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Quand le soleil éclaira la petite clairière, Arganthaëlle se couvrit les yeux éblouie par la vive lumière qui perçait à travers la canopée des arbres. Les souvenirs de sa nuit d'amour firent rosir immédiatement ses joues. La couverture dans son dos était humide à cause de la rosée. Elle se tourna puis se redressa vivement. Où était Serge ? Elle scruta les environs, sans voir sa silhouette. Il avait dû se lever pour une envie pressante, se rassura-t-elle. Arganthaëlle se rallongea, un bras au dessus de son visage et tenta de se rendormir.

Mais où était-il ? Cela faisait trop longtemps ! Il aurait dû revenir. Le sommeil l'avait définitivement quitté. Elle se leva et, toujours pieds nus, déambula autour des bougies consumées depuis longtemps. Aucune trace de l'homme. Pas de vêtements, pas de chaussures. Comme s'il s'était volatilisé. Son regard revint sur les bougies. Quelque chose clochait. Là ! Sous chacune d'elle, un petit bouquet d'aromates dépassait. Etrange ! Qui avait besoin d'autant de catalyseurs pour un simple sortilège de lumière ? Ou alors c'était un sort puissant. Dans son ventre, l'angoisse commença à poindre, le bonheur ressenti la veille totalement oublié. Qu'avait fait Serge ? Les bouquets dissimulés, son absence... Tout puait l'entourloupe.

Arganthaëlle rassembla ses affaires et secoua la couverture. Un bout d'écorce tomba au sol. Elle le ramassa. Des runes étaient gravées dessus. Uruz, l'énergie. Dagaz, le jour, la transformation. Pertho : la pierre, le hasard, la femme ou la magie. Ngwaz : la fertilité, la conquête ou la confiance. Mannaz : l'homme.

Un froid glacé la saisit. Le sortilège avait-il été lancé ? Serge ne lui avait fait que transcrire les sorts sur des feuilles de papier ou du sable. Aussitôt en action, les runes disparaissaient immédiatement. On pouvait les graver, elle savait, pour un effet plus long. Qu'avait fait Serge ? Les bouquets consumés démontraient l'usage de la magie. Il avait transformé son énergie ? Pourquoi Pertho et Mannaz ? L'homme et la femme. Prise d'un soupçon, elle se focalisa sur son noyau magique, au creux de son ventre. Non ! La chaleur de sa magie avait disparu, ne laissant que des cendres.

Les larmes coulèrent sur ses joues dans un flot ininterrompu. Comment avait-il osé ? Seule une faible concentration de magie persistait en elle. Il avait volé sa magie. Pourquoi ? Elle lui faisait confiance, lui avait donné sa virginité.

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Après plusieurs heures de marche, Arganthaëlle arriva en vue de sa maison. La douleur de la trahison avait fait place à la colère. Elle récupérerait sa magie. Serge allait regretter de s'en être pris à elle. Les druides seraient informés de ses agissements.

Devant sa porte, se tenait une foule de curieux. L'arbre de mai. Elle réalisa avec horreur qu'elle avait oublié cette fichue tradition. Le lendemain de la célébration de la Beltane, les hommes devaient déposer une branche d'arbre devant la porte de leur bien-aimée. Chaque variété d'arbre avait sa signification. Jusqu'alors, personne n'avait rien déposé devant sa porte, ce qui faisait déjà jaser les mauvaises langues. Craignant le pire, elle se glissa parmi les curieux. Ils n'avaient que ça à faire. Le tour des maisons pour commérer. Sur son perron, une branche de cerisier la narguait. Fille facile ! Elle serra les poings avec rage tandis que les médisants la regardaient arriver. Relevant le menton, elle refusa de laisser voir qu’elle était touchée d’une quelconque façon. Serge avait bien joué son coup. Avec une branche de cerisier sur son perron, personne ne la croirait désormais.

Accélérant ses pas, elle saisit la cause de sa disgrâce et la balança derrière elle. Des cris retentirent dans son dos. Les ignorant, elle s'engouffra dans sa maison et s'effondra au sol aussitôt la porte refermée.