiment une bande de connards.