Les succulents voyages de Gary
Gary arriva dans le quartier de sa nouvelle maison par un beau matin de printemps.
Il avait tout fait dans les règles ; le grand camion de déménageur, les petits signes d’amitié à ses nouveaux voisins, enfin, voisines… Une ribambelle de femmes au foyer pétillantes et pulpeuses, comme il les aimait.
Il sourit, un sourire carnassier. Il salivait déjà.
Comme prévu, dans ce genre de quartiers, il ne devrait pas attendre trois jours avant d’avoir de gentilles visites ; comme dans son précédent quartier, elles viendraient toutes à lui, il n’aurait pas besoin de chasser, elles se jetteraient elles-mêmes dans la gueule de loup.
Il ricana… Il allait se régaler.
Comme espéré, les visites « de bienvenue » commencèrent rapidement ; Sandy fut la première. Elle lui avait préparé un carrot cake, « sa spécialité » lui avait-elle précisé en minaudant.
Alors qu’elle lui détaillait les potins du quartier, il emmagasina les informations pertinentes ; qui part souvent en voyage, qui a des soucis dans son couple, qui a des problèmes d’argent… Il lui fallait prévoir et rendre crédibles les prochaines « disparitions » qui allaient bientôt agiter ce petit quartier bien tranquille.
Il reçu toutes ces informations, tant de Sandy que de Shirley (et sa tarte aux pommes), Eva (et ses cookies aux trois chocolats), Alison (et ses cakes végans) ou encore Carrie (et ses mini pizzas… la seule à lui offrir quelque chose de salé).
Il comprit aussi que ce qui intéressait ces dames était de « voir » comment il avait aménagé cette maison dont les murs portaient les souvenirs du massacre d’une famille par un serial killer local. Les gens étaient tellement effrayés à l’idée de vivre dans cette maison chargée de tant d’horreur, qu’il l’avait obtenue pour une bouchée de pain.
Certes, il avait dû repeindre l’entièreté de certaines pièces ; des projections de sang ayant atteint le plafond… Amateur avait-il songé alors qu’il recouvrait les traces avec une peinture de teinte « sang de bœuf », il est plus simple de vider la bête par les veines, c’est plus long, certes, mais la viande est meilleure… là, quand on coupe les artères, non seulement ça salit, mais ça contracte les muscles… c’est nettement moins goûtu, du coup !
Après un mois de préparation, il jeta son dévolu sur Carrie ; elle lui avait fait envie dès sa première visite… Non pas parce que ses mini pizzas avaient été excellentes, quoique… Si elle était aussi épicée, elle n’en serait que meilleure… Mais surtout parce que son anatomie lui semblait bien sculptée ; des fesses pleines et rebondies… Il s’imaginait déjà en découper plusieurs filets dans chacune d’elles.
Toutes ces femmes qui passaient des heures à sculpter ce corps que leurs époux ne regardaient plus depuis des années… une aubaine pour lui ! Le muscle, c’est de la viande !
Et comme, entre deux séances de fitness, elles se faisaient masser… ce fut l’image d’un bœuf de Kobé qui s’imposa à lui. Il ferma les yeux et imagina la viande persillée qu’il allait bientôt déguster.
Tout se passa comme il en avait maintenant l’habitude, d’abord prévoir un voyage pour ces dames, puis les inviter à passer chez lui sur le chemin du départ et là, hop, à la cave sur la table de découpe, à côté du réfrigérateur (un bahut, grand format) pour les plus gros morceaux, pour les morceaux plus délicats (les joues, notamment) il avait son fumoir portable… ou le four, pour transformer certains morceaux en chips (un régal devant un bon match à la TV !).
Hélas, Gary ne comprit pas directement ce qu’il se passa ; à la découpe, il sentit une résistance, puis un liquide visqueux s’écoula du corps de Carrie… Il était tombé sur un implant fessier.
Il en découvrit d’autres, dans les mollets, dans le visage… Il fut dégoûté : toute cette viande gâchée !
Gary fut désabusé… Après s’être débarrassé des restes de Carrie, il voulu déguster Eva mais rencontra le même problème ; des implants partout !
Prenant ses précautions, il prit le temps d’interroger Alison, la suivante sur la liste, qui lui révéla que l’un des points unissant toutes les voisines de ce quartier si charmant était le Dr Scholl, chirurgien plasticien.
Dépité, Gary se résigna ; il allait devoir déménager ; ce quartier n’était visiblement pas fait pour lui… Mais bon, il avait déjà une bonne excuse pour expliquer son départ ; impossible pour lui de vivre plus longtemps dans une maison aussi chargée d’horreur… Il en avait perdu l’appétit !
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