Chapitre 77
Il faisait un temps magnifique ce matin, alors qu’au loin, se dessinait la côte. Le voyage s’était magnifiquement passé. Tiago, je crois, commençait à comprendre et surtout intégrer le lien particulier qui nous liait l’un à l’autre. Il réclamait souvent ma présence et mes câlins et ne me lâchait pas d’une semelle. Peut-être avait-il peur de me perdre, alors je le rassurais et lui rappelais régulièrement que je serais toujours sa mère. J’étais impatiente de construire notre nouvelle vie, mais un peu angoissée aussi, ne sachant pas ce qui allait nous arriver.
- Tu n’as pas froid, Naïa ? me demanda Andréa.
- Un peu, mais ça va. Je profite de la vue.
- Le capitaine dit que nous devrions accoster dans un peu plus d’une heure.
- Nos affaires sont prêtes. Tommy est resté à l’intérieur avec Tiago.
- Au fait, Naïa. Pendant votre emprisonnement, nous sommes revenus, avec mon commando, à Liberta, pour trouver des informations. J’étais chargé de fouiller ta maison et j’ai réussi à récupérer ça.
Elle tenait dans ses mains mes carnets et mon stylo. Je prenais conscience, en les voyant, du manque qu’ils avaient laissé et sautais au cou d’Andréa, pour la remercier.
- Tu me rends ma vie, Andréa… Si tu savais.
- C’est la moindre des choses que je pouvais faire pour toi. Tu m’as ouvert les yeux et je vais pouvoir à mon tour vivre… Libre.
- Je me demande quand même, ce que nous allons devenir et à quoi ressemble le monde où nous allons accoster.
- Je me le demande aussi. Pour une fois, je suis au même niveau d’information que toi.
Toutes nos affaires étaient regroupées, prêtes à être déchargées. Cap’taine attachait l’amarre au pont, où nous attendait un couple de personnes âgées. Il y avait là une multitude de bateaux collés les uns aux autres et plus loin une ville immense. J’apercevais des femmes, des hommes, des enfants, tous mélangés et inconscients de la chance qu’ils avaient.
- Il est temps d’y aller maintenant, dit Cap’taine.
- Merci, merci pour tout, dis-je. Vraiment, je n’ai pas les mots.
- C’était un plaisir de faire votre connaissance à tous, dit-il en s’approchant pour me prendre dans ses bras.
Après des adieux pleins d’émotions, tout le monde fut débarqué pour faire enfin connaissance, des personnes en charge de nous accueillir.
- Bonjour. Monsieur et Madame Lefèvre, je présume ? demanda Andréa.
- Tout à fait. Madame Arca, m’a déjà donné les prénoms de chacun, dit la femme avec un fort accent. Il me faudra juste mettre les têtes sur les bonnes personnes. Mais pour l’instant, le plus urgent est d’aller au refuge. Nous avons un minibus stationné un peu plus haut. Suivez-moi.
Tiago était dans mes bras et me serait très fort. Pour l’instant, il fuyait les regards des étranges que nous croisions.
C’était une ville très différente de tout ce que j’avais pu connaître, par son architecture et surtout par la quantité impressionnante de gens qui s’y déplaçaient. Le minibus dut se déplacer parmi une multitude de voitures, quasiment à l’arrêt.
- Vous ne devez pas avoir l’habitude de toute cette circulation ? dit Monsieur Lefèvre.
- Effectivement même à Tillandsia il n’y a pas autant de monde, confirma Tommy.
- À Marseille, c’est très souvent comme ça.
- Marseille ? C’est le nom…
- De la ville et ce pays est la France. J’ai un Atlas à la maison et je pourrais vous faire un petit cours de Géographie.
Nous allions devoir tout réapprendre, tout redécouvrir. Pour l’instant, je m’imprégnais des paysages qui défilaient. La ville laissa place à la campagne et à un peu plus de calme.
- Nous voilà arrivés.
C’était une immense maison, loin de Marseille et de son brouhaha. Tout autour se trouvait un grand parc avec des arbres centenaires.
- Je suppose que vous avez faim et peut-être envie de prendre une bonne douche chaude.
- J’en rêve, dit Charlotte, qui allait retrouver le confort, que nous avions perdu depuis notre départ pour Liberta.
- Je m’en doutais. Il y a trois salles de bain, donc vous pourrez rapidement tous vous laver.
- Naïa, Tommy et Tiago, vous pourriez utiliser l’une d’elles, proposa Andréa. Edwina, Octavio et Noé la deuxième ? Et…
- Et tu veux partager la troisième avec nous ? demanda Charlotte à Andréa, qui avait sûrement une idée derrière la tête.
- Pourquoi pas.
Après cette douche, je me sentais comme neuve et libérée. Je finissais de m’habiller pendant que Tommy se lavait avec Tiago. Pour l’instant, j’évitais de me laver avec mon fils qui avait palpé ma poitrine la première fois qu’il m’avait vue nue. Je ne savais pas si je devais le laisser faire ou non, mais pour l’instant cela me mettait mal à l’aise et mon instinct me disait que c’était plus raisonnable ainsi.
Arrivée dans la cuisine, je rejoignis mes amis qui avaient été plus rapides, que moi à part Andréa, Charlotte et Fabien qui n’étaient pas encore descendus.
- Alors, avez-vous faim ?
- Oui.
- Pain beurre et fromage ?
- Très bonne idée, c’est un luxe que nous ne pouvions plus nous offrir.
- J’ai l’habitude, vous n’êtes pas les premiers.
- Ah bon, vous avez souvent accueilli des gens comme nous.
- D’habitude, ce sont plus des opposants politiques vivant au ministère, mais nous avons déjà eu des hommes et des femmes venant de communautés. Nous sommes d’ailleurs de ceux-là.
- Vous voulez dire que vous aussi vous avez aussi fui votre vie ? demanda Edwina.
- Il y a des différences, mais dans les grandes lignes nous avons eu des expériences similaires. Alors maintenant nous aidons à notre tour.
Elle me tendit un morceau de pain frais, à la croûte croustillante et la mie moelleuse, sur lequel se trouvait un fromage à la croûte blanche et au cœur coulant.
- Comment s’appelle ce fromage.
- Du camembert, c’est une spécialité française, comme ce pain allongé que nous appelons baguette.
- C’est vraiment excellent. Je crois que je vais vite m’y faire. Et mon fils aussi, dis-je, alors que j’observais Tiago la bouche pleine qui dévorait sa tartine.
- Au fait, j’ai sorti mon Atlas, si ça vous intéresse ?
- Beaucoup.
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