Parcoursup et sparadrap [par PM34]
— Alors, Maurice, demanda Kaka un matin. Ça donne quoi parcoursup ?
— J’suis en attente là, là, ici, là, ici, là aussi, là, ici et là.
— Ah, bah euh… Ouais. Ça va aller, tu sera bien pris quelque part !
— J’propose qu’on aille tuer tous ceux qui sont devant toi sur la liste ! s’exclama Georgette.
— Ouais ! acquiesça Maurice. Attends, est-ce que tu veux vraiment… m’aider ?
— Te fais pas d’illusion, c’est l’odeur du sang qui me manque, rien d’autre ! Et puis la texture, la couleur, le goût… Ça me manque tellemeeeeent !
— Et puis, la vodka pure c’est si fade quand on a goûté à ma version secrète !
— Ok, José… Merci pour cette intervention brillante.
— De rien, c’est toujours un plaisir ! se réjouit-elle.
— Bon, les gens ! gueula la cheffe. C’est vrai que ça fait un bail qu’on n’a pas massacré des trucs, vous êtes prêts à y aller ?
— Ouais ! cria Georgette, couvrant les voix de ses amis.
— Bon, alors c’est parti. Maurice, prépare une liste ! On ne va pas être trop gourmand pour cette fois et se contenter d’une centaine de personnes.
— Ou deux ? Allez cheffe, dit oui ! supplia la rousse.
— Mouais… Bon, toujours est-il que tu devras prioriser selon ce que tu veux faire.
— Mais j’en sais foutrement rien, de ce que je veux faire ! se plaignit le vaillant héros.
— Alors prends tes putains de dés et laisse les choisir !
— Ok, ok...
— Bon, Georgette tu te prépares ! Tu prendras la moitié de la liste pour te défouler. José, tu prendras l’autre moitié pour refaire tes réserves de vodka sanglante. Kaka, Maurice, vous restez au QG avec moi.
— Oh, laisse-les s’amuser aussi, cheffe ! s’exclama José.
— T’en fais pas pour ça ! répondit la naine en sortant une boîte de scrabble.
— Ah… Bah on va y aller, hein… Tu viens, Georgette ?
— Ouais !
— Vous n’avez pas la liste, fit remarquer la cheffe.
— On n’a pas la liste… Maurice, dépêche !
— Ouais, j’y vais… grogna-t-il.
Le lendemain matin, les deux exécuteuses se préparèrent à partir en mission. Elles gloussaient en s’imaginant le massacre à venir lorsque Maurice vint leur donner les listes de victimes.
— Et puis tu sais, Georgette on est pas à un près, plaisanta José. Si l'une de tes victimes te tape dans l'œil, tu peux toujours l'épargner !
— José, la corrigea-t-il, tu sais aussi bien que moi que la dernière fois qu'elle a éprouvé de l'amour, Alba était blonde.
— Bah… ça fait environ deux heures, ça.
— Ah… ouais euh, bah la dernière fois Paulette était à l'hôpital !
— Ça date d'environ vingt minutes…
— Euh… la dernière fois t'étais sobre !
— Oh. Alors ça remonte à… à… Ah merde, jamais…
— Bon, bah voilà !
— Crétins ! rugit la rousse. La dernière fois, c'était il y a trois jours !
— Hein ? grogna élégamment Maurice.
— Bah ouais, quand la cheffe m'a dit que je m'étais améliorée en cuisine !
— Elle a tout vom… commença José avant que Maurice ne lui donne un discret coup de coude dans le ventre.
— Hein ?
— Dégusté ! rectifia le charmant jeune homme. Elle a dit que ta cannelle aux pâtes devenait toujours meilleure !
— Euh oui, oui… intervint la boss encore nauséeuse. Mais ne nous déconcentrons pas. Georgette, tu as la liste ?
— Cheffe, oui cheffe !
— Alors au boulot ! José, viens là, ta mère veut te donner un truc avant ton départ !
— Cheffe, ouais ! Ne m’attends pas, bon massacre Georgette !
— Merci meuf ! C’est partiiiii ! cria-t-elle en quittant le QG.
Alba la vit faire des moulinets de katana enthousiastes et trancher deux passants, puis elle ferma la porte blindée du QG.
— M’man ? demanda José.
— Pose ta masse d’arme, tu ne vas nulle part ! ordonna Paulette.
— Mais maman ! se plaignit-elle. Pourquoi Georgette elle a le droit, elle !
— C’est pas ma fille, j’me fiche d’elle ! Et puis on a plus important à faire maintenant qu’elle est partie.
— Hein ?
— Deux. Allez, va débarrasser la table et fais la vaisselle !
— Mais y en a pour trois jours, au moins !
— Tu as trois heures, répondit Alba en lui lançant une éponge qui rebondit sur sa joue flasque et tomba par terre.
— Mais mamaaaan !
— Au boulot, répondit celle-ci. Sinon t’es privée de dessert !
— Ok, pardon…
— J’préfère.
— Maurice, continua Alba, tu vas chercher l’aspirateur et tu nettoies le salon.
— Et si tu oses faire ta blague misogyne, je te jure que tu vas cesser d’être un homme, le menaça Paulette en soulevant difficilement la masse de sa fille.
Maurice déglutit et se précipita vers l’aspirateur.
— Cheffe, où est-ce que tu avais caché les réserves de cannelle de Georgette la dernière fois ?
— PAS DE PÂTES !
— Nan, promis. Je me respecte, moi. C’est pour un gâteau.
— Bon. Je les ai mises au même endroit que d’habitude : sous le lit de Maurice.
— Hein ?
— Il est trop content de la faire chier, alors il coopère toujours. Et puis, chuchota-t-elle, quand c’est à lui que je confisque un truc je le cache sous le lit de Georgette pour la même raison.
— Et ils vont jamais voir dans la chambre de l’autre ?
— Je l’ai formellement interdit, la dernière fois Maurice a cloué Georgette sur une dizaine de planches différentes, chacune séparée d’un petit kilomètre, parce qu’elle avait été brûler ses origamis...
— T’es trop forte !
— Je sais, ça fait un bout de temps que je côtoie ces abrutis, à force on apprend à les connaître.
— C’est pas faux. Tu m’aides à ramener la cannelle ? Il doit y en avoir plusieurs kilos…
— Environ deux cents… Maurice a creusé un gouffre sous son lit juste pour l’occasion.
— Ah… Et bien on va se contenter de cinq-cent grammes.
Elles arrivèrent devant la chambre de Maurice. Alba déverrouilla le petit meuble devant celle-ci et en sortit deux masques à gaz qu’elles enfilèrent avant d’entrer. Bien qu’atténuée par le masque, la puanteur de l’endroit donna un haut le cœur aux intruses.
— Attention, cheffe ! s’exclama Paulette.
Celle-ci recula d’un pas et vit le piège à mâchoire sur lequel elle allait marcher.
— Merci.
— Pas de quoi. Comment on peut avoir autant de bordel en si peu de place ?
— Il est très doué, d’une certaine façon…
— Je vois même pas son lit.
— Là bas, le tas de bordel avec des draps dessous.
— Et comment on y accède ?
— Fais moi la courte-échelle, il y a une corde au milieu de la pièce. C’est juste assez haut pour qu’il soit le seul à pouvoir l’attraper en sautant.
Paulette s’agenouilla et suréleva la cheffe. Celle-ci sauta et prit la corde, sur laquelle elle se hissa. Elle se balança puis se laissa tomber sur le lit encombré. Elle glissa sur les déchets non-identifiés et se receptionna au pied du lit. Elle se pencha et regarda en dessous. La gigantesque fosse était vide.
— Merde ! Paulette, appelle Maurice !
— Ok ! Mauriiiiiiiice ! Ramèèèène ton cuuul !
— Plaît-il ?
— Comment t’es arrivé si vite ? Tu devais faire le… J’ai pas entendu l’aspirateur ! Espèce de…
— Maurice, qu’est-ce que t’as foutu de la cannelle ?
— J’ai tout cramé, cheffe !
— Mais quel connard ! Tu avais interdiction d’y toucher !
— La dernière fois j’y avais mis du laxatif et t’as rien dit pourtant.
— Tu as… Paulette…
— À tes ordres !
Elle monta sur un tas de livres poussiéreux et claqua la nuque de son ami.
— Bien, fit Alba avec satisfaction. Comment je sors de là moi, maintenant ?
— Facile, tu montes sur la chaise en bois, de là tu agrippes à l’armoire… Non, plutôt à la valise rouge en fait… Mais vérifie qu’elle est stable d’abord, sinon tu dois avoir environ une chance sur cinq de tomber. Après tu tournes à gauche vers la perche à selfie, tu continues de grimper jusqu’à la queue de billard cassée et ensuite…
— Stop ! Appelez José, elle va me déblayer un passage…
— Oh bah non ! se plaignit Maurice. Après elle va tout déranger…
— Parce que ça te semble rangé ?
— Bah… C’est vrai que j’ai peut-être une paire de chaussettes qui traîne, mais à part ça…
— Joséééé !
Après le sauvetage, la fine équipe se rendit à l’évidence : ce chapitre commençait à ramer du cul. Il fallait agir. En cheffe expérimentée qu’elle était, Alba prit une décision. Les GARC allaient faire… une ellipse.
— Chuis rentrée ! gueula Georgette.
— Salut, Rentrée, je suis Maurice ! répondit Maurice.
— Salut Maurice, je vais te frapper ! répondit Rentrée.
— Salut Georgette, cette blague a déjà bien trop duré, intervint Alba.
— Cheffe, j’ai tout bien fait comme t’as dit ! J’ai exterminé tout le monde sur la liste !
Elle raconta son expédition glorieuse avec moult détails tandis que José essorait des pans de ses vêtements pour en récupérer le sang.
— Tu m’avais dit pas plus d’une deux-centaine, poursuivit-elle. J’suis contente que t’ai changé d’avis !
— Hein ? Mais, Maurice ?
— Nan y avait que cent trois noms, promis !
— Bah non ! protesta la rousse.
Elle sortit de sa poche un annuaire et montra les dizaines de noms.
— Tu as tué tout ça ?
— Bah oui, et j’ai pas touché aux gens entourés comme promis !
— Mais… pleurnicha Alba. Qu’est-ce que j’ai fait pour être entourée de débiles pareils ?
— À la base, expliqua Maurice, tu te faisais chier dessus par une vache diabolique nommée Noisette. Ensuite tu nous as rejoints. Il y a eu quelques bagarres, beaucoup d’incohérences scénaristiques, tu as finalement chié sur la vache susnommée et tout s’est bien fini ! Dans le tome suivant, on s’est battu contre des maladies, on les a défoncés, puis dans le tome suivant on s’est aussi battu contre des maladies, mais surtout entre nous en fait. Et là, bah on a bientôt fini, enfin je crois. Après dans le prochain tome, bah je sais pas.
— C’est… plutôt bien résumé.
— Et il n’a pas fait de blague avec “suce Nommé” ; on en fera peut-être quelque chose de ce gosse, finalement.
— Vous saviez que “gosse” au Québec…
— La ferme, Maurice.
— Bon, Georgette ! Va te laver.
— Moi je trouve que ça lui va bien, d’être couverte de sang. Elle est à croquer ! fit José en se léchant les babines.
— Ok, je vais me laver, acquiesça la rousse.
Après avoir profité de sa douche hebdomadaire, la rousse revint et fut aussitôt accueillie par un gâteau au chocolat dans la figure. D’un calme olympien, Georgette resta stoïque et… nan j’déconne.
— Connaaaaaa…
Maurice lui envoya une assiette en plein front.
— Oups, fit-il.
Tandis que Georgette commença à lui mettre des tartes, la quiche mit la main à la pâte ; elle prit sa bouteille de vodka, la vida cul-sec et assoma Maurice.
— Mais… geignit Alba.
La pugiliste et la demie tapaient toujours le vaillant héros, couché par terre, qui poussait des cris trop aigus pour que quiconque les entende. Un grognement retentit soudain, comparable à celui d’un dragon, ou d’un ours, ou d’un dragours. Kaka, un rouleau à pâtisserie fariné dans la main, contemplait le cadavre de gâteau sur la tête de Georgette.
— Les enfaaaaaants ! gueula-t-elle. On ne joue pas avec la nourriture !
— Mais non, je joue avec Maurice, protesta Georgette. J’vais pas le manger !
— Moi non plus, renchérit José. Je ne mange pas n’importe quoi, quand même !
La naine regarda l’une, puis l’autre. Elle respira calmement et porta sa main vers la sacoche d’aiguille de trikô qui ne quittait jamais sa ceinture.
— Alba, occupe toi de Maurice. Moi je vais calmer ces idiotes.
Vive comme le premier éclair tonitruant d’un orage estival, Paulette balança ses aiguilles qui immobilisèrent les combattantes. Pendant ce temps, la cheffe recollait au sparadrap la tête cassée de Maurice.
— Aïe, déjà qu’il était moche avant… grogna-t-elle.
— Je serais curieuse de voir comment ça peut être pire, fit José.
— Onahihéhanhanhéhinhouhoiha, gémit le blessé.
— Merde, quelqu’un à vu sa mâchoire inférieure ? demande la cheffe.
— Je crois que j’ai trouvé un morceau ! Putain, c’est quand la dernière fois qu’il s’est lavé la dent ?
— Comment ça, “la dent” ?
— Bah y en a pas d’autre…
— Ah merde… Bah cherchez-les !
— Tu marches dessus !
— Toi aussi pauv’ cloche !
— Euhouhéhéheuh !
— Mais on te répare, calme-toi !
— Cheffe, j’ai trouvé l’autre moitié de mâchoire ! Elle est plantée dans le mur, aidez-moi !
Elles s’y mirent à trois, utilisant leurs petits bras musclés pour finalement réussir à arracher du mur le bout d’os. La cheffe et les naines se tournèrent vers Maurice.
— Joséééé !
…était en train de vider le crâne du héros. Avec un katana de Georgette, elle le coupa en deux au niveau du front et remplit le tout de vodka. Elle y vida trois bouteilles et, devant la mine consternée de ses amies et l’humidité de ses chaussettes, constata finalement que toute la vodka fuyait par différents trous à la base du crâne.
— Mais quelle conne… gémit Alba.
— Ça c’est métaaaal ! s’extasia Kaka.
— Je t’avais dit d’utiliser l’autre moitié ! gueula Georgette.
— Gné ?
La rousse ramassa la moitié supérieure du crâne du héros et y versa le fond de bouteille de José.
— Aaaah !
— De rien, dit-elle en lui tendant la coupe.
— Mais c’est pas pour moi !
— Gné ?
— Bon anniversaire ! firent les trois héroïnes en chœur.
— Merciiiiiiiii ! firent les trois personnalités de Georgette en chœur.
— Bois.
— Euh…
— Bois, insista José.
— D'accord !
La rousse but dans le crâne de son ami. Soudain, une odeur de brûlé se fit sentir.
— Georgette, contrôle toi ! se plaignit Alba.
— C’est pas elle, cheffe ! répondit José.
— Merde, mes pizzas ! hurla Kaka.
Elle courut à la cuisine et revint avec les disques carbonisés qui avaient été des pizzas.
— Cuisson allemande…
— Avec vos conneries, j’ai oublié… s’excusa-t-elle.
— Je te pardonne, fit Georgette dans sa grande mansuétude.
— Y a plus qu’à bouffer Maurice ! proposa José.
— Non ! proposèrent les autres.
— Tant pis…
— Bon bah désolé Georgette. Ce chapitre est bien parti en couille, en plus il est hyper long…
Toutes se tournèrent vers Maurice qui, fort heureusement, n’était plus en état de blaguer.
— Mais c’est pas grave ! J’ai exterminé 70% de la population française, tabassé Maurice et bu dans son crâne. C’est le meilleur anniversaire de toute ma viiiiie ! J’vous aime les meufs !
— Elle est bourrée ?
— Elle est carrément bourrée.
— Weeeeesh ça bouge sous mes pieds !
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