Winner ?
Pierre Roux, le "rédacteur en chef" du journal du lycée, élève de première aux grosses lunettes à monture noire, a remis ça avec une affiche tape-à-l’œil cette fois. Tout le monde m'en parle. Mon angoisse se lit H24 sur mon visage... Il a titré : "La guerre officielle des sports de combat". Il en fait trop ? Sans aucun doute. Pense-t-il à moi ? Aucune chance. On y voit la tête de tueur Ryan Yocek, "Champion des collèges", "Le punch qui tue" et moi, pris en flag lors d'un visionnage discret d'un magazine de filles en maillot sous-titré : "Sapin, profitant du temps qui lui reste". Le bâtard, il ne m'a pas raté mais là, c'est le dernier de mes soucis. Des paris sont pris depuis trois soirs à la sortie des cours. Je vous le donne en mille : je ne pars pas gagnant... En ce vendredi où je déprime en marchant vers chez moi, le fameux Pierre vient me voir :
· Et toi, Sapin ! Attends-moi !
· Gnié ?
· Un combat d'exhibition entre Yocek et un étudiant étranger a lieu ce soir, tu n'y vas pas ?
· Pas trop envie non...
· Serais-tu timide ?
Et sans me laisser en placer une, il enchaîne :
· Aujourd'hui, la solution dans le sport, c'est la science !
· La science...?
· Oui ! par exemple, en formule 1, il ne suffit pas d'être équipé d'un moteur V12 pour s'assurer la victoire !
Quel rapport...? Qu'est-ce qu'il parle vite !
· Il faut aussi tenir compte avec précision des autres paramètres comme la technique du pilote, son expérience, les pneus, le tracé de la course, la météo... Pour les sports de combat, c'est pareil ! Une chose aussi simpliste que le "hard punch" de Ryan Yocek ne fera pas le poids face à la science !
· Qu...quoi ?
Il me tend un cahier où on peut lire "TOP SECRET" et ajoute :
· Je suis passionné de sports de combat et je rédige ce rapport sur la science de la boxe depuis que je suis arrivé en seconde. Avec ça, tu vas pulvériser Yocek !
· Incroyable ! Merci Pierre, je regarderai ça attentivement !
· Attends ! Je te le prête si tu viens voir le combat de ce soir avec moi ! C'est gratuit en plus et il y aura presque tout le monde ! C'est au lycée, dans le gymnase, aménagé exprès.
· Ah...ok, dis-je sans conviction.
***
Effectivement, la salle est bondée. Un ring qui semble neuf est éclairé par de gros projecteurs. Lorsque je parviens enfin à rentrer avec mon nouvel ami Pierre, les boxeurs sont déjà dans leur coin. Ryan Yocek fait la gueule, sa tête habituelle. Pierre me présente son adversaire :
· C'est un jeune du Kazakhstan, Zhanibek Golovkin. Il paraît qu'il vient d'une école où on étudie scientifiquement le sport. C'est un champion ! L'an passé, il a remporté les Universiades des moins de 18 ans, une importante compétition amateur, sans jamais être vaincu ! Sa force tient dans ses jabs ! En plus, ses enchaînements ont été longuement calculés et il a une allonge supérieurs à Yocek. Tu as vu comme sa peau est blanche ! C'est dingue ! Et...
Il n'arrête jamais de parler, il me saoule...!
Le combat va commencer. On a pu se glisser près du ring. Un arbitre adulte demande aux boxeurs de s'approcher. Il rappelle les règles et lance le début du premier round. Zhanibek attaque immédiatement avec ses jabs, des directs très rapides de son bras droit, mais Ryan reste en garde et n'a pas l'air de souffrir.
· Il a vraiment été champion des collèges ? Parce que là, il ne se défend pas trop...?
· Détrompe toi, Nathan ! me réponds Pierre des étoiles dans les yeux. Pour l'instant, il n'a été touché par aucun coup. Il attend que le Kazakhstanais baisse sa garde tout en parant à la perfection !
· On dit pas Kazakhs ?
· Non ! Le terme Kazakhs ne s'applique qu'à l'ethnie majoritaire du pays ! Il est peut-être russe ou ouzbek ! Tu savais que...
· Tais-toi c'est bon !
C'est à ce moment que Ryan porte son "hard punch" qui l'a rendu célèbre, crochet droit puissant en pleine mâchoire, faisant cracher le protège-dents de son adversaire. Ce dernier finissant sur le carreau... La brute me regarde alors droit dans les yeux, il a quelques gouttes rouges sur la joue mais ce n'est pas son sang :
· Sapin, quand ce sera ton tour tu ne t'en tireras pas à si bon compte !!
· Coooooomment ?! dis-je avec le corps en sueur.
· Nathan, me chuchote Pierre, j'ai bien peur que la science ne puisse rien contre ça. J'y vais, à plus.
Et Pierre Roux se volatilisa.
***
Prostré dans un coin du dojo, je déprime. Tchan-Poua est assis en face du coach qui a commencé à manger. Ce samedi midi, M. Maurice m'a invité à partager un déjeuner. Je sens un curry bien relevé m'attend, lui.
· Qu'est-ce qu'il y a Nathan ? Ça va pas fort on dirait.
· Il a bon appétit d'habitude.
· Alors, t'as pas faim ? mâchouille le coach, mange donc un peu, j'ai fait un de tes plats préférés !
· Ça rien à rien de lui parler je crois...
Après quelques minutes à bredouiller, je lance à qui veut m'écouter :
· Si je me bats contre ce gars je vais me faire tuer !!
M. Maurice se lève lentement et se dirige vers moi, sans expression. Il s'accroupi tout aussi lentement, et la bouche encore pleine de riz, me lance :
· EFPÈFE DE CROUATIN ! NE DIS PAS DES FOJES PFAREILLES !!
Je suis maintenant moucheté de riz sauce curry, dont une goutte a finie sa course dans mon œil. Le vieux tordu regagne sa place et reprend d'une voix calme, après s'être essuyé la bouche :
· Te fais pas de souci. Tyson, le grand boxeur américain Tyson, le mangeur d'oreille, était fier de son invincibilité mais un jour, il a bien été battu ! James "Buster" Douglas ! "L'homme qui a brisé la Légende" !
Il ajoute, en allant fouiller dans son coffre à DVD :
· Je vais te montrer la vidéo de ce combat entre Tyson l'invincible et Douglas l'inconnu. Regarde attentivement et tu verras que dans le domaine de la lutte entre deux personnes, rien n'est absolu.
Le DVD est glissé dans le lecteur et se lance en milieu de combat. Mon œil me brûle ! Je le frotte comme un fou ! On y voit un boxeur que je ne connais pas étaler Douglas très simplement. Douglas tombe K.O.
· Ah non merde ! Ça c'est le match lors duquel Douglas a perdu son titre...
· Co...comment ?!! Ouais eh bah moi je jette l'éponge ! dis-je en mettant ma veste et en allant vers la porte.
· Attends ! Écoute d'abord ce que j'ai à te dire.
Je me retourne alors, sans m'approcher et, tout en rangeant le disque, le coach commence sa psychologie bas-de-plafond :
· Tout le monde pensait que Douglas n'était qu'un faible mais comme Mohammed Ali, il a laissé son nom dans l'histoire et a eu des adversaires redoutables. Au début, personne ne pensait qu'il allait gagner. Alors quand il a raflé la victoire, on cria au miracle !
· Ça prouve justement que votre Douglas était un enfoiré de chattard !
· La seule vraie différence entre lui et les autres c'est que sa première victoire lui a ouvert la voie vers une succession de victoires légendaires...
Tchan-Poua, très attentif, intervient :
· Mais, coach, tout ceci n'a rien à voir avec la situation présente ! Nathan et Ryan ont un énorme écart d'expérience !
· Idiot de Tommy ! Niakoué à la noix ! Ce sont que des lycéens tous les deux ! Nous allons bien trouver un moyen !
· Niakoué c'est pour les vietnamiens ! Vous êtes stupide et raciste ! envoie Tchan-Poua.
· Voilà Nathan : il faut que ton esprit s'enflamme ! dis le coach d'un air satisfait de la conversation.
· Ouais bah c'est mal parti ! fais-je, l'œil flamboyant de piment, en claquant la porte.
***
Bordel ! Comment je vais pouvoir m'en sortir...Il vaudrait encore mieux qu'il y ait une alerte à la bombe comme ça, au moins, la rencontre serait annulée... "Je déteste les faibles !"
Oui, tout cela a commencé au mois de septembre avec la rentrée des classes, quand Naomi s'est assise à côté de moi. Tout est sa faute en fait ! Je la déteste ! Mais non je l'aime...merde ! Si j'étais Naomi, j'empêcherais cet atroce combat ! Imaginons un petit scénario. Alors disons au parc, ah oui, avec les arbres et les enfants, c'est très bien comme décor. Je me vois lui parler, très sérieux et convainquant, courageux (au moins en apparence) :
· C'est en tant que sportif et non en tant qu'homme que je désirais affronter Ryan Yocek !
Elle miaulerait "Oh Nathan..."
· Mais il y a quelque chose bien au-dessus de mes instincts de combattant. Ça s'appelle l'"Amour" !
Elle aurait les yeux saturés de larmes, muette tant ses émotions l'étreindraient. Je lui tournerais le dos, regardant le ciel nuageux :
· C'est pour ça que si tu me demandes d'arrêter, je ferai fi des rires et des moqueries de nos camarades et je renoncerai à affronter Ryan. Car je ne veux pas...te voir pleurer.
La gorge serrée, elle soupirerait qu'elle y avait pensé mais qu'elle ne voulait pas contrarier mon égo de mâle...
Ouais ! C'est parfait ! Je vais aller la voir ce soir chez elle. C'est yeux dans les yeux que ça doit se jouer !
***
Il est 21h00, je suis survêtement noir, gants noirs, bonnet noir et je me dirige vers la maison de Naomi, ma sauveuse. Je sais que sa chambre est au premier étage. J'ai mon petit discours en tête. Ça ne sera pas dans un parc mais c'est la seule chose qui changera !
Arrivé en bas de chez ses parents, je regarde si la ruelle est déserte et monte au poteau électrique cranté tel un caméléon aux membres arqués. J'allais frapper du bout de la chaussure à la fenêtre mais cette dernière s'ouvrit :
· VOYEUR ! hurle-t-elle.
· Mais non, c'est moi : Nathan ! dis-je en découvrant ma tête.
· Mais qu'est-ce que tu fous là ?!
Elle a les bras croisés sur sa poitrine, tenant fermement sa chemise rayée bleu et blanc qui doit lui servir de pyjama. Elle n'a pas mis le pantalon et même si la chemise est longue, je devine une culotte à motifs. J'essaie de ne pas regarder à nouveau : je ne suis pas là pour ça ! Mais je ne peux retenir quelques mots maladroits :
· Je dois dire que je ne m'attendais pas à te voir dans cette tenue...
· Bah j'espère bien !!
Accroché à mon poteau, je me lance :
· Je voulais te parler du combat contre Yocek. Il y a des choses que tu dois savoir. Si tu me demandais de mourir, j'irais à la mort pour toi. Mais si tu me demandais d'arrêter, je ferais fi du déshonneur et je renoncerais à me battre !!
· Ah ?
"Hé, Nono ?! Il y a quelqu'un avec toi ?"
· Non, je suis au téléphone maman !
Je reste imperturbable :
· Alors, qu'est-ce que tu en dis ?
· Tu aurais pu m'appeler plutôt que de faire le singe et me faire flipper !
· Du coup ?
Elle chuchote alors :
· Oui, oui, ce serait plus sage, et tout le monde y gagne.
· Je ne t'entends pas bien.
· Tout le monde y gagne !
· Quoi ? Tout le monde quoi ?
· GAGNE !
Je me laisse glisser le long du béton, abasourdit par ce mot qui résonne dans ma tête... "GAGNE !"
Sans me retourner, je prends la direction de chez moi. Je sors mon téléphone, y branche mes écouteurs et va chercher "Eye of the tiger" tiré de Rocky. Je repense à la scène du film : Adrienne vient d'accoucher, elle est à l'hôpital, son fils dans les bras. Rocky vient la voir : "Comme tu y es opposés j'arrête la boxe !" et elle répond : "Rocky, écoute-moi : GAGNE !". Je remplace les acteurs par Naomi et moi. C'est évident maintenant : Je gagnerai pour toi !
***
Je dois vaincre. Je m'entraine sous la supervision de M. Maurice, plus attentif que jamais. Je frappe le sac de sable, préalablement recousu complètement, avec chaque jambe jusqu'à entendre le "Zam" attendu à chaque impact.
· C'est le bon bruit, observe le coach, les bras croisés, et tu as le bandage à ta main droite maculé de sang, tu as dû beaucoup frappé, jusqu'à te faire saigner ! Je suis fier de toi !
· Merci coach, dis-je modestement.
En vérité, c'est en tentant de casser des œufs crus d'une seule main comme Rocky que je me suis coupé avec la coquille ce matin...ça peut rester entre nous ?
· On peut passer au menu suivant !
· Hein ! Et c'est quoi le menu suivant ?
· Il reste pile trois semaines avant le match. Ça nous laisse juste le temps de voir le high-kick. En terme de boxe, le coup de pied bas, le low-kick, c'est comme le "jab". On peut donc dire que le coup de pied haut, le high-kick, correspond à un "direct" ! Les coups de pieds sont toujours plus puissants que les coups de poing : les jambes supportent le corps et leur taille permet plus d'amplitude et donc plus de vitesse potentielle. Attends deux secondes, s'écrie-t-il en s'asseyant à son bureau, je vais fabriquer un super truc !
Il a scotché une feuille avec le vague schéma d'un visage sur un bouclier de frappe.
· Voilà la tête de Yocek ! Alors ? C'est son portrait craché !
· Son...portrait...craché...?
· Ha ! Ha ! Ha ! Ouais ! Ouais ! Autrefois je voulais devenir peintre !
On a au moins échappé à ça...
· Allez ! Monte sur le ring et vas-y franco !
Je passe les cordes. Tchan-Poua nous rejoint, pose son sac de cours et comprend ce qui se passe. Il ne prononce pas un mot et m'observe. Je me concentre sur la feuille griffonnée, vide mon énergie, charge en avant :
· Prends ça Yocek !!
Je place mon pied gauche prêt à faire la rotation, je lève la jambe vers le dessin et, au dernier moment...le coach retire le bouclier de frappe. Mon pied d'appui est emporté par l'élan de mon coup droit, je glisse comme si j'étais sur une plaque de verglas et la première chose qui touche le ring est l'arrière de mon crâne !
· Aaaaaaaaahh !
Tchan-Poua accourt vers moi, paniqué.
· Ça va Nathan ?!!
· 'tin j'me suis claqué au sol !
· C'est le cas de le dire...
· Bon, intervient M. Maurice.
· Mais vous avez retiré le truc bordel de merde !! dis-je les larmes aux yeux, les mains à la tête.
· Ça suffit pour aujourd'hui.
· Hein ? Vous n'allez pas vous en tirer si facilement !
· Et si Yocek esquive ? Tu vas te croûter à chaque fois ou c'était pour voir si ça faisait mal ?
· Quoi ?! Vous êtes gonflé !
· La fatigue doit commencer à s'accumuler. Tu as bien bossé. Je suis content. Pas de course à pied ! Tu vas pouvoir rentrer en vélo !
· Ah...bon. C'est cool.
C'est pour s'excuser je suppose. Pour une fois qu'il est gentil. Ce soir, au moins, je ne raterai pas "N'oubliez pas les paroles". Tandis que je me remets de mes émotions, que je me chausse, je les entends parler de moi au fond du dojo :
· Tu sais ce qu'il faisait avant le p'tit gars comme sport ?
· D'après ce qu'il m'a dit, il a fait du football à l'école primaire. Il disait ne pas être nul.
· Qu'il fasse un low-kick ou un high-kick, j'ai bien observé son pied de pivot : il est parfaitement à plat et malgré mon entourloupe, le mouvement était rapide et à hauteur de mon épaule.
· C'était pas cool, coach...
· Ouais, ouais. C'était pour qu'il s'attende à tout en vrai combat ! C'était marrant en plus !
· Bon, j'y vais ! dis-je fort.
· Ah j'oubliais : en passant, tu peux rapporter deux caisses de bouteilles en verre consignées ? Je te note l'adresse.
· Oui. Pas de problème.
· Et pendant le voyage pousse bien sur tes jambes ! Passe par la rue Foyatier.
J'installe mon téléphone sur la fixation du vélo, lance le GPS, mets le casque et je pars. Comme c'est le pied ! Tout paraît plus facile. Quelques minutes plus tard : "Au prochain carrefour, tournez à gauche".
· WHAT ! Qu'est-ce que c'est que cette côte !
Mais il y a les escaliers au milieu ! Et je reconnais cette endroit ! C'est dans le dernier John Wick ! La bagarre contre des mecs aux bérets (oui parce que les américains pensent que chaque français a un béret vissé sur la tronche !). "Pendant le voyage pousse bien sur tes jambes". Je commence à comprendre. Quel enfoiré ! Mais je ne peux pas désobéir aux consignes du coach, surtout si je veux gagner ! C'est pour me renforcer !
Je me mets en danseuse, change les rapports du VTT pour que ce soit faisable et je me fais la promesse de ne pas poser pied à terre ! Je donne tout ça que j'ai, j'appuie de tout mon poids à chaque coup de pédale, concentré sur mon équilibre à une vitesse si faible. Des gens surpris me regardent, rient parfois. Je dois être ridicule ! Mais je les emmerde ceux-là ! Ils savent ce qu'il y a en jeu ? Non ! C'est ma vie qui est en jeu ! Ma propre vie ! "Je déteste les faibles !" mais je suis fort ! Résistant ! Obstiné ! Je vais y arriver ! J'ai mal aux jambes bordel ! Elles me brûlent ! Que c'est long, et j'avance pas !
***
J'arrive en haut de la côte. Et monsieur Digby, l'épicier d'ajouter :
· Des bouteilles, comme d'habitude ? Voilà ta consigne. À demain mon garçon !
Voilà dix jours que je passe la montée de l'enfer en plus de l'entrainement habituel. Mais en ce moment, mon vomi aux couleurs chatoyantes descend la pente... Ce mercredi après-midi, j'étais seul à la salle. Est-ce que ça concerne l'entrainement, voir si je suis assidu ? Peut-être que M. Maurice me filme ce pervers ! Si c'est le cas, il va dire que c'est pour observer mes mouvements ! Il a toujours des trucs pour s'en sortir ! Déjà que j'ai repéré sa combine : Il a commencé à mettre des bouteilles de jus de fruit pleines dans la caisse d'en dessous ! C'était vraiment trop gros ! Il me prend vraiment pour un con ! Depuis le troisième jour, je les bois, évidemment ! Ça faisait beaucoup de jus aujourd'hui ! Est-ce que ça fait aussi partie de l'entrainement ou c'est pour se distraire ?!
Bon...Je suis bien décidé à lui demander de revoir le high-kick. Je sens que j'ai un gros potentiel. Je regarde ma montre. Le coach va rentrer manger au dojo...Il n'a pas de vie ce type-là ! C'est une chance pour moi : il m'entraine (ou me maltraite...). C'est décidé : je retourne au dojo maintenant, tant pis pour Nagui, il se passera de moi ! J'enfourche le vélo. Je suis léger comme une plume sans les bouteilles, c'est tellement agréable même avec une haleine de chacal ! Je fonce ! J'ai encore de la force dans les jambes malgré l'effort.
Je franchis la porte en trombe, galvanisé par mon envie d'apprendre :
· Hé coach ! Ce soir, on pourrait voir...
· Tais-toi ! Parle pas si fort, j'ai mal à la tête !
M. Maurice, avachit à la table, tient un sachet de glaçon sur son crâne brillant, observant les bulles du cachet effervescent dans un verre d'eau.
· Je suis prêt pour le high-kick, coach, dis-je en contrôlant mon enthousiasme.
· Désolé mais je crois que tu vas encore te débrouiller tout seul...Ce midi, on avait une petite réunion avec de vieux copains...Tu sais ce que c'est, on boit un coup puis deux puis on compte plus et on rigole ! On s'est fait j'ter du resto mais ça valait le coup ! C'est la sieste qui m'a achevé !
· Ok, j'ai compris, j'y vais, j'y vais.
· On voit ça demain après ta livraison de caisses de bouteilles. Promis !
Je rentre en pédalant rapidement, il y a encore moyen pour mon émission de chansons !
***
· M. Maurice ! Coach ! Je crois qu'il serait temps que vous m'enseigniez le high-kick !
· On verra plus tard, tu peux t'occuper de ça... sourit-il en apportant les deux caisses l'une sur l'autre.
Je fixe les caisses au vélo et j'essaie de penser à mon retour au dojo : les astuces pour le coup de pied haut, enfin ! Puis me vient l'idée que le coach repousse l'échéance parce que, peut-être, qu'il ne croit plus en moi... Je me suis tellement viandé l'autre jour pour le test du high-kick...Il doit penser que c'est sans espoir, que je n'y arriverais jamais... En même temps, il n'est plus concentré de son côté...il se met grave bleu en pleine après-midi ! Je suis paumé !
Prêt à commencer mon ascension, j'ai oublié de boire les bouteilles pleines ! Je pose la première caisse et constate sans étonnement que la seconde est complétement pleine. Je ne vais pas me faire avoir deux fois ! Je pose les jus de fruit sur un banc à côté de cette maudite pente. Je me pose, j'en ouvre une seule et m'assois. J'en profite pour envoyer un message à Naomi :"cc, jesper ke tu va bi1 on se voi dem1" Oh c'est nul...j'efface ! Ah merde ! j'ai envoyé à la place ! mais c'est pas vrai ! D'agacement je lance ma petite bouteille par terre. Je décide de laisser le reste sur le banc même si je perds de l'argent des consignes, qui veut se sert. Allez, je dois faire preuve de courage et de force ! Je remonte sur le vélo du coach après y avoir remis les caisses et débute mon épreuve. Ce n'est pas moins lourd que les jours précédents. Je dois être fatigué. J'y suis presque ! Encore quelques mètres...
Survient alors, comme une apparition, un ange, Naomi qui sort de l'épicerie...
· Nathan ?!
Quelque chose en moi me fait dérayer : mon pied glisse à quelques centimètres de l'arrivée, mon tibia fait l'expérience de l'antidérapant de la pédale sur toute sa longueur. Je m'efface vers l'arrière rapidement. La suite est un enchainement de chocs, de cris, de contacts avec le pavé tel un John Wick mais sans sa résistance légendaire. Les bouteilles en verre éclatent et des morceaux s'invitent à plusieurs endroits sous ma peau. J'attends l'arrivée sans impatience : mon corps est mou comme un asticot, j'espère que mon casque me protège et je pense à Naomi qui va encore me prendre pour un crétin... Je m'étale enfin. Je reste allongé sur le ventre un moment, histoire de détecter si quelque chose est cassé. Je crois que non ! Je me relève péniblement et latte le vélo qui est hors d'usage :
· FAIT CHIER !!! C'EST PLUS QUE JE NE PEUX EN SUPPORTER !!!
Le porte bagage s'immobilise à l'envers et je suis témoin d'une perfidie dans la perfidie de la part du coach : Il a installé des haltères sous la deuxième caisse ! Je compte au moins vingt kilos ! Quel vieux sadique ! Je le déteste ! Je décide de rentrer au dojo immédiatement pour régler deux/trois trucs, sans regarder si Naomi vient prendre de mes nouvelles. Qu'est-ce que ça changerait ? Être déçu encore une fois ?! Pfff
En quittant ce vélo tordu, je mets le pied sur la bouteille que j'ai jeté avant de commencer mon effort : Je me retrouve un fois de plus par terre... Karma ! Merde !
Je rumine tout le long du chemin mais je me calme avant d'arriver, je dois me contrôler, j'ai été maladroit. Naomi m'a surpris et j'ai perdu le contrôle. Je jette le casque brisé dans une poubelle et retire les morceaux de verre que je peux attraper, je n'ai que des blessures légères même si mon t-shirt est couvert du sang de mon nez. On me regarde avec des yeux comme des soucoupes jusqu’au lycée. Je franchis la porte du dojo, accroche mon manteau.
· C'est trop ! Plus que je ne peux en supporter ! J'arrête tout ! D'ailleurs à ce sujet, j'ai eu un accident avec votre vélo : il est inutilisable.
· Ah ! Justement c'était la dernière fois ! annonce le coach, depuis le bureau, sans se retourner, alors qu'il se coupe les ongles de pied. Et sans me regarder :
· Tchan-Poua enfile ça ! ajoute-il en lui lançant un bouclier de frappe, Essaie de nouveau le high-kick.
· Mais coach, intervient Tchan-Poua, pourquoi si soudainement ? Vous ne lui avez toujours pas enseigné la manière correcte !
· C'est vrai, dis-je, apprenez-moi d'abord comment faire !
· Et puis regardez-le, il est blessé à cause de vos entrainements dangereux ! Ça va Nathan ? D'où vient tout ce sang ?
· Oui, ça va, juste une chute de vélo. Je passe à la salle de bain, je reviens.
· Je viens t'aider, comment t'es-tu mis des bouts de verre dans les cheveux ? demande-t-il en posant le coussin.
· Et ailleurs...
Après quelques minutes avec Tchan-Poua que je découvre attentionné et délicat, nous retournons près du ring.
· Tu ne veux pas essayer le high-kick donc ?
· Si, bien sûr ! Mais apprenez-moi !
· Alors comme ça on désobéit aux ordres de son coach ? déclare-t-il sûr de lui, en fouillant dans sa poche.
Il sort une photo. Une photo de Naomi. La photo qui était dans mon portefeuille, dans mon manteau... Je vais le tuer !
· Eh bien voyons ton "petit trésor", si on en faisait deux morceaux ? Il commence à la déchirer.
Je me jette sur lui, plonge pour lui arracher des mains. Ma vitesse surprend tout le monde, moi le premier. Je saisis Naomi.
· Comment auriez-vous osé ?!!
· Cette fille est ton moteur et ta faiblesse. Quand tu auras compris et maitrisé ça, tu seras invincible mon garçon. Tu arrêtes la boxe alors, petit looser ?!
· Bon, ça va, arrêtez votre discours de psychologue de comptoir, je vais le mettre ce coup de pied. Au moins, mon ami ne va pas retirer le bouclier de frappe !
Nous nous mettons en place, au centre du dojo. D'un regard entendu, on sait tous que je vais y mettre la rage de la journée. Vider son énergie. Concentration. FRAPPE ! L'impact est puissant ! Le mouvement naturel. Tchan-Poua se retrouve projeté dans le meuble de matériel. J'ai fait tomber Tchan-Poua !? Son visage arbore la surprise et une sorte de satisfaction je crois.
· Ça va mec ?!
Et M. Maurice, impassible :
· La force de frappe est fortement basée sur le ressort de la partie inférieure de la jambe pivot. Quand tu avais besoin de réfléchir pour tourner cette jambe d'appui, tu ne pouvais pas correctement gérer la vitesse du pied de frappe et tu t'es viandé. En clair, si la partie inférieure de la jambe est plus forte, tu peux la tourner avec moins d'attention. Alors, pour muscler ça, je t'ai fait gravir cette côte avec mon vélo surchargé. Merci qui ?
· Quoi ?! Dit-on Tchan-Poua et moi.
· Je suis là pour que tu gagnes tes combats, pas pour être gentil. Maintenant que tu as retrouvé l'œil du tigre, que tu es bien armé, on passe à l'entrainement secret contre Ryan Yocek !
· L'entrainement secret ?!
***
Jusqu'à ce qu'il ne reste qu'une semaine avant le combat, l'entrainement consista en un mélange de yoga dans des positions improbables, de danses sur les albums de Mickaël Jackson et de sac de sable.
· Il est temps d'aller faire une promenade.
· Quoi ?
· Nous allons tous les trois au club de boxe, dire bonjour ! Faire une visite d'encouragement ! ... Il faut préparer le terrain, et la semaine précédant le match, on commence la guerre des nerfs ! Je vais prendre un petit pinard, il ne faut pas venir les mains vides quand même !
· Je ne sais pas quoi dire...C'est vous le coach, coach.
Après un passage rapide dans une supérette, une bouteille à 3€ sous le bras, nous allons à la salle prestigieuse salle de boxe. Le coach me briefe. Nous arrivons en plein combat. Le sparring partner fini au tapis. Je crie alors :
· C'est Nathan Sapin, du club de kick-boxing !! Salut everybody ! On vient vous faire une visite d'encouragement !
La dizaine de jeunes présents sont hallucinées :
· Quoi ??
Ryan, du haut du ring qui paraît neuf, s'adresse alors au coach :
· Voyons, M. Maurice, ce n'était pas la peine de vous déplacer.
· Oui, mais je suis condescendant, c'est de nature. Je suis heureux que tu aies retenu mon nom.
· Lors du combat, j'écraserai Sapin. Le lycée comprendra ce qu'est un club de première section. Cette victoire justifiera le rang de mon club. Elle ne fera que remettre les choses à leur place !
· Si tu penses que ça sera aussi facile tu accepteras bien ma requête.
Le coach a de l'allure ! Quelle maitrise de soi ! C'est un vrai pro !
· Si jamais c'est nous qui remportons affrontement...
· Parce que vous pensez que vous allez gagner ? Vous voulez nous faire rigoler, c'est ça ? plaisante l'encadrement de Yocek.
· ... Je veux que tu fasses des excuses publiques à M. Sapin et à son club, le mien. Ainsi qu'une lettre valorisant ce club, le mien, auprès de M. Tapont, le chef d'établissement du lycée pour avoir plus de moyens.
Quoi ? Une lettre de louanges et des excuses devant tout le monde ?! Mais il ne va pas...
· D'accord. Ça marche pour moi, annonce Ryan, d'un ton sérieux et sans moquerie.
· Super ! Tu es quelqu'un de compréhensif. Eh bien sur ce...
· Tu penses gagner contre Ryan Yocek, Sapin ! Et de la tune pour le club ? Ah ! Ah ! Oh ! Ha ! Ha ! Il est trop le papy avec sa petite moustache grise ! s'exclame la salle sauf le champion.
Je pose le cadeau au milieu de la salle. Le coach est déjà parti. Nous sortons rapidement et le rattrapons :
· Attendez coach ! Vous pensez vraiment que...
· Nathan ! Il faut que tu gardes confiance !
· À quoi j'ai servi moi ? interroge Tchan-Poua.
· Hein ? Dis-je au coach, en ignorant mon partenaire d'entrainement.
· Il va te falloir persévérer et t'entrainer dur ! Tu en es capable. Tu es fort ?
Le visage de Naomi apparaît. "Je déteste les faibles !"
· Oui !
Sur le chemin du retour, une voix familière interpelle le coach :
· M. Maurice ! Ou devrais-je dire "Maurice le Démon" ?!
· Nicolas Malatesta, articule précautionneusement le coach.
· C'est bien comme ça qu'on vous surnommait quand vous étiez l'athlète de haut niveau, champion de karaté des moins de 67kg. Après vous êtes parti en Thaïlande.
· Tu es bien renseigné. C'est du passé tout ça...
· Quoi ? Vous êtes un champion de karaté ? J'avais rêvé d'une photo encadrée avec un homme chauve très impressionnant !
· J'étais rasé, pas chauve !!
· J'aimerais comprendre ce qui vous motive pour prendre part à cette confrontation ?
· Nathan, rentre au dojo, j'arrive tout de suite.
· Ok coach.
Je m'éloigne mais reste à portée de voix, au coin d'un bâtiment. Ça me concerne, quand même !
· La force de Sapin n'est pas dû au hasard. Je suis bien placé pour le savoir : il m'a fait mordre la poussière. Mais Yocek est né et à grandit jusqu'à dix ans en Bulgarie, c'est un "bête" ! Personne de son âge, ne peut rivaliser avec lui. Il est trois fois plus fort que moi. Sapin ne risque pas seulement d'être blessé. Alors pourquoi ? Pourquoi vous rendre responsable en cas de blessure ? Pourquoi ce combat ?
· Je ne pense évidemment pas que Nathan ait l'expérience ou la force suffisante pour battre Ryan...
Oh ! Je le savais... C'est mort...Le coach fait juste ça pour se distraire... C'est un sadique !
· Mais alors si je ne l'arrête pas et si je lui dis même que je pense qu'il va gagner tu crois que c'est parce que je suis un imbécile ?
Nicolas reste silencieux.
· Si tu as le temps viens nous voir, termine le coach en partant.
***
Je suis là, à frapper dans ce sac rafistolé aussi fort que je peux, "aussi fort que t'es idiot mon gars !". Garder confiance en moi. Facile à dire. Entre ma constitution et un entraineur qui kiffe les expériences sadiques... Où est-ce que j'en suis pour préparer cette rencontre ? J'ai fait du vélo, du Moonwalk et du yoga...SU-PER ! Non mais je vais stoppé là... C'est décidé, j'abandonne... "GAGNE !" Ce mot résonne dans ma tête... C'est un encouragement formidable ! Un déclaration même. Que va-t-il se passer si je bats Yocek ? Je pourrai être plus ambitieux auprès de Naomi. Ce sera difficile pour elle de ne pas accepter de sortir avec moi. Mais non, elle peut faire comme elle veut... En même temps, elle n'a pas de petit ami depuis la rentrée. C'est bon signe pour moi. Elle se réserve peut-être ! Jusqu'à ce que je sois digne d'elle !
· Oh ! Nathan ? Tu frappes ou quoi ? m'interrompt Tchan-Poua.
M. Maurice rentre dans la salle avant que je n'ai eu le temps de poser mes questions existentielles à Tchan-Poua.
· Alors, avez-vous vu Ryan Yocek ? Il a commencé un entrainement secret ?
· Oui ! Et puis c'est comme ça, nous, nous allons avoir un entrainement super secret !
Le coach s'avance vers le matériel d'entrainement, saisit un casque de protection et le jette à mon partenaire :
· Enfile ça, Tchan-Poua.
Un casque de karaté, qu'est-ce qu'il a en tête cette fois...?
· Quant à toi, Nathan, tu vas enlever tes gants...
***
Dans le vestiaire, je regarde le sol, assis sur le banc. Les deux seuls autres personnes du club de kick-boxing sont avec moi, muets jusqu'à ce que M. Maurice brise ce silence pesant :
· Nathan. Tiens. J'ai apporté ça.
Il me tend une lanière de tissu abîmée.
· C'est la ceinture blanche que je portais autrefois en karaté.
Tenues avec les gants rouges, les fibres usées jaunies par le temps contrastaient.
La ceinture blanche que portait le coach...Il m'aime bien alors.
· C'est bientôt l'heure.
· Oui mais j'ai besoin d'être seul. Je vais aller marcher dans les couloirs vides du lycée. On se retrouve au bout du couloir B dans dix minutes.
Je déambule lentement, réfléchis à mes mouvements futurs, mes coups, comment repérer les faiblesses de mon adversaire... puis à plus rien. Je fais le vide. Un silhouette se dessine au bout d'un couloir. Une fille. LA fille. Je ne me change pas ma démarche. J'arrive à un mètre d'elle. Je regarde toujours vers le bas.
· Nathan, tu te rends compte de ce que tu vas faire ? Tu vas commettre une folie ! Ne sois pas stupide ! Si tu es blessé tu crois que ça fera plaisir aux gens ? On ne joue pas bêtement avec la vie, même la sienne. Ce n'est pas un jeu ! Personne ne peut battre Yocek ! Renonce à ce combat ! Je parlerai au comité d'organisation s'il faut...
Sans même la regarder, je passe à côté d'elle, mon gant effleurant sa main. Je perçois sa stupéfaction. Avec ma voix la plus grave, sans me retourner, je cite Rocky :
· Je gagnerai Adrienne.
Je m'immobilise. Je sais qu'elle me regarde. J'attache la ceinture du coach sur mon front puis reprend mon chemin vers le ring.
J'arrive dans le couloir B, mes acolytes m'attendent, concentré.
· T'es prêt ? C'est l'heure. On y va.
À l'instant où nous rentrons dans le gymnase, les haut-parleurs saturés hurlent :
· Il est en seconde ! Et il fait partie du club de kick-boxing ! Entrainé par M. Marcel ! ...Hein ? Quoi ? Par M. Maurice pardon ! C'est Nathan Sapin qui fait son entrée !
Je connais cette voix...c'est Pierre Roux au micro ! Ah celui-là...
· Le club de M. Maurice a peu de chance de remporter la victoire, soyons clair ! Mais si c'est le cas, le statut de cette section pourrait bien changer !
Finalement, le grand jour est arrivé...
· Tout le lycée est là je crois ! Je crois voir des gens de l'extérieur également ! Il va falloir vérifier ça... C'est un moment important pour...
Ça y est, il reparle trop et trop vite...je vais me concentrer sur mes pas. Des escaliers neufs ont été installés pour l'occasion. J'entends dans le public :
· Ce sont les marches vers la mort !
Une marche. Deux marches. Je ne sais pas si c'est la peur ou autre chose mais je rate la troisième marche, finissant par tomber sur le côté... Quelle nouille ! Les gens autour cèdent à la pression et éclatent de rire. Merde !! Je me relève rapidement et rejoints mon coin. L'équipe d'encadrement d'en face parle volontairement fort :
· Sapin ne tiendra que trois secondes. Mets la gomme !
· Au bout de quatre tu ne seras plus que "chair et sang", Dis Ryan en me regardant du coin de l'œil.
Prétentieux !
· On n'en est pas encore là !
· Faut pas te blesser avant le combat, mon gars, me chuchote le coach en essuyant la goutte de sang qui perle de mon front.
Tchan-Poua resté en dehors du ring me tapote le pied :
· Yocek fait une démonstration de ses talents !
Effectivement, sans avoir enlevé son peignoir blanc, il fait semblant de s'échauffer en exécutant, dans le vide, des directs, des crochets et un uppercut assez impressionnant. On entend dans les gradins :
· Vous vous imaginez recevoir un coup pareil ?! Ça doit réduire le cerveau en bouillie !
Mon cœur exprime l'envie de sortir de ma poitrine et d'être ailleurs. Moi aussi...
On entend ce cher Pierre Roux intervenir :
· Ce match constitue l'évènement de la saison finalement ! Ryan Yocek de la section boxe et Nathan Sapin de la section kick-boxing dans une impitoyable guerre des sports de combat !!
Le foule est enthousiaste et n'hésite pas à s'exprimer :
"Vas-y Ryan, achève-le d'entrée !", "Abandonne Sapin !! Pense à tes pauvres parents !", "Un seul coup de poing de Yocek et ce sera terminé", "Plus la victime est gentille, plus c'est poignant..."
· Allez Nathan, tout n'est pas perdu ! crient certains.
Nouveau tapotage de Tchan-Poua :
· Pour les paris, je t'avoue qu'on te donne perdant au premier round...bon...Les gens ne parient pas sur le gagnant mais sur combien de secondes tu vas tenir ! Il se dit que ce sera moins de 30 secondes ! Tu vaux bien plus que ça !
· Je ne sais pas si c'est bon pour lui de savoir ça. "Tommy" !! lance le coach avec un regard accusateur.
Ryan Yocek m'interpelle :
· Hé, Sapin ! Tu n'es qu'un rat de laboratoire qui va juste me permettre de remettre à jour l'image du club de boxe.
Pendant toutes ces semaines j'ai écouté le coach, j'ai suivi son entrainement. Et maintenant, suis-je plus fort pour autant ?
· C'est un abruti ! me rétorque le coach, tout ira bien. Je t'ai entrainé pour que tu sois vainqueur.
C'est bon de voir cet homme croire en moi... Il m'aime bien je suis sûr. C'est réciproque je crois...
· Et puis si tu meurs j'allumerai un cierge pour toi.
Ah non, c'est un vieux connard en fait...
· Les présentations ont été faites ! Le premier, et peut-être dernier, round va commencer ! s'égosille le commentateur.
· Allez Vas-y ! me hurle le coach.
· Tiens bon Nathan ! m'encourage Tchan-Poua.
DING
***
Yocek se précipite sur moi, j'ai à peine le temps de réagir :
· Je vais te mettre KO d'un seul coup !!!
Par réflexe, je monte la jambe et vise le plexus du plat du pied en déportant tout mon poids vers l'avant. Le molosse est arrêté net.
· Que s'est-il passé ?! couine Pierre au micro, Nathan Sapin a figé Ryan Yocek dans sa course destructrice !
Ryan se remet vite de la surprise et recommence :
· Espèce d'effronté !
La même action engendre la même réaction : il prend mon pied dans le buste.
· Il a recommencé ! C'est Sapin qui frappe Yocek ! C'est incroyable !
· Des mecs avec une longue allonge j'en ai abattu des tas ! annonce Ryan en s'élançant de nouveau.
Je mets le pied ! Ah ah ! Mais ça ne fait pas comme avant... Ryan n'a pas chargé le poing !
· Yocek tente une percée fantastique ! Sapin est propulsé par le choc !!
Il a chargé comme un rugbyman et me voilà projeté en arrière !
· Quoi ?! Il rebondit sur les cordes !! Et Yocek est prêt à le recevoir !
Mon corps est tel un coureur de 100 mètres qui passe la ligne : la tête en avant, les bras en arrière. Je ne vois d'abord aucun moyen de me rétablir !
· Bien le bonjour en enfer ! aboie le boxeur le bras armé.
Mon corps souple s'arrange pour éviter le coup et même toucher : un saut en ramenant mon genou qui termine sur le nez de mon adversaire qui craque à l'impact. La surprise est totale autour de moi. Yocek se retrouve sur les fesses, le nez rouge.
· Yocek est à terre !!! hurle Pierre.
· Pas la peine de compter, stipule calmement le champion à l'arbitre.
Il se relève sans mal, replace son protège-dents et change de regard.
· Yocek était à terre mais je crois que la foule hue Sapin !
Au même instant, je reçois un trognon de pomme au visage. Je me tourne vers les étudiants et me fais insulter : "Mais quel abruti ce mec !", "À cause de toi, on a perdu tous nos paris !!","Rends-nous notre fric !"
Dans un élan de courage et de confiance certainement mêlée d'inconscience, je lève le poing vers le ciel. C'est pour dire à tout le monde que je réussirai peut-être à tenir un round. Et le commentateur d'enchérir :
· Nathan Sapin lève la main fièrement ! Serait-ce pour signifier son intention de mettre Yocek KO au premier round ?!
Merde...
· Montre-lui qui commande ! Ouais ! Qu'on en finisse Ryan ! ajoute l'équipe d'encadrement.
· Vous allez voir ! lance Ryan en se jetant sur moi.
Je vais lui faire la même : genou dans la tronche ! Mais par un retrait du buste, il évite mon coup et perd son élan, voir son enthousiasme. Aurait-il perdu confiance en lui ?
· Allez Ryan ! T'arrête pas ! 'Te laisse pas impressionner !
Il n'y avait pas de gant pour atténuer le choc, c'est un coup d'os qu'il a pris. Un os directement dans la figure, il n'a pas dû en recevoir souvent. Par ailleurs, une jambe est plus destructrice qu'un bras, surtout le mien... Avec le mois de travail sur les kicks, le vélo et "une certaine prédisposition aux coups de pieds" d'après le coach, ça a porté ses fruits !
Nous nous observons, le public nous scrute et je crois afficher un léger sourire.
· Tu vas comprendre pourquoi dans le lycée on me surnomme "l'Intruder" !
Yocek abaisse sa garde de la main gauche et commence un jeu de jambe impressionnant. Tchan-Poua s'égosille :
· C'est la "Ali-dance", le pas de Mohamed Ali ! Méfie-toi, il va attaquer sur un côté !
Je lève alors le genou et les gants, comme pour une attaque frontale.
· Essaie d'encaisser mon crochet ! siffle-t-il en disparaissant de la ligne.
Je pivote sur mon pied d'appui et déplie ma jambe brutalement : mon coup atteint une partie du visage de Yocek bien qu'amorti par une main. La stupéfaction est totale :
· Sapin a frappé de gant de Yocek qui tentait de tourner vers la gauche avec un superbe high-kick de la jambe droite !
En bloquant d'une main, comme à la boxe anglaise, il a limité l'impact mais un kick bien placé et puissant a besoin des deux mains pour éviter les dégâts. Il n'a pas dû apprécier !
Il change de côté, partant vers la droite, en un mouvement tout en jeu de jambe malgré le coup reçu. J'ai anticipé sa direction, je peux lui donner une bonne correction : high-kick sur sa tempe droite !
· C'est maintenant un coup de pied de la jambe gauche de Yocek a pris dans la figure !!! hurle les haut-parleurs.
· Nathan ! C'est le moment ! me crie M. Maurice.
Tandis que son protège-dent vient de toucher le ring, Ryan se retrouve penché, les jambes fléchies et je m'apprête à finir le combat d'un crochet plongeant ! C'est alors que je perçois dans son œil un éclair de lucidité ! C'est pas vrai ! Ça ne lui a rien fait...! Je stoppe mon geste à temps pour esquiver vers l'arrière un uppercut qu'il ne fallait vraiment pas prendre... Je recule de deux pas et me retrouve contre les cordes.
· Reçois mon punch de contre-attaque, merdeux ! C'est fini !
Je...suis...mort !
Tétanisé par l'ascenseur émotionnel des cinq dernières secondes, je reste accroché à la troisième corde comme un ivrogne au zinc de son bar, et pourtant le crochet me passe à quinze centimètres du nez...
· Incroyable ! Le coup de poing de Yocek N'a pas atteint son adversaire !? Serait-ce l'effet des coups de genou de Sapin ?!
DING DING DING
· Contrairement à ce que les élèves de l'école pensaient, Sapin du club de kick-boxing a réussi à tenir un round !! Et pour montrer sa fierté, il renouvelle son geste fétiche : le gant au ciel, le regard au loin ! Il compte tenir le deuxième round !!!
Je me prends, sans sourciller, une canette de soda et un rouleau de papier toilette sur le crâne... des paris ont dû être perdu par ma faute. Personne ne croyait en moi, ou presque !
· Tchan-Poua, vite, de l'eau ! ordonne le coach.
· J'arrive !
· Tu t'es bien défendu Nathan ! Quel effet ça fait d'avoir tenu le premier round ?
· En fait, je dois dire que j'étais mort de trouille...complétement mort de trouille.
La fois où j'ai battu Malatesta pour sauver Naomi, c'était comme dans un rêve... Mais cette fois, je me suis entrainé pendant un mois. J'ai appris à faire le high-kick. Je suis devenu plus résistant...
· Oh ! Tu es avec nous là ?!
· Ouais ouais...
· Tu as réussi à mettre Môssieur "l'Intruder" sur le cul mais pour le deuxième round il faut passer à l'attaque !
· Mais M. Maurice, coupe Tchan-Poua, s'il se rate, il va se faire tuer !
· Il est prêt à mourir, n'est-ce pas, Nathan, que tu es prêt à mourir ?! crie le coach en brandissant une photographie de Naomi. Tu as déchiré la photo de cette fille à laquelle tu tiens plus que tout !
· Hein ? Quoi...? Je...heu...je dois y aller, la cloche va sonner !
Tchan-Poua, en sortant des images de sa poche :
· Mais coach, vous ne saviez pas qu'il l'avait en plusieurs exemplaires de ces photos ?
DING DING
Je me jette sur lui, cette fois je ne lui laisse pas le choix ! Je reprends les bases : le low-kick ! J'assène un coup violent sur le côté de son genou gauche de mon adversaire. Il est figé ! Les pratiquants de boxe anglaise ne savent pas comment éviter ce genre de mouvement. Ils ont le poids du corps sur la pointe des pieds contrairement aux boxeurs thaï. Yocek a l'air impassible. Je recommence après avoir feinté un direct mais il réagit cette fois.
· Ryan Yocek vient de lever la jambe mais le terrible coup de pied de Sapin a encore fait mouche ! crachent les haut-parleurs.
Ça fait plus de deux mois que je travaille ce coup. Je suis devenu sacrément rapide.
· La jambe subit une véritable pluie de low-kicks et tous les coups font mouche sans exception !!
Si tout se déroule comme prévu je vais lui refaire le même coup qu'à Malatesta : et crac dans la tronche ! Et Naomi déclamera : "Oh Nathan, c'est vraiment toi le plus fort !". C'est bon ça !!
· Et avec celui-là, je vais te mettre K.O. pour le round ! dis-je en y mettant tout ce que j'ai.
· Yocek esquisse un sourire mais je le vois trop tard. Il a passé son poids sur le talon et lève la jambe assez haut pour que je la manque, me faisant tourner comme une toupie, le perdant de vue une seconde. Cette seconde lui suffit pour me corriger d'un punch monstrueux, envoyant mon protège-dent dans le public tandis que je m'écrase sur le dos, les yeux exorbités. J'entends les gens autour de mois :
· Nathan !!! de la part de Naomi je crois.
· Yocek vient de lancer un "direct éclair" dévastateur ! Sapin est à terre !! commente Pierre.
· C'est fini...
· Tant pis.
· C'est déjà bien d'avoir tenu jusqu'ici.
· Bon, ça nous fait un K.O. à la première minute du deuxième round.
· Ce que tu lui as mis ! Bien joué Ryan.
· C'était trop facile, murmure mon adversaire.
· Où est l'infirmière ? hurle l'arbitre, où est madame Lecrochet ?!
Avant que l'on me vienne en aide, comme possédé, je me retrouve debout, les bras en l'air, avant même que l'arbitre n'ait pensé à compter. La foule beugle !
M. Maurice m'avait expliqué ça : Si un sportif de boxe anglaise se met à éviter des low-kicks, c'est qu'il a déporté son poids sur ses talons alors il perds en jeu de jambe et, si par malheur il contre-attaque, la puissance du coup de poing sera largement divisé. Ça fait quand même mal mais je suis à nouveau prêt !
Je recommence de plus belle : je veux le faire cogiter, qu'il ne sache plus quoi faire ! Mes low-kicks portent et même si mon adversaire lève la jambe, les chocs dans le mollet affaiblissent ses appuis.
· Réagis Ryan ! s'égosille son encadrement, ne te contente pas d'esquiver, déplace-toi !
Il ne peut pas de déplacer à la Mohammed Ali et lever la jambe pour amortir le coup. Il est coincé.
Subitement, le coach me braille :
· La jambe droite ! Maintenant ! L'attaque du "Low-kick du kimono ouaté mouillé" !!
Telle une connexion télépathique, l'information paraît évidente : je pivote et change brusquement de pied d'appui pour flanquer un low-kick derrière son genou provoquant sa chute.
· Yocek tombe à la renverse !!! rugis Pierre au micro. Grâce à son dorénavant célèbre low-kick, Sapin vient de mettre son adversaire à terre pour la seconde fois !
· On ne tomba pas par terre à force de recevoir des coups dans la jambe ! Il a dû glisser ! interviennent les garçons de l'encadrement, ouais, c'est ça : il a glissé !
· La ferme !! mugis Ryan. Non ! Je n'ai pas glissé !
DING DING DING
· Incroyable ! C'est ici que s'achève le deuxième round de ce combat surprenant ! meuble les haut-parleurs. Contre toute attente, le comportement de Nathan Sapin laisse médusés tous les spectateurs !! Est-ce bien le même élève ? Celui qui passe son temps à dormir en cours ? Celui qui est complètement dépassé en éducation physique ?
J'ignore cette intervention désobligeante et me rends dans mon coin. J'entends que des membres du public changent d'idées sur mon compte. Certains disent même changer leur pari et croire en moi ! Ça fait chaud au cœur ! Alors que j'allais m'asseoir sur le tabouret posé par Tchan-Poua, une jeune fille me tend quelque chose à travers les cordes du ring :
· Euh... cette serviette était...
Je la saisis sans attendre, d'un geste aussi rapide qu'un direct. Certaines fans se délectent de la sueur de leur idole ! C'est bien compréhensible ! Je vais lui faire ce plaisir ! Je m'épongeant le visage avec la serviette-éponge malgré la prise maladroite des gants de boxe.
· Merci chérie ! Tiens, je te la rends, tu peux en faire ton doudou maintenant !
· Euh non, c'était juste pour te dire que la serviette était tombée... Mais je crois qu'un chat a fait ses besoins dedans...
· WHAT ! Jette-moi de l'eau Tchan-Poua ! VITE !!
Ce dernier me vide une bouteille au visage, tout en affichant un sourire, mélange de gêne et moquerie.
Si l'humiliation de la part d'un chat était là le seul problème, tout irait bien. Au collège, j'étais célèbre pour ne pas avoir de petite amie. J'étais toujours affublé de mon fameux surnom "caca". Et une semaine après la rentrée, Naomi m'a dit ces mots :"Je déteste les faibles." Et c'est de là que l'affaire est partie. "Un caillou reste un caillou quel que soit l'endroit où il se trouve." Lors du combat contre Nicolas Malatesta la chance m'a aidé, j'en suis conscient, et tout a changé. Ensuite, le "Tyson" de l'école, Ryan Yocek, a décidé de m'écraser. J'avais pris la résolution de fuir mais ce mot de Naomi "Gagne !" a rallumé la flamme qui brûle en moi et j'ai commencé à suivre l'entrainement de M. Maurice, ancien champion de boxe thaïlandaise. Maintenant je me retrouve d'égal à égal avec Yocek. Je suis parvenu à lui mettre mon genou dans la figure. Sinon je ne serais déjà plus ici. Puis il a tenté de m'avoir de côté et j'ai inconsciemment pivoté. C'est venu tout seul. J'ai placé mon fameux high-kick ! Apparemment mon pied a bien supporter le choc. Courage ! La victoire est au bout !! Un "Nathan !" me fait sortit de mes pensées. Tchan-Poua me conforte :
· Tu as toutes tes chances ! Cette fois, tu l'achèves avec des lows !
· Oui ! Au fait, où est le coach ?
· Parti se chercher un café je crois.
· Super...
Pierre Roux se remet à chauffer les spectateurs :
· Mesdames et messieurs ! Le troisièmes et dernier round va commencer !! Mais attendez : C'est à n'y rien comprendre ! Yocek a retiré ses chaussures de boxe ?! Qu'a-t-il derrière la tête ?!
Pfeuh ! Ce gros lourdeau ne résistera pas aux low-kicks du grand Nathan Sapin, avec ou sans chaussures !
Je m'élance comme au round précédent pour le désorienté :
· Et c'est parti ! Attrape-moi ça !
Au lieu de donner un coup de pied dans les jambes, je reçois un coup de pied dans le buste (QUOI ?!) me faisant retourner là où se trouvait le tabouret quelques secondes auparavant.
· Incroyable ! Yocek vient d'exécuter un middle-kick ! hurle Pierre.
Ryan me toise, le temps que je tâche de me relever :
· Ça va devenir intéressant, tu ne crois pas ? Quand j'étais au collège, avant de rentrer dans la section boxe, je faisais partie d'une bande. J'y ai appris la bagarre de rue, l'art du coup de pied. Avec la pointe de mes chaussures renforcées, j'en ai écrasé des mâchoires !
· Sept ! Huit ! poursuit l'arbitre qui vient d'apparaître soudainement.
Je me tiens maintenant debout, plus sonné par le style que par le coup lui-même.
· Allez ! J'en ai pas encore fini !! avertit la brute en se lançant.
Je reprends une frappe violente dans le ventre. Une autre.
· Alors ? On t'entends plus ?! Tu fais moins le fier ! Des kicks, tout le monde peut en faire !
Tchan-Poua me beugle un conseil :
· Nathan : protège ton visage !
Trop tard : le pied droit d'un pratiquant de boxe anglaise me fouette du menton à l'oreille, balançant mon protège-dents dans les airs. Je m'écroule, désemparé. Je vais redevenir celui qu'on appelle "caca". C'est terminé. Mes yeux tournés vers mon angle voient flou.
· Hey ! Jackson ! me souffle le coach, un café à la main.
Un musique connue de tout le monde sort du vieux radio-cd de Tchan-Poua :
"It's close to midnight / And something evil's lurking in the dark / Under the moonlight / You see a sight that almost stops your heart / You try to scream / But terror takes the sound before you make it/ You start to freeze / As horror looks you right between the eyes / You're paralyzed."
"Il est près de minuit / Et quelque chose de Mal se cache dans l'obscurité / Sous le clair de lune / Tu vois un truc qui arrête presque ton cœur / Tu essaies de crier / Mais la terreur prend le pas avant que tu ne puisses / Tu commences à te figer / Comme l'horreur te regarde juste entre les yeux / Tu es paralysé."
· Let's dance !! dis-je accompagné de mon poing levé.
Je débute alors les pas de danse travaillés lors de l'entrainement "stupide" de M. Maurice.
· Hé mais c'est Mickaël Jackson ! remarquent les spectateurs, c'est "THRILLER" !
Le déhanchement erratique de mon corps dégingandé provoque la surprise chez mon adversaire. Il ne doit plus savoir comment faire ! Je suis un zombie...
· Nathan Sapin est en train de réaliser la célèbre danse de feu Mickaël Jackson !! s'égosille le commentateur.
Yocek s'impatiente et s'avance dans ma direction :
· Arrête de danser ! On est sur un ring, p'tit morveux ! T'es dev'nu ouf !
Je profite de l'instant pour lui rendre un de ses middle-kicks dans les côtes.
· Tout en se trémoussant, Sapin porte des coups ! Il fait même signe à Yocek : il tapote son propre flan, comme pour faire un concours !
"Bloodsport" ! ("Tous les coups sont permis" en français) avec Jean-Claude Van Damme (JCVD pour les intimes !) en Franck Dux qui propose à son adversaire de lui taper dans les côtes puis à lui faire encaisser son impact dévastateur ! Il était sûr de lui ! Moi...moins ! Yocek accepte en souriant en coin, convaincu de sa supériorité. Yocek cogne, je cogne, et on recommence ! Le son n'est pas le même ! Ma frappe n'est pas plus puissante, au contraire, mais bien mieux placée ! J'arrive perpendiculairement à son thorax alors qu'il tape comme dans un ballon, de bas en haut. Je comprends mieux l'entrainement musical ! En zombie de "Thriller", je me tiens les jambes arquées au départ, de façon peu naturelle, voir surnaturelle... ça me permet surement d'avoir la position adéquate, comme les authentiques boxeurs thaï !
· Mickaël ! Mickaël !! Mickaël ! Mickaël !!! Mickaël ! Mickaël !!
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