Chapitre 55

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Chacun s'affairait dans Alana. Sur la table étaient disposées des branches de pin et de houx avec leurs petites boules rouges, des glands, des noix, des châtaignes, du poil à gratter. Avec Edwina, je confectionnais des couronnes ou de petits bouquets. Charlotte et Fabien préparaient des bougies à base de cire d'abeille, pendant qu'Octavio et Tommy fixaient nos compositions un peu partout dans la pièce.

- Que diriez-vous de mettre deux petits pins de part et d'autre de la porte d'entrée d'Alana, proposa Tommy.

- Il n'y a pas la place de mettre deux sapins, même petits, répondit Edwina.

- Je voulais dire dehors.

- Et bien, il faut trouver un volontaire pour les couper.

- Je veux bien le faire, j'en ai repéré deux, vraiment très beaux. Si je pars tout de suite, je peux être de retour dans moins d'une heure.

- Banco, dit Octavio. Et je viens avec toi, comme ça, on sera revenu encore plus rapidement et puis vous n'allez pas assez vite pour nous, ajouta-t-il le sourire aux lèvres.

En fin de journée, Alana était devenue un cocon réconfortant, joliment décoré, alors qu'une douce odeur de pain d'épice et de biscuits flottait dans l'air. Octavio nous avait préparé une tisane gourmande, à base de pomme séchée, de fleurs d'oranger, de tilleul et de camomille. Nous avions ajouté une pointe de miel, pour nous faire du bien au cœur et au corps. Que ces nouvelles traditions, que nous inventions ensemble, étaient agréables. En regardant mes amis réunis, en train de rire et de partager ensemble cette simple tisane, je sentis les émotions me submerger.

- Oh, Naïa, dit Edwina, pourquoi pleures-tu ?

- Ce sont des larmes de joie Edwina, je réalisais que le bonheur n'a pas besoin d'or et de pierres précieuses. Quand on le partage avec les bonnes personnes, une simple pomme de pin et une branche de houx, valent tellement plus.

- Bien dit ma chérie, dit Tommy, en me prenant dans ses bras.

Edwina nous rejoignit, puis Charlotte, Fabien et Octavio, pour un câlin version XXL.

Nous étions déjà le vingt-et-un décembre et les décorations installées une semaine plus tôt ne dépérissaient pas trop. Nous avions remplacé les branches d'épicéa qui perdaient trop vite leurs aiguilles, à cause de la cheminée qui tournait toute la journée, par du pin. J'étais encore surprise par cette agréable odeur boisée qui flottait dans la pièce principale, chaque matin quand je venais, encore endormie, prendre mon petit-déjeuner.

J'étais impatiente d'être à ce soir, même si j'avais le trac. J'avais préparé un simple poème à lire devant mes amis, alors que nous aurions sûrement le droit à des danses ou des chansons de leur part. Mais peu importe, j'avoue que mon état absorbait toute mon énergie. Et même ce simple texte, avait puisé dans mes réserves.

Pour ce soir, j'avais remis la robe de Charlotte, sur lequel j'avais ajouté un petit gilet sans manche que je m'étais confectionné, avec les peaux, des lièvres que nous avions mangés. Encore choqué, il y a moins d'un an par les vêtements en fourrure, je trouvais maintenant normal de ne pas gâcher la mort d'un animal qui avait été indispensable à notre survie. Toutes les parties de son corps devaient être utilisées. La viande pour nourriture, les peaux pour conserver notre chaleur et nous vêtir, les os pour fabriquer de petits objets. Pour parfaire ma tenue, j'avais ajouté de petites guêtres en fourrure sur mes chevilles. Mes cheveux, relevés en chignon, tenaient grâce à des tiges sculptées en os. Je finissais par prendre le coup de main et réaliser de belles créations. D'ailleurs pour le jour de l'an, j'avais fabriqué des bijoux pour chacun : collier, bracelet, attache pour les cheveux.

- Ça fait du bien de se faire belle, me dit Charlotte qui installait des couvertures sur le canapé, dans une jolie tenue festive.

- D'ailleurs, je te remercie de m'avoir de nouveau prêté ta robe.

- Tu peux la garder, elle te va si bien.

La porte s'ouvrit et un vent frais s'engouffra dans la pièce. Les garçons entrèrent avec quatre énormes cubes de bois, qu'ils posèrent juste devant le canapé. Ils prirent dans un sac une couverture en peau de lapin pour la poser dessus.

- C'est vraiment une super idée, dit Charlotte.

- Nous avons pensé qu'il nous fallait être confortablement installés, confirma Tommy. Charlotte peux-tu nous aider à déplacer la table, à côté du canapé, pour faire de la place.

Plus les derniers préparatifs se terminaient, plus mon stress montait. Étais-je la seule à avoir autant de trac.

Edwina posa les assiettes de biscuit et de caramel à portée de main et prit place sur le grand canapé.

- Alors qui commence ? demanda-t-elle.

Fabien, qui avait l'habitude d'animer nos soirées, prit sa guitare.

Tout le monde était passé alors que les yeux se tournaient vers moi. Charlotte nous avait fait une danse lascive, Octavio et Edwina avaient préparé un tour de magie qui nécessitait beaucoup d'amélioration et Tommy avait fait quelques acrobaties couplées à de la jonglerie.

Assise sur ma chaise, la bouche sèche et les mains tremblantes, je pris ma feuille de papier.

Avez-vous, mes amies, eu des doutes ?

Quand l'ampleur de la tâche, nous avons vu.

Quand notre confort, nous avons perdu.

Quand le froid est venu.

Avez-vous, mes amies, eu des peurs ?

Quand la maladie est venue.

Quand le manque de nourriture est apparu.

Avez-vous mes amies eu de la peine ?

Quand nos amis sont restés.

Quand le deuil nous a frappés.

J'ai ressenti toutes ses choses, mais tellement d'autres aussi.

Merveilleuses et essentielles dont nous étions démunis.

Le ciel étoilé libre des lumières de la ville.

La parole affranchie de ces pesants mensonges.

Les bras de mon bien-aimé tendres et agiles.

Les enfants à venir, reflets de nos songes.

Ses doutes, je les dissipe, ses peurs, je les chasse,

Ses peines, je les accepte, car le bonheur est notre.

Amis, je vous le dis mon cœur est maintenant votre.

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