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La tasse entre ses mains, Arganthaëlle fixait les volutes de vapeur qui s’en échappaient. Quand il avait fallu soigner l’homme, son professionnalisme avait pris le dessus. Désormais, elle ne savait que dire. Ce fut Serge qui rompit le silence.
— Vous êtes vates depuis longtemps ?
— Ma magie s'est déclarée à l'adolescence, s'empressa-t-elle de répondre.
— Pas si longtemps alors, commenta l'homme, un sourire dévoilant ses dents blanches parfaitement alignées.
Elle haussa les épaules. Ça dépendait du point de vue.
— Vous venez d'une famille magique ?
— Oui, mon père est druide, mon frère aussi.
Arganthaëlle tritura l'anse de sa tasse.
— Et vous ?
Serge grimaça. Même ainsi, son visage était beau.
— Pareil. Mon père et mon frère sont druides. Mais eux, sont assez puissants pour rester au sein de l'Ordre.
La rancœur était perceptible dans sa voix. Pourquoi avait-elle demandé ? Elle savait pourtant qu'elle s'attaquait à un sujet glissant.
— Désolée.
— C'est pas votre faute.
Elle reprit l'observation des fumeroles au-dessus de sa tasse.
— Ça, c'est sûr ! Si j'étais Grande Druidesse, j'aurai changé les règles depuis longtemps.
— Grande Druidesse ? s'étonna-t-il. Ça n'existe pas.
— Bah justement. Je l'inventerai.
Serge éclata d'un rire distingué. Comment faisait-il ? Quand elle s'esclaffait, ça ressemblait plus à un âne qui brayait.
Le crachotement d'un moteur de voiture se fit entendre.
— Arganthaëlle, je vous remercie de m'avoir secouru. Sans vous, j'errerais encore à travers champs.
— De rien, bafouilla-t-elle avant de reprendre d'une voix assurée. Il faut continuer d'appliquer de l'essence d'immortelle sur votre cheville, matin et soir.
— Très bien madame ! Puis-je me permettre de vous inviter à dîner pour vous remercier ?
— Tout à fait. Je l'ai amplement mérité, le taquina-t-elle avec plus d’assurance qu’elle n’en ressentait.
En réalité, ses joues rosissaient d'autant d'attention.
— Parfait !
Avant de partir, il saisit sa main et y apposa ses lèvres pour un délicat baiser qui la fit frissonner.
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