Chapitre 68
- Maman, pourquoi tous ces gens se battent.
Au loin, une montagne de gens se débattait et se frappait, comme des asticots sur un morceau de viande. Ils semblaient si absurdes et ridicules. Sans comprendre pourquoi, je connaissais l'histoire de ses milliers de gens. L'homme barbu qui tentait d'attirer à lui son voisin qui avait regardé sa femme d'un peu trop près et qui le menaçait d'un couteau. Cette femme aux cheveux hirsutes et mal peignés qui mordait à sang son ancien amour, qui avait décidé de la quitter. Ce père, qui frappait un camarade de classe de son fils, qui lui avait volé son goûter. Tous pensaient avoir une bonne raison de se comporter ainsi, mais, sans en rendre compte, les personnes à la base de la pyramide humaine, étouffaient et mouraient.
- Tu sais mon chéri, les humains oublient parfois l'essentiel et laissent la colère les aveugler.
- Oui, mais Maman, s'ils ne se battaient pas, ils seraient sûrement plus heureux.
- Oui, tu as raison et nous aussi. Aujourd'hui, nous ne serions pas enfermés ici, nous serions peut-être en train de nous promener dans une forêt à cueillir des fleurs.
- J'aimerais ça, Maman et je pourrais aider ma petite sœur à ramasser les myrtilles.
- Et après, on ferait une tarte ?
- Et j'en mangerais trois parts Maman. Je les adore, tu sais.
- Oh oui mon chéri. Maman le sait, dis-je alors qu'une larme coulait sur ma joue.
J'entendis quelqu'un frapper, sur la porte en verre de ma cellule. Il me fallut quelques instants pour me sortir de mon rêve qui avait laissé sur ma joue l'humidité du chagrin.
- Bonjour Naïa.
- Bonjour Madame Arca. Vous avez ou... dis-je alors qu'une angoisse me submergeait.
Où était le livre ? Qu'en avais-je fait après l'avoir fini ? Peut-être m'étais-je endormi avec. Qu'allait-elle me dire si elle comprenait que je l'avais lu et que je ne lui avais pas avoué qu'elle l'avait oublié.
Quand enfin une image rassurante, me revint à la mémoire. Je l'avais laissé sous mon lit comme s'il y était tombé la veille et que je ne l'avais pas vu. Pouvant ainsi lui laisser l'opportunité de le récupérer et de ne pas penser que je l'avais dévoré.
- Vous vous êtes arrêtée dans votre phrase Naïa.Vouliez-vous me dire quelque chose ?
- Oui désolé ça m'arrive quand je ne suis pas réveillée. Je voulais savoir si vous aviez oublié de me dire quelque chose.
- Je venais juste prendre des nouvelles.
En réalité elle devait savoir qu'elle avait perdu son livre et cherchait sûrement à le récupérer.
- Vous me permettez de me débarbouiller ?
- Mais faites donc.
Dans le petit lavabo, il n'y avait pas d'eau chaude, mais l'eau fraîche me permit d'émerger définitivement de ma torpeur. Me retournant, je vis que le livre avait disparu et je fus soulagé qu'elle ne me pose aucune question à son sujet.
Au même moment, Andréa arriva avec un plateau pour le petit déjeuner. Mais quand elle vit Madame Arca, elle fit demi-tour. Celle-ci frappa au carreau et la pressa d'un signe de main de venir.
- Entrez, Entrez, je ne voudrais pas priver Madame Boudière de son repas.
- Heu... Oui... Bien sûr bredouilla-t-elle.
- Je me présente, Madame Arca.
- Bonjour, dit-elle simplement. Mais voyant l'attente de son interlocutrice elle enchaîna. Je... Je suis Madame Andréa Rojas.
- Adjudant Andréa Rojas, ajouta Madama Arca.
- Oui tout à fait.
- Mais dites-moi, vous n'êtes pas gardienne de prison, alors pourquoi venir ainsi, apporté le petit-déjeuner.
- Edmara, n'a pas l'habitude des nouvelles têtes, l'interrompis-je.
Putain, je ne deviens pas si mauvaise pour mentir. Edwina serait fière de moi.
- D'ailleurs, il va falloir que je m'occupe aussi d'Edmara, répondit Madame Arca.
- Que voulez-vous dire par là.
- Elle ne pourra pas rester éternellement ici, vous le savez ?
- J'avais imaginé...
- Ne rêvez pas trop Naïa. Vous êtes une femme intelligente.
- Je...
- Je vais vous laisser, maintenant. Adjudant, Naïa, nous salua-t-elle.
Je ne savais plus vraiment si j'avais encore envie de manger. Cette vieille folle m'avait coupé l'appétit.
- Elle fait froid dans le dos, me dit Andréa.
- Et bien... maintenant oui. Elle me semblait plus gentille hier.
- Il faut toujours se méfier des espions du ministère.
- C'est un espion ?
- Oui en quelque sorte. Elle fait partie des proches collaborateurs de Président Père et Présidente Mère. Je dirais qu'ils sont chargés du sale boulot.
- Que croyez-vous qu'il va nous arriver ?
- Je ne sais pas, mais les opposants et les trouble-fêtes disparaissent souvent ou se suicident.
- Je peux te... Enfin, je peux vous...
- Je crois que l'on peut se tutoyer.
- Je peux te demander une faveur ?
- Bien sûr.
- S'il nous arrive quelque chose à Tommy et moi, tu protégeras Edmara ?
- Oui, j'aurais toujours un œil sur elle. Et je voudrais tellement faire plus. Mais seule, je ne pourrais jamais vous aider à sortir d'ici.
- T'inquiète je ne te demande pas l'impossible. Et tu crois que tu pourrais retrouver les traces de l'enfant que j'ai eu au centre de la maternité ?
- Je ne peux rien te promettre.
- Je comprends. En échange je voudrais te confier quelque chose, avant de disparaitre sans préavis.
- Et bien, je suis tout ouïe.
- C'est à propos d'un livre d'histoire. Je pense que certaines choses doivent être sues.
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