Ce matin encore, le lit est désespérément vide et froid. Une jeune femme aux brillantes boucles noires se réveille doucement, seule. Elle glisse la main sur l'espace désert à côté d'elle et soupire.

Sa compagne est toujours levée avant. Jasmine le sait. Mais elle ne peut s'empêcher d'espérer la retrouver à l'aurore. Elle rêve de voir cette longue crinière blanche étalée sur l'oreiller. Le visage fin posé sur les draps, enfin apaisé, loin de tourments qui l'animent en journée. Car chacun est paisible dans son sommeil. Et pour certains, c'est le seul moment.

A chaque pas sur le plancher de bois, la cabane tremble. Elle pose délicatement ses pieds bruns sur le sol. Elle n'est jamais trop rassurée. Elle a dit cent fois à Salomé qu'il faudrait qu'elle s'installe ailleurs. Mais celle-ci à toujours refusé.

"D'ici je vois tout ce qu'il se passe dans le Val. Je ne bougerai pas. C'est Paul qui a construit ce lieu. J'ai entière confiance en lui. Tu viens à peine d'arriver. Tu ne comprends pas tout le sens de notre communauté."

Alors malgré sa crainte, Jasmine monte jusqu'ici.

"Bienvenue au Val."

Il l'analyse de haut en bas. Après avoir été l'observé, il devient l'observant. Il aurait cru que pour diriger cet endroit, il y aurait quelqu'un de plus sophistiqué. Quelqu'un qui ressemble plus au monde de l'extérieur. Cette femme est simple. Elle paraît jeune, contrastant avec ses longs cheveux pâles juste tressés. Loin des grandes robes, des jupons et des corsets, elle porte pour seul vêtement une longue tunique cintrée.

"Quel est ton nom ?"

Avec son jeune âge, elle paraît facile à manipuler. Et pourtant elle dégage également une certaine sagesse.

"Louis, répond-il simplement.

- Enchantée Louis. Je ne sais pas comment tu es arrivé jusqu'ici et je ne te le demanderai pas. Ici, on offre une deuxième chance, sans jugement. C'est la règle d'or. Tant que chacun se met au service de communauté, il est le bienvenu. Tu souhaites rester ?" lui demande-t-elle.

Avant qu'il ne puisse lui répondre, elle reprend :

"Ne réponds pas tout de suite. Je te poserai la question de nouveau dans quelques jours. Mais sache qu'à ce moment-là, tu ne pourras pas te dérober. Il me faudra une réponse sûre."

Il acquiesce.

"Je ne l'aime vraiment pas. Tu as vu le regard qu'il avait en entrant ?"

Les yeux bleus de Jasmine fixent le nouveau venu, à travers la fenêtre, tandis qu'il descend la falaise.

"D'après toi Jasmine, il ne faudrait faire confiance à personne. N'intégrer plus personne ici. Il faut lui laisser une chance.

- Je sais, je sais, toujours ton discours sur la deuxième chance..."

Salomé se rapproche de son amante et lui carresse la joue.

"Avoue que parfois, j'ai raison non ?"

Jasmine le sait. Elle a elle aussi profité de cette "deuxième chance". Ici, pas de passé. Que du futur. Mais cela ne l'empêchera pas de le surveiller quelque temps.

La porte du hangar est difficile à ouvrir à chaque fois. Paul soupire. Les gonds sont rouillés, sans parler de la poignée... Un jour, la structure entière s'effondrera. Mais Salomé est incorrigible. Avec ses mains calleuses, usées mais fortes, il force en arrière. Dans son grincement habituel, la porte s'ouvre.