Chapitre 61
Je retrouvais enfin ma forêt et mes petites collectes, mais je n'y serais plus jamais seule. Emmitouflée dans mon grand foulard, Edmara m'accompagnait partout, maintenant. Nous étions connectées l'une à l'autre, jour et nuit. Elle était le prolongement de moi et de ma passion pour Tommy. En elle, il retrouvait mon sourire et j'y retrouvais ses yeux.
Aujourd'hui, j'avais pour tâche de récolter des écorces de saule blanc, qui nous permettraient de récupérer de l'Acide acétylsalicylique, que je connaissais sous le nom d'aspirine. Je m'étais fabriquée une besace en cuir qui s'accrochait à la taille dans laquelle je mettais, un à un, les petits morceaux d'écorce et les premiers bourgeons de saule. Octavio m'avait montré comment procéder en coupant sur des rameaux de trois à quatre ans, les précieux petits copeaux. J'avais aussi avec moi un livre sur toutes les plantes médicinales que je comparais à tout ce que je pouvais trouver sur mon chemin.
Grâce à cela les bocaux de l'infirmerie d'Octavio se remplissaient bien. Nous avions aussi enrichi Liberta d'un jardin botanique. Octavio repiquait tous les trésors que mes amis et moi avions trouvés au fil de nos ballades. Ils étaient joliment agencés dans de petites plates-bandes, entourées de branches de noisetier tressées. Tout avait été méticuleusement pensé par Octavio. Le fumier de cheval en couche profonde réchauffait la terre. Le compost fait avec tous les déchets de Liberta consciencieusement récupérés l'enrichissait. Les abeilles, dans les ruches à proximité viendraient butiner toutes les fleurs durant les mois chauds. Octavio avait même construit de petites cabanes pour les hérissons, gros mangeur de limaces. Les arbres fruitiers plantés à notre arrivée et au mois de novembre semblaient avoir tous repris. Tous les moyens étaient bons pour que la nature fasse le travail à notre place. Comme il disait, il faut observer, innover, accompagner, mais surtout pas forcer la nature.
Je crois que cette nouvelle vie aurait été beaucoup plus compliquée à mettre en place sans l’expérience agricole d'Edwina et Octavio. Souvent, le soir, ils échangeaient passionnément sur la meilleure manière de concevoir nos cultures, finissant parfois la phrase de l'autre et alimentant une nouvelle suggestion de leur partenaire.
En donnant le sein à ma fille, j'aimais les écouter et m'instruire. Ils étaient devenus, tous deux, ma télévision.
Charlotte et Fabien, qui étaient partis depuis six jours, devaient rentrer bientôt. Ne pouvant pas échanger pendant toute la durée de leur randonnée, nous avions convenu de la date exacte de leur retour.
- Je suis impatiente de retrouver Charlotte et Fabien, dis-je à Tommy.
- Moi aussi, mais je suis un peu inquiet. Ils devraient être déjà là.
- Comment ça ? Ils ne devaient pas rentrer mercredi ?
- Si ! Et nous sommes mercredi... soir.
- Ah merde, je me croyais mardi. Tu es sûr ?
- Oui, parfaitement, me dit-il en montrant fièrement sa montre. Ce petit bijou de technologie, qui se recharge aux mouvements de mon poignet, me donne l'heure, mais aussi la date.
- Et s'ils leur étaient arrivés quelque chose. Nous ne saurions même pas où chercher.
- Attendons demain, ils ont peut-être eu un contretemps.
La nuit, qui suivit fut horrible. Pas moyen de trouver durablement le sommeil. Et les quelques fois où je m'assoupissais enfin, c'était pour être réveillé par des cauchemars. Je finis par m'asseoir sur le rebord de mon lit, pour regarder mon bébé, qui dormait paisiblement éclairé à la simple lueur de la lune. Qu'est-ce que je n'aurais pas donné pour qu'elle ait faim, mais depuis plusieurs jours, maintenant, elle faisait ses nuits se levant même parfois à plus de huit heures du matin.
- Tu ne dors pas ma chérie, me demanda Tommy.
- Pas moyen. Mon cerveau ne me lâche pas et ressasse en boucle des pensées négatives.
- À propos de Charlotte et Fabien, je suppose.
- Oui.
- Viens dans mes bras, ma chérie.
Me blottir contre Tommy me faisait toujours du bien. Je prenais le temps d'inspirer profondément et de me laisser pénétrer par son odeur envoûtante. Je ne bougeais presque aucun muscle et seuls mes doigts jouaient avec sa peau douce. Alors que, petit à petit, mon esprit s'apaisait, je prenais conscience que nous n'avions plus fait l'amour depuis la naissance d'Edmara. Au début, il fallait laisser le temps à la cicatrisation et les nuits morcelées, nous avaient mis dans un état de fatigue, qui nous donnait plus envie de dormir que de faire des coquineries.
Tommy glissa la main sur ma taille et commença à embrasser mon visage.
- Je crois qu'il est temps qu'Edmara aille dans sa chambre, dit Tommy.
- Je crois aussi. Elle devrait y être depuis plusieurs jours, même.
Doucement, sans la réveiller, Tommy emmena le couffin à roulette à sa nouvelle place. Il se mit au pied du lit et souleva les draps pour se glisser dessous. Je sentis un premier baiser sur un orteil, puis deux et ses mains fraiches qui remontaient le long de mes mollets. C'était la première fois que j'avais un peu d'appréhension, alors que nous nous apprêtions à redécouvrir nos corps. Étais-je la même femme, qu'avant mon accouchement. Mon corps avait gardé encore les stigmates de ma grossesse et de mon accouchement et je devais apprivoiser ce nouveau moi.
Il continuait les baisers le long de mes jambes, prenant plus de temps qu'a l'habitude, comme s'il avait compris mes inquiétudes. Entre lui et moi, la confiance était notre force. Alors chaque tension, une à une explosait. Mon corps s'ouvrait aux délices de recevoir sa bouche entre mes lèvres intimes. Lubrifiant ainsi mon antre blessé par l'accouchement. Ses doigts se mélangeaient à sa langue, dans ce jeu exploratoire et me procuraient un plaisir intense. J'espérais déjà plus et ma main l'attira à moi pour que sa bouche humide vienne m'embrasser, pendant que sa queue me donne la jouissance que mon corps réclamait. Avec le plus de tendresse possible, il glissa son gland puis à chaque mouvement alla un peu plus profondément.
Je sentais à sa respiration que cette longue attente le mettait dans un état proche de la jouissance, alors que le rythme de ses mouvements était pourtant tout en retenue. Mais mon corps n'avait qu'une envie : retrouver le sien, dans ce ballet sensuel qui nous permettait de communiquer sans un mot.
Quand sa jouissance arriva, je n'eus pas le regret de ne pouvoir partager avec lui ce plaisir intense. Je pus même, pleinement, écouter son corps chanter sa joie quand il jaillit en moi.
J’avais retrouvé l’apaisement et le sourire et m’endormis jusqu’au lendemain.
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