3.4 – Léger désaccord
“ La la la la !
— Non ! Tu me chantes un si bémol. Écoute : la la la la la ! ”
Quelques minutes après s’être débarrassées de Mère Lucile, les trois jeunes femmes partirent pour le repas de la mi-journée. Entre-temps, leurs chaises avaient été gravées à leurs noms, et on les avait placées à côté de Théodora. Merci Opale !
Lorsque le déjeuner se termina, Opale et Layinah firent signe à Isabelle et Manon de les suivre. Théodora participerait à ses activités habituelles.
Les maîtresses des lieux entraînèrent le jeune couple dans un salon.
— Mesdemoiselles, prenez place.
La comtesse leur désigna des fauteuils confortables autour d’une petite table ronde.
— Il est ici question de votre affectation.
Le côté administratif de Layinah se faisait sentir.
— Oui, continua la comtesse, vous avez pu remarquer qu’à Montbrumeux, chacune – et chacun – a un rôle à jouer, une occupation. Personne ici n’a le confort de l’oisiveté. À moins d’être particulièrement âgée.
— Je préfère qu’il en soit ainsi, l’inactivité dont j’étais prisonnière à Sautdebiche m’ennuyait profondément.
— Quant à moi, j’étais servante, alors…
La comtesse reprit :
— Je pense que Théodora vous a montré toutes les activités de la Citadelle. Avez-vous fait votre choix ? Y a-t-il un métier qui vous attire ?
— Chevaleresses, dirent-elles comme une seule femme.
— À la bonne heure ! Je savais ce que vous choisiriez ! Je te l’avais bien dit, Layinah !
Elle se tourna vers sa mie, qui… s’était endormie sur sa chaise.
— Elle s’endort partout, c’est pour cela qu’elle ne peut venir avec moi en mission. LAYINAH, REVEILLE-TOI !
La belle se redressa d’un coup, un peu honteuse. Opale de Montbrumeux s’était mise à rire.
— Je te disais, elles veulent être chevaleresses, j’avais raison, tu vois !
— Euh… oui… je vois. Il faut dire que c’est presque toujours ce qu’elles veulent faire. Au début en tout cas.
— Théodora nous a informées des difficultés, les entraînements du mauvais temps…
— Et donc ça ne vous a pas refroidies. C’est déjà ça. Mais c’est sur le terrain que l’on verra vraiment vos motivations. De toute façon, vous pourrez toujours suivre une autre voie si vous vous apercevez ce n’est pas pour vous. Layinah, te rendors pas !
Isabelle se leva de table et regarda par la fenêtre d’un air rêveur. Elle se tourna vers Mme de Montbrumeux.
— Tu sais, quand on a sauvé la sorcière, on a bivouaqué. Avec Manon nous avions eu peur des conditions dans lesquelles nous allions dormir, mais le moment a été si magique, je veux vivre dans cette ambiance.
— Et moi, pareil. Sauf ton respect Isa, je veux rajouter qu’ainsi, je ne serai plus une bonniche, même de luxe.
— Et je le souhaite tellement pour toi, ma chérie. Je t’avais dit : que je te veux mon égale. Grâce à toi, Opale, nous réalisons nos rêves.
La comtesse opina du chef, un sourire franc aux lèvres.
— Vos motivations sont toutes à votre honneur. Encore une chose, ce qui est important, ce n’est pas seulement les exercices physiques ou votre culture. Ce qui est fondamental, c’est l’esprit de groupe. Je suis contente pour ça que vous soyez arrivées, Théodora est très isolée. Je suis heureuse que vous ayez sympathisé. J’ai l’impression que Fabiola et sa bande lui mènent la vie dure. Celles-ci n’ont pas un comportement adéquat. J’espère qu’elles sauront évoluer… Je garde espoir.
— Je ne sais pas ce que tu as contre Fabiola C’est une princesse tout de même ! Une fille aussi bien née ne peut pas être mauvaise.
Opale lança un regard noir à sa compagne.
— Ne regarde pas les gens par leur naissance, mais par leurs actes. Tu verras, je suis presque certaine que ce que je te dis aujourd’hui sera vérifié.
Layinah, la mine boudeuse, se leva pour sortir.
— On verra bien, j’ai du travail, je vous laisse, de toute façon, la chevalerie, c’est ton truc pas le mien.
La compagne de la comtesse regarda les deux jeunes recrues.
— Je m’occupe de vous faire réaliser une garde-robe, il faudra que vous alliez voir le tailleur pour vos mesures.
— Merci Layinah de penser à nous. Théodora nous y a conduit ce matin.
— Eh bien bravo ! Vous m’avez devancée. Je fais parvenir les ordres dès que possible, vous aurez rapidement quelques tenues indispensables. Mesdames.
Elle sortit de la pièce d’un air affairé.
— Désolée, mesdemoiselles, pour ce contretemps, ça lui arrive de bouder comme ça, quand elle sait qu’elle a tort. Ne vous en faites pas, ça va s’arranger.
Opale d e Montbrumeux baissa le ton.
— En tout cas, cultivez votre amitié avec Théodora, ce sera bon pour le groupe. Isabelle, Manon, je vous ai vues à l’œuvre, vous m’avez tiré d’un mauvais pas, vous vous êtes illustrées avec Gersande l’on peut compter sur vous… Vous êtes courageuses et intelligentes.
Isabelle réagit spontanément :
— Merci !
Manon se fendit d’un léger sourire :
— Je suis honorée.
— Ne me remerciez pas, votre humilité est toute à votre honneur. La vérité est que j’ai besoin de vous. Cette promotion a un problème de cohésion, et une certaine princesse est au centre de ces soucis. Je ne souhaite pas m’impliquer directement dans les affaires entre écuyères. J’aimerais que vous m’aidiez à démêler cette affaire. Prenez votre temps.
« Suivez-moi, direction l’aire d’entraînement !
Elle les guida hors de la salle.
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