3.9 – Sortie des fers

5 minutes de lecture

Une clef tourna dans la serrure de la cellule de Fabiola, laissant apparaître la comtesse.

— Voilà, tu es libre. J’espère que tu as profité de ta période de réclusion pour réfléchir et que tu vas arrêter les bêtises maintenant. Ça ne peut pas durer éternellement comme ça ! J’espère que tu t’en rends compte.

Assise sur un banc, l’intéressée se leva et se contenta de jeter un regard noir à sa libératrice avant de prendre le chemin de la sortie.

— Fabiola, j’essaie de te parler sérieusement. Si tu veux devenir chevaleresse, il va falloir que tu fasses des efforts. Et c’est dans la cohésion, pas dans la domination que tu pourras y parvenir.

La princesse continua son chemin comme si de rien n’était. Opale soupira, qu’allait-elle en faire ? Elle ne pouvait pas la laisser enfermée toute sa vie.

— Va t’habiller pour une sortie, aujourd’hui, c’est samedi.

Extraire Fabiola des griffes familiales avait été une aventure éprouvante. Son prince de père maltraitait tout son entourage : son personnel, ses vassaux et sa famille.

Il avait habitué la jeune fille à exiger tout ce qui relevait de son rang, les gens devaient plier devant elle sous peine de s’en mordre les doigts. Ainsi, dans sa jeunesse elle n’avait connu que la violence et la soumission des autres.

Fabiola avait demandé elle-même cette libération, le joug que lui mettait son père, ses constantes humiliations et parfois ses violences s’avéraient d’une grande cruauté. Opale en l’aidant à sortir de ce carcan avait espéré la rendre meilleure, mais elle s’était trompée. Arrivée à Montbrumeux, elle reproduisait inlassablement le même schéma de pensée. Depuis bientôt une année, les efforts déployés par la comtesse et ses chevaleresses avaient été vains.


§


Le week-end permettait aux jeunes recrues de pratiquer d’autres activités physiques dans un périmètre d’une bonne demi-journée de chevauchée autour de Montbrumeux : escalade, navigation sur un cours d’eau, natation, marche… Connaître la nature et savoir y évoluer quelles que soient les circonstances était le maître mot de ces séances. Le dimanche matin, elles trouvaient toujours une église pour assister à la messe.

C’est ainsi qu’une colonne de chevaux sortit ce jour-là de la forteresse. Devant, marchait la comtesse, suivie par ses lieutenantes, puis la trentaine d’écuyères et à l’arrière trois chevaleresses fermaient le cortège.

À l’heure de midi, elles atteignirent des collines où elles s’arrêtèrent et avalèrent leur casse-croûte. Quand toutes furent repues, la comtesse prit la parole.

— Nous sommes arrivées sur les lieux de l’épreuve du jour. Vous partirez à cheval jusqu’au lac, où des bateaux vous attendent. Il y en a un par équipe. Arrivées de l’autre côté, il vous faudra chercher des cartes que nous avons cachées. Tout ceci vous mènera près d’une falaise à escalader. Nous vous attendrons en haut ! Ce soir, nous bivouaquerons sur place.

— Maintenant, répartissez-vous en groupes de trois ou quatre en neuf groupes au maximum, ajouta Ellanore qui avait organisé l’exercice avec Adélaïde.

— Les ch’vaux, attachez-les près du lac, on les récupère pour vous. C’est dans la forêt, y aura d’quoi faire.

— Je pense que vous n’avez pas besoin de beaucoup plus d’instructions. Le chemin c’est celui-ci, et après, c’est tout droit jusqu’au lac. C’est une course, mais pas la peine de vous écharper, il n’y a pas de récompense particulière aux premières. Arrivez entières, c’est tout ce que l’on souhaite, conclut la comtesse.

Le trio Manon, Isabelle, Théodora se forma naturellement, ainsi que le quatuor de Fabiola, Arsinoé, Bérangère et Cæsarée. Les autres se répartirent elles aussi assez rapidement, après quelques menus pinaillages, habituels dans ces circonstances.

Fabiola et sa bande s’étaient débrouillées pour placer leurs chevaux prêts à partir dès que le signal du départ serait donné. La princesse gagnerait à coup sûr ! Entourée de ses trois comparses, elle montrerait une fois encore sa supériorité, quoiqu’en dise la comtesse. Qui d’ailleurs, n’était que comtesse…

Elle lança son cheval en avant. Ses trois camarades juste derrière. Son choix ne s’était pas arrêté sur n’importe qui. Elle avait sélectionné ses trois subordonnées en raison de leurs compétences.

Elle jeta un coup d’œil en arrière. La première à les suivre était Isabelle. Cette prétentieuse n’allait pas l’emporter. D’ailleurs, elle ralentissait déjà pour attendre cette empotée de Manon, incapable de se lancer au grand galop et Théodora, qui n’avait jamais monté un cheval avant d’arriver à Montbrumeux.

Arrivées au lac, les premières arrivées virent tout de suite les bateaux.

— Pas besoin que je vous fasse un dessin : coupez les cordes des bateaux et envoyez-les à la dérive. On prend celui-ci. Dépêchez-vous.

Alors que les premières écuyères sortaient du bois, le quatuor s’élançait sur le lac et souquait ferme.

— Allez les filles, les meilleures, c’est nous, on va gagner !

Celles restées sur la berge fulminaient, voyant leurs embarcations s’éloigner du bord. Isabelle, fonça pour récupérer une barque. Heureusement l’eau n’était pas profonde et il n’était pas besoin de savoir nager. D’autres l’imitèrent.

— Non mais ! Elles nous font quoi ces quatre-là ! La comtesse nous avait parlé d’une course amicale !

Une fois dans le bateau, Isabelle se souvint de sa mésaventure à Champagnolle, mais cette fois-ci, elle naviguait sur une eau calme, et forte de son expérience, elle put guider ses amies pour diriger leur frêle esquif.

Arrivée de l’autre côté du lac, l’équipe de Fabiola chercha les cartes dissimulées par les chevaleresses. En plus d'une de la leur, elles en trouvèrent quatre de plus qu’elles gardèrent sur elles, pour donner du fil à retordre aux autres.

Leurs condisciples arrivèrent relativement groupées. Et se mirent à la recherche de leurs cartes, et certaines n’en trouvèrent bien évidemment pas.

Manon qui en avait trouvé une proposa son aide à un autre groupe.

— On prend le chemin ensemble, si vous voulez ! lança-t-elle à l’équipe formée par Pélagie, Viviane et Mildred.

— On aimerait bien, mais c’est sûr que si elle nous voit en votre compagnie, Fabiola va nous le faire payer d’une manière ou d’une autre.

— Suivez-nous à distance, proposa Théodora. On fera attention de ne pas vous distancer.

— Oh c’est vraiment trop gentil ! Merci ! s’écria Viviane.

Quelques heures plus tard, Fabiola parvenait au pied de la falaise. Une corde pendait depuis le sommet, et une chevaleresse était en bas pour harnacher correctement chacune. En haut, une autre les réceptionnait pour une escalade en toute sécurité.

Petit à petit, les autres équipes arrivèrent. Opale de Montbrumeux fit un discours pour féliciter chacune de leur courage et leur ténacité sur le parcours. Mais à la grande déception de Fabiola, elle n’encensa pas spécialement les premières arrivées.

Plus tard, tout le monde fut pris par le montage du bivouac et la préparation du repas.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Haldur d'Hystrial ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0