Mélancolie
Il faisait froid. C'était long. J'avais qu'une envie: rentrer chez moi.
Les gens autour devenaient ennuyants. J'en avais assez.
Je savais bien qu'il fallait que j'arrête d'être aussi négatif tout le temps, mais c'était trop dur. Faire des efforts, c'était plus mon truc.
Après une semaine passée en vacances, avec ces personnes envers qui je ne portais aucun intérêt, j'en avais la certitude: je suis insociable.
- Max?
J'entendais quelqu'un m'appeler à un mètre même pas. Je me retourne.
C'était la jolie fille. La plus charmante de la colonie; celle qui suscitait l'attention de chacun et qui amenait à se poser pleins de questions sur son compte. Discrète mais charmeuse. Une gentille fille mais je l'aimais pas trop; elle savait bien qu'elle avait les cartes en mains. Faussement banale, quelque chose comme ça.
- Julie, c'est ça?
On était que dix dans la colo. Evidemment que je connaissais son prénom. Elle sait que j'en joue pour lui montrer mon indifférence, mais elle ignore.
- On va dans la forêt avec les autres; tu vas te décider à venir?
Je souffle. Face à la mer, les pieds dans l'eau s'accrochant au sable mouvant, je regarde l'horizon alors qu'elle attend derrière pour ne pas avoir les pieds trempés.
- J'aime pas la forêt. Je préfère la plage.
- Dis plutôt que tu n'aimes pas le groupe.
La tonalité de sa voix était sectaire. Puis elle avait répondu du tac au tac. Comme si elle en avait quelque chose à faire de moi.
Il y avait un petit silence. Paisible ce bruit de vagues déferlant sur le sable. Je sentais bien qu'elle attendait une réponse.
Je m'en fichais totalement.
Mais elle insite.
- Viens je te dis! C'est pas cool que tu te mettes à l'écart tout le temps! Qu'est-ce qui ne te va pas dans le groupe?
je réponds toujours pas. Un autre silence s'installe, puis j'entends qu'elle se mouille les pieds pour s'approcher de moi et pouvoir me parler dans les yeux.
- Ça fait bien une heure que tu restes immobile ici.
Elle suit la direction de mon regard. Elle attend un peu avant de reprendre:
- Qu'est-ce qui te plaît dans ce paysage?
J'en ai assez d'elle. Elle joue. Elle est un personnage tout fabriquée. Elle est vue et revue.
Pourtant j'ai pas envie de la faire fuir. Alors je retiens mon soupir. Mais je me trouve ridicule. Elle mérite pas mon attention. J'ai pas de temps à perdre pour elle.
Elle est lourde, mais elle continue son petit speech. Elle veut une réponse; un dialogue. Elle l'aura pas.
- J'ai jamais compris comment ça pouvait être beau. Pourquoi les gens voyagent pour voir des paysages comme ceux-là? Finalement, d'une certaine manière, il n'y a pas grand chose à voir. Une étendue mouvante de bleu foncé qui s'arrête nettement par une ligne droite, avec au dessus un ciel d'un autre bleu, lui aussi foncé. Il fait nuit. Il y a des points jaunes, mais le reste est uniforme.
Ses paroles avaient l'air authentiques. En tout cas, elles étaient intéressantes.
Elle a les bras croisés, le regard interrogateur vers le ciel. Elle avait de beaux yeux marrons.
Merde. J'étais en train de la regarder.
- Non, je ne comprends vraiment pas. L'infini et le non-accessible attirent l'attention des humains. On ne peut pas voir ce qu'il y a au-delà; donc pourquoi chercher?
Elle me regarde.
J'ai envie de lui répondre, mais je résiste.
Jusqu'à ce que je croise son regard.
- Je ne cherche pas.
Elle sourit.
Je ne souris pas.
Mais son sourire persiste.
On s'observe mutuellement, pénétrant dans le regard de l'autre.
Le silence prend place; cette fois pour de vrai. Ses cheveux lisses s'agitent dans le vent. Ils viennent la déranger sur son visage. Elle ne prend pas la peine de les remettre en ordre. Elle laisse le vent faire.
Elle est belle.
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