Mes muscles ont gonflé,
Mes bras ont pris la forme adéquate
Pour transporter des panneaux de plâtre
Mes cuisses et mes mollets
Sur les côtes à vélo
Se sont façonnés
Ma silhouette camouflée
sous les vêtements de chantier
a fait oublier
ma poitrine,
mes hanches,
ce que j’avais d’une femme
au premier abord
Puis, j’ai coupé mes cheveux.
Par le vent abîmés,
dans un état piteux,
J’ai voulu changer.
La tondeuse
du coiffeur iranien
a suffi à m’enlever
les derniers résidus
d’un physique féminin
Les mèches ont disparu
de mes épaules carrées
Ma démarche, sans le vouloir,
A fini par imiter
celle de mes collègues
ces gars virils du bâtiment
Ma voix encore trop grave
n’a pas suffi à rappeler
Que je suis une demoiselle
Une fille
Une femme
Certes je conduis des engins
Mais voyons
Je n’urine pas debout
ni ne me rase le matin.
Les clients se sont mépris.
Plusieurs m’ont gratifiée de :
“Dis bonhomme,
tu me sers trois sacs de ciment ?”
Par ces remarques agacée,
je me serais rebellée
Mais, ma foi, contre qui ?
Contre ceux qui sont figés
dans des catégories binaires
et aveuglés par les a priori ?
ou contre moi-même
qui laisse planer le doute
fondue dans un environnement
de mâles au timbre rauque ?
Je les ai imités
jusqu’à négliger mon corps,
et pousser jusqu’aux limites de mes capacités
Car bien que de nature sportive
J’ai un rythme lunaire qui m’est propre
et je l’ai mis de côté
pour travailler chaque jour à vive allure
pour prouver mon égalité
Plus tard j’ai saisi la nuance
Et j’ai regretté
Déjà toute abîmée
Épuisée en profondeur,
il a fallu modifier
la cadence de l’effort
Renouer avec ma nature
celle d’une créature Vénusienne
qui vit quatre saisons
entre deux pleines lunes
Et les jours de sang
a besoin de lenteur
Car son rythme cyclique
est une bénédiction
si elle apprend à le connaître
et naviguer en accord
avec ses propres saisons.