Il neige depuis une semaine. Près de la fenêtre, je regarde la nuit et j’écoute le froid. En face de moi, se trouve le terminus de la ligne de bus numéro 23. Il est désert, aussi morne que la nuit. Je m'ennuie dans ce long silence qui dure depuis des jours. Je me lève pour mettre le tourne-disque en route et laisser les notes de l'orgue et de la flûte traversière envahir la chambre. Cette musique m'apaise. Et j'en ai bien besoin en ce moment tant je suis submergée par la monotonie et la nostalgie de cet hiver encore bien trop long. Je regarde la pièce et remarque à quel point, j'ai encore une fois, fais preuve de largesses pour ma famille. Mais je veux les gâter tant que je le peux, leur faire profiter de cet argent dont je n'ai pas besoin. C'est grâce à eux, si j'ai atteint de tels sommets et jamais je ne pourrais leur redonner ce qu'eux m'ont offert : la confiance. Et je n'aimerais pas qu'en ces temps de fêtes, ils se laissent contaminer par mon humeur sombre. Je veux leur offrir cette petite part de bonheur, observer les larmes de ma grand-mère couler sous ses épaisses lunettes parce que je lui ai enfin trouvé -après des années de recherches- ce livre rare qu'elle demandait depuis des années. C'est l'odeur flottante de la dinde qui m'empêche de me perdre une fois de plus dans mes pensées. Je dois tout faire pour ne pas fléchir et profiter de ces instants de bonheur, qui se font de plus en plus rares. Ma famille est le point d'ancrage de ma vie, et je compte bien continuer de la chérir du mieux possible. Et c'est pour cela que lorsque je regagne la cuisine, un sourire sincère se peint sur mes lèvres, ils n'imaginent pas à quel point je les aime.