Lucy charge ses valises dans le coffre.

Garret passe un dernier instant sur la tombe de sa mère qu'il a improvisée dans le jardin.

On met les voiles. On quitte Meat River.

- J'avais pas le choix Lucy, l'opportunité était trop belle. Tu peux recommencer une nouvelle vie.

- Super. Et quelle vie ! Elle me répond en fixant le décor qui défile devant sa vitre.

- Tu es libre comme l'air, faut relativiser, bon ok, tu dois jeter toute ta garde-robe, mais ça va, t'es vivante et pour moi c'est tout ce qui compte.

Elle me regarde et sourit.

- Je suis vivante et moche.

Elle baisse la tête et serre contre elle un énorme sac en cuir.

- C’est quoi ce sac ?

- Je l’ai récupéré chez les frères Simmons, c’est leur cagnotte. Y’a un beau pactole, ça nous permettra de souffler un peu… ou me refaire une beauté.

J’ouvre le sac, mate à l’intérieur.

Ah ouais, quand même, c’est du lourd.

Je la regarde des pieds à la tête et la fixe dans les yeux.

- Je ne crois pas que ça soit suffisant.

On part en fou rire. Ça va, elle le prend bien.

- Tu me baiserais ? elle me demande.

- Hein ? Mais qu'est-ce que tu racontes ? On bosse ensemble, no zob in job.

- Arrête, t'as toujours voulu me baiser, même quand on bossait, alors réponds-moi, t'aimerais me baiser ?

- Oui... je veux dire… non...enfin, je sais pas, Garret, tu la baiserais toi ?

- Mais c'est ma tante, dit Garret timidement.

Oui c'est vrai, je crains moi. Faut que je me ressaisisse.

- Moi, je veux bien, dit Ed.

Elle se met à chialer, son seul prétendant n’est qu’une tête de mort, je la comprends.

- Écoute, laisse-moi m'habituer à... je fais un gros cercle avec ma main, à tout ça, faut me laisser du temps, et puis merde, y’a pas que le cul dans la vie, j'ai un cœur, je suis pas une machine je...

Je pile sec.

Lucy se cogne contre le pare-brise. Elle n'a pas mis sa ceinture, ça lui serrait trop...

- Mais t'es con ! Pourquoi tu freines comme ça ?!

Je regarde la route.

Une petite main traverse à toute allure, stoppe devant la voiture et agite son index. Une dizaine d'autres mains sortent des bois et parcourent la route sur leurs petits doigts.

On dirait une famille de canards mais sans canard, une famille de mains coupées vient de traverser devant ma voiture.

Il est vraiment spécial ce bled.

Je redémarre et trace.

- Tu vas voir, on va être bien chez nous, plus de mutants, plus de délinquants, plus besoin de fuir la police. On va se la couler douce. Tranquille. Toi, moi, le petit psychopathe et Skeletor. On va se refaire une santé. Tout ça est derrière nous, désormais.

- J’aimerais te croire…

Lucy ferme les yeux et s’endort contre la vitre.

Je dépasse un panneau " Vous quittez Meat River, à bientôt".

Plutôt crever que de remettre les pieds dans ce village de consanguins.

J'ai encore les mots de la petite vieille du bus, qui raisonnent dans ma tête.

" Vous êtes inconscient, n’y allez pas, cette ville est maudite, personne ne s’arrête à Meat River."

Fin du Livre 2.