Dimanche deux juillet

Hier nous sommes arrivés dans notre nouveau camp de base, Liberta. Le premier trajet a été plus long que prévu. J'ai dû m'arrêter à plusieurs reprises, à cause de douleurs dans le ventre. Celles-ci n'étaient pas énormes, mais n'ayant que peu de référence, ni de médecin expérimenté sous la main, j'ai préféré être raisonnable. Il reste donc encore de nombreux aller et retour à faire pour récupérer les affaires restées dans le quatre-quatre. Il faudra aussi aller chercher tous les animaux et les installer dans de nouveaux enclos. Comme ceux-ci ne sont pas encore construits, certains devront rester sur place pour le faire et d'autres seront chargés du transfert de nos élevages.

Le problème, c'est qu'il reste compliqué d'organiser les moyens humains. Nous avons tous grandi dans des sociétés où nous n'avions pas le choix, sauf celui d'obéir et maintenant tout le monde veut jouer le rôle de chef. Octavio et Edwina sont volontaires pour aller chercher les animaux, mais Charlotte ne semble pas très motivée pour faire les nombreux trajets pour récupérer les dernières affaires. Et forcément, elle est soutenue par Fabien qui ne peut rien lui refuser. Comme mon état ne me permet pas d'aider autant que je le voudrais, il reste donc Tommy. Mais il ne peut pas construire les enclos et faire les allers et retours.

Ce matin, nous avons donc notre premier conseil de communauté. C'est moi qui l'ai proposé, voyant que la discussion semblait verrouillée hier soir et que tout le monde avait un grand besoin de sommeil.

― Ah super, tu écris ton journal de bord, me dit Tommy en se réveillant.

― Oui, tu as eu une excellente idée. J'en ai profité ce matin alors que tu dormais. Une longue journée nous attend, mais tu avais besoin de recharger tes batteries.

― Tu as raison, mais il est temps de se lever maintenant.

Rangeant mon carnet dans sa besace, je m'assis en tailleur. Mais mon élan fut de courte durée. Une tache de sang sur le duvet me glaça le sang. Elle n'était pas énorme, mais celle-ci m'inquiéta quand même.

― Qui a-t-il mon ange ? me demanda Tommy.

Mon regard apeuré lui montra l'objet de mon émoi. Pendant un quart de seconde, je vis l'effroi dans le sien, mais heureusement, il enfila immédiatement son costume de super-héros. Mon super-héros.

― Viens là, me dit-il en me tendant les bras. Ce n'est sûrement rien, il n'y a que quelques gouttes. Tu vas te reposer aujourd'hui. Octavio va venir t'ausculter pour voir si tout va bien et tout va rentrer dans l'ordre.

― J'espère.

― J'en suis sûr, dit-il d'un ton ferme et rassurant. Je vais le chercher tout de suite.

Même si Tommy m'avait apporté son soutien, je restais un peu soucieuse. La veille j'avais peut-être trop forcé ? J'ôtai ma culotte, pour voir le volume de sang que j'avais perdu. La tâche n'était pas énorme et bien moins importante que lors de mes règles, ce qui me rassura un peu. Bien que Tommy m'ait demandé de me reposer, je décidais tout de même de me lever pour me laver un peu, avant l'arrivée d'Octavio. Heureusement, nous avions rapporté des bonbonnes d'eau vides que nous avions remplies à la rivière toute proche, en arrivant. Passant donc le gant savonneux sur mon entrejambe, je fis disparaître ce sang qui m'angoissait. Je me sentais déjà mieux maintenant. Il ne semblait plus y avoir de nouveaux écoulements, ce qui était un autre bon signe.

― Naïa, Tommy t'a dit de rester allongée, dit Octavio en arrivant.

― Oui, je sais, mais je voulais me laver un peu.

― Nous aurions pu le faire. Allez, retourne t'allonger !

J'obéis sagement. Octavio inspecta la culotte et se lava les mains, comme un vrai médecin.

― Pour commencer Madame, je préfère, en cet instant, vous vouvoyer. Pouvez-vous vous allonger sur le dos et redresser les jambes s'il vous plaît ? Il faut que je vous examine pour voir s'il y a toujours du sang qui coule.

― Vas-y, heu... Allez-y, j'ai toute confiance en vous.

Octavio sourit. Bien que novice, par mimétisme, il prit soin de mettre le plus de détachement possible dans ces gestes. Nous avions eu à plusieurs reprises des rapports très "différents", mais là, je me sentais en présence du Docteur. Il réchauffa ses mains en les frottant l'une contre l'autre. Il en posa une sur mon ventre et ausculta mon vagin.

― Il reste encore un peu de sang, mais rien d'alarmant. Vous avez mal au ventre ?

― Non, plus depuis hier après-midi.

― Bien. Aujourd'hui, je vous interdis de forcer. Restez le plus possible allongé, dormez beaucoup et ce soir, je repasse vous voir.

― Bien Docteur.

― Ce terme me gêne un peu, je préférerai Soigneur, si vous voulez bien.

― Bien Soigneur Octavio.

― Et j'opterai pour ce qualificatif au moment où j'enfilerai mon "costume", dit-il en faisant les guillemets avec ses doigts.

― Compris et je pense aussi que c'est mieux pour tout le monde.

― Tommy, tu peux rentrer, c'est bon.

Octavio me laissa. Son professionnalisme m'avait rassuré. Il me fallait attendre, rester alitée et tout devrait rentrer dans l'ordre.

― Alors qu'a-t-il dit ? me demanda Tommy.

― Qu'il fallait que je me repose.

― Je suis parfaitement d'accord avec ses conclusions. Tu ne pourras malheureusement pas assister à notre premier conseil de communauté, mais je te raconterais tout. Et puis Charlotte, au vu de ton état, reviendra à la raison, j'en suis sûr.

― J'espère.

Tommy déposa un baiser sur mon front et me laissa seule dans la tente, pour que je m'y repose.