L'enquête impromptue
C'était une antichambre plutôt somptueusement décorée. Les fenêtres immenses y accomplissaient fabuleusement bien leur office en éclairant la longue salle assez intensément pour que l'on puisse aussi bien lire un petit livre qu'admirer la décoration. De telles fenêtres étaient, ailleurs, presque introuvables, leur taille étant limitée par des taxes spéciales. Mais point de taxes ici.
Les murs et le plafond étaient décorés de marbrures dorées et d'un papier peint ambré où se dessinaient des motifs alambiqués qui reposaient l'œil. On pouvait se laisser aller des heures à suivre du regard ces courbes stylisées sans se lasser un seul instant.
Plusieurs grands fauteuils d'étoffe pourpres laissaient la place aux invités de s'asseoir pour patienter, avec à intervalles réguliers de petites tables basses sur lesquelles étaient disposés des livres à lire en attendant.
Gottfried saisit d'une main un livre au hasard qu'il ausculta soigneusement. Manifestement, la comtesse avait une préférence pour les philosophies humanistes. Plusieurs ouvrages de philosophes contemporains s'amoncelaient sur chaque table basse. Gottfried n'avait jamais compris ce qui pouvait pousser ces hommes à écrire des livres entiers sur des théories philosophiques. À quoi cela pouvait bien servir ? Et en quoi, comme l'affirmaient certains, ces philosophes participaient-ils à un «progrès global» ? Le meilleur moyen de le savoir était après tout de les lire.
Gottfried se plongea dans la lecture de son ouvrage. Un philosophe du nom de Karl Oberst y décryptait avec ardeur les motifs récurrents de la civilisation connue en la comparant à ce que serait l'homme dans un monde où nulle société ne serait encore apparue. Au fil de sa lecture, Gottfried comprenait petit à petit au travers des innombrables métaphores philosophiques et explications tortueuses que l'auteur cherchait à lui faire comprendre que l'existence d'une société hiérarchisée avec des dirigeants n'était désirable que si le peuple pouvait choisir ou non de conserver son gouvernement car celui ci pouvait devenir décadent et se servir de son rôle de protecteur pour s'accaparer du pouvoir aux dépens des autres.
Lorsque la porte de l'antichambre s'ouvrit et que Gottfried s'arracha à sa lecture, il avait la tête surchargée de pensées turbulentes qui s'entrechoquaient bruyamment. Il se releva précipitamment, chassa les poussières de son queue de pie, et salua gracieusement la comtesse comme elle entrait.
Elle ne portait pas la perruque et ses cheveux noirs étaient coupés relativement courts. Elle était revêtue d'une robe pourpre avec un corsage noir et un jabot de dentelle autour du cou comme s'en vêtirait un homme.
Pendant que le Reichsvikar faisait une courbette, elle se contenta d'un regard interrogateur pour lui demander ce qu'il était venu lui demander.
- "Madame, merci de me recevoir malgré le travail dont vous devez être débordée je n'en doute pas…
- Venez en au fait herr. Je n'ai que quelques minutes à vous accorder."
L'homme balbutia des excuses maladroites et reprit.
- "Vous n'êtes pas sans savoir que des événements inquiétants ont secoué les quartiers bas de la ville la nuit dernière.
- Certes. Et votre enquête n'a pas prouvé qu'il existe un lien avec nos ennemis quels qu'ils soient ?
- Non. Pas de façon certaine du moins. Mais je dois d'abord vous exposer les faits…
- Allez y si ça vous amuse.
- Hé… hé bien voilà. Hier, entre quatre et cinq heure du matin, avant que le soleil ne soit levé, un incendie d'origine inconnue s'est déclaré dans le quartier sud ouest, non loin des docks. Le bâtiment ayant brûlé était officiellement la demeure d'un dénommé Herbart Blücker mais en réalité nous ne savons même pas si cet homme existe et la structure s'est avérée avoir servi pendant longtemps de bordel clandestin, et celui ci était bondé de vils pécheurs et pécheresses au moment des faits.
- Je vois. Continuez.
- Il s'est avéré que l'incendie s'était propagé depuis le sous sol, sous sol n'étant pas censé exister, creusé sans autorisation et dans l'irrespect le plus total des normes de sécurité et abritant apparemment ce qui semblait être un bar, clandestin lui aussi. Le bâtiment s'est effondré lors de l'incendie et nous avons retrouvé dans les décombres pêle-mêle des corps brûlés, écrasés, ou, ce qui est plus étonnant, des corps meurtris par des lames, exsangues et massacrés avec brutalité; ainsi que des armes en piteux état dont le métal a malgré tout survécu aux flammes.
- Ce n'est guère très surprenant alors. Dans ce genre d'endroits tout peut arriver. Des crapules ont dû se livrer à une sanglante bagarre. Dans le feu de l'action quelqu'un aura renversé un brasero et nous voilà débarrassés de bon nombre de crapules. Affaire classée.
- C'est ce que j'ai moi aussi crû." Fit Gottfried d'un air préoccupé. "Mais cette théorie parait trop simple surtout après que l'on ait découvert ceci."
Il plongea la main dans l'intérieur de sa veste et en sortit un tricorne noir d'apparence ordinaire. Pourtant en le voyant la comtesse eut un haut le cœur. Elle se ressaisit rapidement en disant:
- "Qu'est ce que ce chapeau peut bien avoir de si préoccupant ?
- Cela peut sembler surprenant vu comme ça, mais ce couvre chef n'est pas ordinaire. Il est enchanté.
- Vous vous moquez !
- Jamais je n'oserai madame. Voyez vous, j'ai d'abord été étonné que l'on ait trouvé ce chapeau en aussi parfait état au milieu des décombres et des flammes. Il n'était même pas couvert de suie ou de cendres. J'ai tout de suite eu un sentiment étrange à son égard qui s'est avéré confirmé lorsqu'un de mes hommes l'a jeté négligemment sur une poutre encore rouge de braise et que l'objet n'a pas semblé s'abîmer outre mesure. J'ai alors ordonné à un soldat de le fendre avec son sabre, ce qu'il a fait en riant, ne se doutant de rien. C'est difficile à croire, mais la lame de son sabre s'est brisée net en frappant le chapeau de feutre, comme s'il eut frappé une enclume. Le sabre a éclaté en deux et le chapeau n'en a pas gardé trace. Extraordinaire non ?
- Impressionnant mais pas extraordinaire. Ce genre d'objets existe…
- Mais ce genre d'objets ne tombe pas entre les mains de n'importe qui. Ou bien un pirate a volé ceci à une personne importante, ou bien un individu très particulier s'est trouvé là à ce moment là. M'est avis que la coïncidence est préoccupante.
- En effet.
- S'il s'agit de l'un nos ennemis, qu'il soit avec les morts-vivants ou appartienne aux sympathisants de Vlad, il est forcément venu ici avec un projet précis en tête. Que pouvait donc bien faire un intrigant ennemi dans une maison close de Gheistheim, je vous le demande ?
- L'affaire est des plus nébuleuse." Fit la comtesse avec une certaine tension dans la voix. "D'autant que je ne vois aucun moyen d'en savoir plus.
- J'aurai espéré, en vous montrant l'objet, que vous puissiez m'apprendre quelque chose à son sujet vous qui êtes cultivée en la matière. Mais je crains de vous avoir dérangé en vain. Pardonnez moi pour cette inconvenance je vous prie.
- Ce n'est rien. Mais que comptez vous faire à présent ?
- Je ne vois qu'une alternative. Je dois prendre contact avec la loge des magisters de Lichtschloss. La Hexenschule de la capitale est hélas bien trop loin et les magisters sont les mages les plus proches de nous dans la région.
- Je vois. Peut-être pourrai-je trouver des informations en consultant ma bibliothèque cependant…
- Inutile de vous donner cette peine madame. Les magisters sont des mages, et ils identifieront directement le pouvoir de cet objet ainsi que sa provenance.
- C'est que cela vous forcera à faire voyager ce chapeau à travers la campagne hostile. Êtes vous sûr de vouloir prendre ce risque pour votre enquête ?
- Madame, c'est partie de mon rôle de Reichsvikar dans cette région que de m'assurer que les intrigues des ennemis de l'empereur ne puissent pas fleurir dans nos villes. Le reste, ma vie comme celle des autres, n'a que peu d'importance."
Il salua bien bas et conclut par un "au revoir madame." avant de prendre congé.
Gottfried sortit avec le tricorne sous le bras. Montant dans sa diligence, il continuait de se questionner sur ce que ce philosophe, Karl Oberst, avait voulu signifier en disant que tous les humains étaient autant aptes à gouverner. Cela paraissait absurde. Il suffisait de regarder la différence qu'il y avait entre un paysan et un noble pour savoir lequel était appelé à diriger l'autre. Où alors était-ce une manière subtile de glisser que la légitimité des femmes à gouverner était totale ? Cela serait bien du goût de la comtesse et surtout dans son intérêt pour justifier sa place. D'aucun prétendaient qu'une jeune veuve sans enfants devait se marier ou encore que la région avait besoin de la poigne de fer d'un homme pour se tirer de la situation de crise dans laquelle elle était. Gottfried ne pensait pas de cette manière. La comtesse avait efficacement réformé l'armée et mené ses hommes victorieusement contre les sécessionnistes et les morts vivants. Il paraissait évident qu'elle était la poigne de fer dont on avait besoin. Peut-être même son zèle était il excessif; suspect…
Le Reichsvikar parvint devant le bureau des affaires judiciaires de la ville. Il lança une pièce au cocher qui partit à toute allure. Puis Gottfried entra en saluant sobrement les gardes qui s'écartèrent sur son chemin. Il s'installa à son bureau et s'empara d'une plume et d'un parchemin pour rédiger une lettre.
Il se souvint avoir entendu parler d'un protocole particulier pour les communications avec des magisters, mais il ne se rappelait plus de quoi il s'agissait. En homme pointilleux et perfectionniste, il passa un long moment à fouiller dans ses archives sans en trouver une mention claire. En désespoir de cause il décida de leur écrire une lettre normalement tout en s'excusant de n'être pas passé par la voie protocolaire, mais c'est en prenant son parchemin qu'il se rappela de quoi il s'agissait. Il y avait un papier à en-tête fourni par les magisters eux mêmes. Il retourna tout son bureau avant d'enfin les trouver, des feuilles de papier fines aux contours décorés d'un motif de croix pattées blanches avec en tête de page un aigle bicéphale blanc comme neige portant un sigle avec la mention «Magisters von Lichtschloss, Schildes gegen die Dunkelheit». C'était ce qu'il cherchait. Sans plus tarder, il s'empara de sa plume, la trempa dans l'encre, et s'empressa de rédiger une lettre concise. Après avoir distinctement exposé la manière dont il l'avait trouvé et les propriétés qu'il lui avait déjà observé, il écrivit ceci au sujet du tricorne:
"Ne connaissant rien de ce type d'objets sinon que leurs pouvoirs ne doivent pas être sous estimés, j'aimerai aussi vite que possible le placer entre vos mains compétentes avant que des individus peu scrupuleux ne tentent de faire main basse dessus. J'ose espérer qu'avec ce chapeau enchanté entre les mains vous pourrez me dire tout ce qui doit être su à son sujet. Pour les raisons citées plus haut j'aimerai ne pas avoir à transporter un tel objet à travers la campagne, malheureusement traîtresse, de notre contrée, aussi je vous envoie cette lettre en espérant que vos pouvoirs vous permettront de me rejoindre à Gheistheim sans encombre pour vous saisir de l'objet."
Ceci couché sur papier, il se relût avec satisfaction et signa. Puis il observa son papier durant une seconde. Il allait se saisir d'une enveloppe lorsque soudain, il vit l'encre sur son papier se mettre à bouger et à trembler frénétiquement. Il sursauta comme s'il avait vu un spectre. En un instant, toutes les lettres qu'il avait inscrites disparurent. Alors qu'il regardait la feuille redevenue vierge, bouche bée et consterné, d'autres mots se formèrent d'eux même sur le papier. Avec surprise, Gottfried pût lire:
"Votre communication a bien été prise en compte. N'envoyez pas cette lettre, il est bien plus pratique de communiquer ainsi. Nous sommes intrigués par votre récit et souhaiterions ardemment vous aider. Nous avons des soupçons sur l'affaire et nous vous recommandons la plus grande prudence. Avez vous déjà parlé à quelqu'un de tout ceci ? Si oui, écrivez le au bas de cette page."
Gottfried resta un temps dégouté par cette magie, incapable de toucher cette feuille maudite. Mais il décida finalement de passer outre cette répugnance. Après tout, les mages avaient leur propre protocole et il fallait donc s'y résigner.
Il détailla son entrevue avec la comtesse et nomma également chaque personne étant au courant de cette affaire, notamment tous les hommes sous ses ordres. Ne sachant comment finir, il signa, et le phénomène recommença derechef. Son texte s'évanouit et après un instant un autre apparut.
"C'est très fâcheux, mais nous ne pouvons rien vous reprocher. Vous ne savez hélas rien. Nous ne pouvons pas assurer votre protection ainsi que celle de tous vos hommes, mais nous ferons notre possible. En attendant, vous feriez mieux de vous montrer très méfiant à l'égard de tout le monde. Peut être même devriez vous vous risquer à vous éloigner de Gheistheim. Pour ce qui est de l'objet, nous vous proposons un moyen de nous le faire parvenir bien plus simplement et qui nous permettra par la même de nous assurer que c'est bien un objet magique. Veuillez inscrire au bas de cette feuille l'adresse exact du bâtiment dans lequel vous vous trouvez et indiquer à quel étage et dans quelle pièce vous vous tenez en ce moment même."
Un peu suspicieux, le Reichsvikar consentit tout de même à inscrire l'information.
"Bureau de justice de Gheistheim, huitième bâtiment sur la Luststraße, premier étage, première porte à gauche."
Sans surprise, le texte s'évanouit une fois encore. Puis un silence oppressant vint couvrir Gottfried. Il se demandait ce qui allait se passer et n'osait pas bouger. La feuille resta vierge un bon quart d'heure, puis un message, court, et assez inquiétant, apparut:
"Restez assis à votre chaise. Ne bougez surtout pas de derrière votre bureau."
Gottfried resta tétanisé, immobile, comme indiqué, mais plus par appréhension qu'autre chose. Un bruit se fit entendre et, médusé, le Reichsvikar vit une lumière éblouissante apparaître devant la porte de la pièce. Dans un déchirement éclatant, la lumière se fit aveuglante, si bien qu'il fut forcé de détourner les yeux pour ne pas qu'ils lui brûlent. Lorsque la radiance s'estompa, il risqua un œil et vit qu'était apparu devant sa porte un petit panier en osier. Déboussolé, il chercha du regard la lettre sur laquelle apparaissait maintenant le message:
"Placez le couvre chef enchanté dans le panier sans faire bouger ce dernier d'un pouce. Attention, ne déplacez pas le panier de l'endroit où il est apparu. Ceci fait, prévenez nous et le panier disparaîtra. Attention ! Vous ne devrez parler à personne de notre communication. Pas même à vos propres hommes. Il en va de votre sécurité et de la leur. Sitôt que le panier aura disparu, déchirez cette lettre. Inutile pour autant de la brûler. Si l'on vous pose des questions vous direz que vous vouliez nous envoyer une lettre conventionnelle et que vous n'avez pas trop l'espoir qu'elle nous parvienne. Ne dites à personne que nous sommes en possession de l'objet et peu importe l'insistance avec laquelle on vous le demandera, prétendez que vous l'avez judicieusement caché ou dites qu'on vous l'a volé. Souvenez vous, ne faites confiance à personne!"
Gottfried, en lisant ces mots, eut une longue hésitation. Ce que lui demandaient de faire les magisters était plutôt grave, et il se demandait s'il ne ferait pas mieux de parler de tout cela à la comtesse. Ils recommandaient de ne faire confiance à personne, mais pourquoi ferait il confiance à ces mages qu'il n'avait jamais vu ? Pour autant qu'il le savait, rien ne prouvait que les magisters étaient bien les auteurs de ces messages, et quand bien même, il connaissait mieux la duchesse qu'il ne les connaissait eux, depuis un moment qu'il était missionné par l'empereur pour la tenir à l'œil. Il songea un instant à leur écrire un refus obstiné, mais là encore il hésita. Il avait bien remarqué la réaction de la comtesse quand il avait montré ce tricorne. Il en était sûr, le propriétaire du chapeau enchanté était à l'origine de l'incendie et de la mort de nombreuses personnes, mais quel lien pouvait il exister avec la comtesse ?
Il se prit la tête entre les mains, puis leva les yeux vers le panier. À quelles réponses devrait il s'attendre s'il ne faisait rien ? D'un mouvement énergique, il se leva et déposa précautionneusement le tricorne dans le panier puis vint à son bureau, relut le message des magisters, et écrivit sobrement à la fin:
"La chose est faite."
Alors une lumière s'éleva du panier et l'éblouit comme un soleil. Il se cacha les yeux avec une main, et quand la lumière eut disparu, il regarda pour voir qu'il ne restait plus rien devant sa porte. Il poussa un long soupir de soulagement et reporta son attention sur la lettre où ne restaient que les mots: "La chose est faite". Il saisit le papier, soupesa le pour et le contre, puis le déchira en deux.
Au même moment, un brouhaha se faisait entendre dans le couloir avec le bruit d'éperons des bottes de cavaliers. Puis une voix grave s'éleva.
Le verrou de la porte sauta et le bois éclata sous la force d'un coup de botte à la violence remarquable. Un homme fit irruption. Il portait la cape noire et pourpre des soldats de la comtesse par dessus un plastron de cavalerie. Il était coiffé d'un chapeau en feutre à larges bords orné d'une plume d'aigle et portait à la ceinture un sabre recourbé. Son visage carré portant fine moustache et barbe bien taillée était tordu d'un rictus enragé tandis qu'il entrait bruyamment dans le bureau du Reichsvikar. L'homme tenait un grand pistolet de cavalerie à la main et était suivi d'une demi douzaine de soldats équipés de mousquets.
- "Au nom de la comtesse Franziska von Dunkelnacht, vous êtes en état d'arrestation ! Pas un geste hérétique !"
Il n'attendit pas que Gottfried se rende. Les soldats se ruèrent dans la pièce, leur officier se précipitant sur le Reichsvikar pour lui asséner un violent coup de crosse sur la tête. L'interpellé tenta de se reculer mais n'esquiva pas le coup et en fut à moitié sonné. On se jeta sur lui. Des hommes le plaquèrent au sol, le frappèrent dans le ventre de la crosse de leurs fusils, et dégainèrent des dagues pour l'immobiliser en appuyant les lames contre son ventre. Se sachant vaincu, Gottfried cessa de bouger. Trois soldats le maintenaient au sol, un en lui appuyant son pied sur le ventre, un autre en le tenant en joue avec son mousquet, le troisième en lui collant le métal froid d'une dague contre la gorge.
Pendant ce temps, le chef et les autres soldats fouillaient la pièce avec ardeur, retournant les meubles, vidant les tiroirs, brisant les étages des bibliothèques tels des maraudeurs en mal de destruction.
- "De quoi suis-je accusé exactement ?" Osa Gottfried. Le soldat qui menaçait de l'égorger grogna pour le dissuader de parler. Le chef de la troupe lâcha dans un rire caustique:
- "Comme si tu ne le savais pas, enflure."
D'un geste aussi brusque que son tempérament, le reître arracha une bibliothèque du mur, faisant choir des piles de documents juridiques et de livres de droits, et il fit apparaître dans sa main un livre d'aspect effrayant dont la reliure de cuir noir paraissait se tordre entre ses doigts gantés comme pour lui échapper. Le cavalier poussa un rire triomphant. Ne jetant même pas un regard au contenu de l'ouvrage comme si celui ci était vecteur de peste, il se tourna vers de Reichsvikar et cracha:
- "Ha ! Un authentique ouvrage de nécromancie. Remercions les dieux que la comtesse soit fidèle à son peuple car l'envoyé de l'empereur lui même fricotait avec les morts vivants !"
Il pointa son pistolet vers Gottfried mais se ravisa et cria à ses hommes de l'emmener.
- "La comtesse décidera de son sort. Elle a eu du flair et si on interroge ce chien correctement on devrait pouvoir en tirer beaucoup."
Les soldats rouèrent à nouveau Gottfried de coups brutaux puis le saisirent par les bras et le soulèvement de terre. Leur chef regardait faire avec le sourire. En sortant, il remarqua un papier déchiré qui traînait sur le sol, visiblement tombé du bureau retourné. Cela paraissait suspect. Il ramassa les deux morceaux et les joignit pour lire en vitesse.
- "Objet enchanté… décombres d'un incendie la nuit dernière… ha… Ne connaissant rien de ce type d'objets … j'aimerai aussi vite que possible le placer entre vos mains compétentes avant que des individus peu scrupuleux ne tentent de faire main basse dessus. … Pour les raisons citées plus haut j'aimerai ne pas avoir à transporter un tel objet à travers la campagne … aussi je vous envoie cette lettre… Ha ! Très intéressant." Il sourit grassement. "Voilà qui plaira à la comtesse, j'en suis sûr." Et il glissa les feuilles dans sa poche en sortant de la salle.
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