- Le mieux est que tu ailles lui dire maintenant Naïa, dit Tommy. Je me doute qu’elle ne va pas apprécier, mais elle finira par passer à autre chose.

- Oui, je sais, mais il va me falloir un baiser d'encouragement.

J'étais plutôt du genre à fuir les problèmes d'habitude, mais maintenant je n'étais plus seule et il me fallait prendre les besoins de Tommy en compte. Et il avait raison, je devais être celle qui allait annoncer la mauvaise nouvelle à Charlotte.

Nous avions prévu de faire la cueillette ensemble aujourd'hui et cette intimité serait l'occasion de lui parler. Allant la rejoindre devant sa tente, comme nous l'avions organisé la veille, je cherchais différentes solutions d'approches. Il était toujours plus facile de se préparer ainsi, pour ne pas faire trop d'impairs.

- Bonjour Charlotte, je vois que tu es prête. Avec nos deux paniers, nous aurons de quoi faire une belle récolte. Et si nous avons du surplus, ce sera l'occasion de faire des conserves ou des confitures. En plus, les collets n'ont pas été relevés depuis trois jours, alors nous aurons peut-être de belles surprises.

- Manger de la viande ne me pose pas de soucis, mais j'appréhende un peu cette étape, m'avoua Charlotte.

- C'est impressionnant la première fois, je l'avoue, mais à force, on s'habitue. Au moins je sais ce que je mange et j'ai moins envie de gâcher, car je sais ce que ça implique.

- C'est vrai que lorsqu'on mange une saucisse ou des nuggets, on oublierait presque que c'est de la viande.

- Exactement.

J'attendais de trouver le bon moment pour entamer la discussion sur mon sujet sensible, mais pour l'instant rien à l'horizon. Je lui faisais découvrir les différentes plantes que j'arrivais à reconnaître maintenant, mais aussi les différents coins, pour les cerises, ou les pommiers qui nous offriraient leurs fruits à la fin de l'été. Pour trouver de nouvelles variétés de plantes, j'essayais à chaque fois de découvrir des lieux encore inconnus. Et comme aujourd’hui, j'étais accompagné, j'osais m'aventurer un peu plus profondément dans les bois. Une bonne odeur de sous-bois nous entourait. Quelques rayons de soleil traversaient les chênes, les châtaigniers et les hêtres. À l'orée d'une clairière, se trouvaient sur le sol de magnifiques champignons. Mais impossible de savoir à quelle variété j'avais à faire. Tommy et Octavio m'avaient mis en garde et interdit d'en ramasser. Mais il fallait absolument retenir l'emplacement, pour y revenir plus tard avec un livre. Une source supplémentaire de nourriture ne pouvait pas être mise de côté.

- Naïa ?

- Oui Charlotte.

- Je voulais te poser une question.

- Vas-y je t'écoute.

- Et bien, tu te rappelles qu'une fois, tu m'as dit que ça ne te posait pas de soucis de partager Tommy.

Et bien en fait, c’est Charlotte qui abordait le sujet. Tant mieux.

- Heu... oui peut-être, répondis-je.

- Et pourtant quand j'en ai parlé plus tard avec lui, il a refusé, en me disant qu'il ne voulait pas, pour toi.

- C'est possible.

- Non, c'est sûr, je te le confirme, dit-elle énervée.

- Oui et donc c'est quoi ta question ?

- En fait, je crois que tu m'as menti et que tu veux te garder Tommy pour toi.

- C'est une affirmation ça, pas une question, Charlotte.

- Oui, mais peux-tu me dire la vérité ?

- Et bien quand tu m'as posé la question, cela ne me posait pas de soucis que nous partagions des coquineries. Mais depuis les choses ont changé.

- Comment ça ?

- Et bien l'engagement que Tommy veut passer avec moi implique des nouvelles règles. Et il ne désire plus que nous partagions ces moments d'intimités avec les autres.

- Tu veux dire que tu ne veux plus !

- Non, je t'assure, c'est Tommy qui a du mal avec ça.

- Avec quoi ?

- Et bien me voir faire des choses avec d'autres hommes.

- Je n'y crois pas, je le sens.

- Tu as vu comment il était à l'anniversaire d'Edwina ?

- Et qui me dit qu'il n'était pas énervé, car c'est toi qui ne voulais pas jouer avec nous. J'ai vu vos messes basses.

- Hein ?

- Oui, j'ai bien vu vos chuchotements, je ne suis pas folle.

- Peut-être, je ne m'en rappelle plus.

- Ça t'arrange comme réponse.

- Ne dis pas ça Charlotte. Je sens beaucoup de colère en toi, mais je dois faire avec les sentiments de Tommy. Et c'est lui qui m'a demandé de te dire ça.

- Me dire quoi ?

- Te dire que lui et moi, nous ne partagerions plus de moments intimes avec vous.

- Qui vous ?

- Et bien Edwina, Octavio, Fabien et toi.

- Encore un mensonge… J'en suis sûre !

- Et bien, tu peux demander à Tommy.

- Pas la peine, je suis convaincue qu'il aura bien appris la leçon que tu lui as demandé d'apprendre.

Charlotte tourna les talons et partit en me laissant seule au milieu des champignons. Même si je savais qu'elle n’apprécierait que moyennement ce que j'avais à lui annoncer, je détestais la tournure que les choses avaient prise. Pour me calmer, je m'asseyais quelques minutes sur un tronc d'arbre mort tombé sur le sol. Il était trop tard pour la rattraper maintenant et il fallait qu'elle se calme de toute façon.

Je fus rappelée à l'ordre par mon estomac qui criait famine. Prenant le chemin du retour, je prenais conscience que Charlotte était partie à l'opposé. Mais j'étais sûr de moi et j'avais l'habitude maintenant de prendre quelques points de repère pour retrouver mon chemin, lors de mes promenades.

De retour à Liberta, j'allais trouver Tommy pour lui parler de mon entrevue avec Charlotte.

- Et elle est rentrée ? me demanda-t-il.

- Je ne sais pas, répondis-je.

- Il faut tout de suite demander aux autres.

Malheureusement, personne ne l'avait vu. J'avais du mal à savoir depuis combien de temps nous nous étions séparées toutes les deux et donc il était difficile de savoir si son absence était normale ou pas. Même si ce n'était pas l'urgence, je leur racontais aussi le coin à champignons que nous avions découvert. Octavio me proposa d'y retourner, pour potentiellement retrouver Charlotte et éventuellement les récolter, s’il s'avérait qu'ils étaient comestibles.

- Je peux venir avec vous, demanda Fabien ?

- Oui bien sûr, dis-je. Et peut-être pourras-tu m'expliquer ce qui se passe avec Charlotte en ce moment.