À mon seul amour
4 décembre 1916, front de Verdun
Ma tendre Florence,
Je profite de cette courte pause pour vous écrire cette lettre à la lumière de ma lampe.
Des mois se sont écoulés depuis mon retour au front. Depuis la dernière lettre que j'ai pu vous envoyer, nous avons perdu Laurent, il est décédé de sa blessure du dernier assaut...Paix à son âme...Nous sommes cachés dans nos tranchés boueuses. Je vois parfois des rats passer près de nos pieds, ils sont un peu devenus comme des seconds compagnons, prenant un malin plaisir à grignoter nos seules couvertures, les vermines. Je ressens de la peur à chaque fois que je dois utiliser mon arme, cet objet de malheur. Malgré toutes ces conditions, nous continuons à tenir bon pour notre patrie et pour nos familles, pour vous tous.
Demain je me dois de mener mes hommes pour essayer de rentrer dans les défenses ennemies. Les chances sont bien insignifiantes face aux mitrailleuses adverses qui nous attendront de pied ferme.
Je suis terrifié, bien que je sois un homme je reste un être humain...Veuillez excuser mon écriture tremblotante, le froid ne m'aide pas à vous transmettre mes pensées. J'ai dû mal à sentir mes doigts qui tiennent avec peine mon crayon.
Je pense à vous tous les jours, à notre Louis qui doit avoir énormément grandit, ressemble-t-il à son père ? Je l'espère en tout cas. Je pense à notre maison que vous devez tenir avec une main de fer. Je pense à vos parents qui doivent vous rendre visite le plus possible. N'hésitez pas à les rejoindre, je ne souhaite pas que vous soyez plus longtemps seule pendant ces temps infâmes. Pour vous aider, demandez à mes parents, ils le feront avec plaisir.
Vous souvenez-vous de notre première rencontre ? Moi je m'en souviens. C'était au bord du ruisseau, celui qui se trouve au bord de notre village natal. Le soleil faisait briller votre belle chevelure et votre sourire resplendissait comme les étoiles dans le ciel. Votre beauté ne s'est pas évaporée, n'ayez crainte ma chère. J'ai eu beaucoup de chances de pouvoir épouser une telle femme. Je ne pourrais jamais assez remercier Dieu de vous avoir placé sur mon chemin.
Père me trouverait bien trop sensible s'il pouvait lire mes mots. Cependant je ne peux pas m'empêcher de rêver de vous, de votre douceur qui a toujours eu le pouvoir de m'amadouer. Votre voix me manque terriblement, la nuit, je l'imagine pour pouvoir me bercer, pour essayer d'oublier celui des obus.
Peut-être que ma vie va prendre fin demain, sur ces terres détruites par la main de l'homme. La terreur me prend, car l'idée de ne plus vous revoir me détruit. Je vous jure de combattre jusqu'à mon dernier soupir, je me dois de respecter la promesse que je vous ai faîte à mon départ. "Je vous promets de vous revenir".
Embrassez mille fois pour moi mes parents et d'autant plus pour notre petit garçon.
Je vous aime et ça pour toujours. Ne l'oubliez jamais, mon seul amour.
Franck, votre mari qui pense fort à vous.
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