Une nuit depuis ma chambre
de Oriane
J'étire mes rideaux occultants, dans un vol de papillons argentés qui s'entassent au coin de mes châssis. Ils n'occultent rien du tout, car c'est la nuit. Les lampadaires sont loin de ma façade et je me réjouis d'observer les détails qu'ils révèlent. J'ouvre un battant, aussitôt envahie par l'air frais, qui n'est jamais aussi pur qu'à l'heure où les humains dorment. C'est là que d'autres espèces reprennent leurs droits.
Dans le silence, un glapissement retentit, c'est un étrange son glauque, entre le chien enrhumé et le chat furieux prêt au combat. Quand je l'aperçois, mes coudes sur la pierre bleue, je suis comme un enfant devant les premières neiges. Je trépigne intérieurement en suivant du regard la fourrure rousse aux pattes de velours. En ville, les renards sont rois. Il savent les jours des poubelles, les heures de pointe et les derniers sous-bois. Ils savent que j'ai trois poules dodues dans mon cabanon et pestent devant mes mesures de sécurité, lorsqu'ils passent sur le muret qui relie tous les jardins du quartier. Ils savent s'enfuir dès qu'ils perçoivent votre présence. Les voir arpenter sereinement les trottoirs est un privilège.
Au loin, une furtive silhouette fine file sous une voiture. Plus discrète encore est la fouine, sur le macadam imperturbé.
Des éclairs sombres zèbrent les rais des reverbères, accompagnés de pépiements si aigus que seules des oreilles aussi fines que les miennes peuvent les entendre. Dame chauve-souris cherche sa pitance.
Quel plaisir de n'entendre aucun moteur briser les bruits naturels du monde. Le vent, depuis la petite forêt qui débute une rue plus loin, domine tout l'espace et nous offre un moment de ralenti. La pause est délectable. Je suis pure spectatrice, je me fonds dans le décor et, du coin de l'oeil, je compte les dernières fenêtres éclairées. Une ultime bouffée d'air appréciable, puis je referme ma fenêtre.
C'est un peu comme la pause clope d'un fumeur, à l'exception que je soigne mon âme à coup de bourrasques fraiches et humides. La parenthèse est addictive et, de plus en plus de soirs, même contre pluies et rafales, je réitère le rituel, avant de dormir.
Dans ma grande ville agitée, les grains de silence sont comme des pierres précieuses. Et les bijoux que m'offre ma fenêtre la nuit parent ma mémoire.
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Une nuit, depuis ma chambre... | Chapitre | 17 messages | 4 ans |
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