Et voilà, c’est dit, je suis engagée auprès d’un autre. Qui l’aurait cru ? Je fantasme sur Dirk mais en fait je suis déjà promise à un autre homme… pour lequel je n’éprouve aucun sentiment.

Je répète comme un disque rayé :

- Je n’ai vraiment pas envie d’en discuter maintenant.

- Quand alors ?

- Jamais !

Furieuse, je me lève du lit et fais quelque pas… pour aller où, mystère, car je reste dans la pièce, le regard brillant de colère.

- Pourquoi tiens-tu tant à aborder ce sujet qui m’est si pénible ? Tu ne vois pas que tout ça me fait du mal. Je ne veux pas penser à Ycare, ni aux contraintes de l’Abri.

- Je suis curieux, voilà tout, et puis tu sais qu’ici, rien n’est secret. Tout le monde est au courant de la situation.

Sur la défensive, j’interroge :

- C’est-à-dire ?

Pour la première fois depuis le début de la conversation, Dirk a l’air gêné.

- Ben, Ycare a fait sa première demande lors de tes seize ans…

- Hum.

- Et ta famille a refusé.

Génial, il ne manque plus que le divan pour m’allonger et c’est comme chez le psy.

- Moui, et alors ?

- Il a dû solliciter ta main deux fois avant que ton entourage approuve, ça paraît un peu dingue. Il doit vraiment être amoureux de toi.

Je mordille mes lèvres.

- Oui, j’imagine.

- Je me suis toujours demandé ce qui s’était passé la troisième fois… pourquoi ta famille a enfin accepté de te donner à lui ?

S’il savait ! Il serait horrifié. Je préfère prendre un ton taquin et répondre :

- Tu es bien curieux.

- C’est un de mes innombrables défauts, dit-il, me faisant un clin d’œil.

- J’imagine que c’est humain, en tout cas, pour l’instant je n’ai qu’une envie, dormir… donc…

- Ok je comprends, après tout nous ne sommes pas vraiment amis. Je conçois que tu préfères parler de ce sujet avec Vanellopée. »

Je ne réponds pas et le regarde sortir d’un placard un sac de couchage d’une horrible couleur bleu délavé.

Il déroule l’objet qu’il étend sur le sol.

« Je vais dormir là, m’informe-t-il, tu n’as qu’à prendre le lit, les draps sont propres.

- Merci. »

Dirk, assis par terre, ôte son t-shirt, délace ses baskets et déboutonne son jean. Il finit par se retrouver en sous-vêtement noir devant moi.

Hum, le caleçon est moulant… est-ce normal que je trouve une certaine ressemblance entre Dirk et une pâtisserie au cacao ? J’ai envie de croquer son torse comme dans du chocolat.

Bon, il faut que je me ressaisisse. J’ai soudain besoin d’une douche… glacée.

Délaissant (à regret) le beau Dirk, je me faufile dans la minuscule pièce servant de salle d’eau et me lave rapidement ; l’eau froide coulant sur ma peau me revigore.

J’enfile hâtivement un haut en coton rose avec un short assorti et noue mes longues boucles brunes en une queue de cheval ébouriffée.

Sortant de la salle de bain, je m’approche du lit, soulève l’épaisse couverture et le drap, et me glisse à l’intérieur.

Dirk, déjà dans son sac de couchage, tend la main et éteint l’interrupteur sur le mur.

« Bonne nuit.

- Bonne nuit. »

Les minutes s’écoulent sans que je parvienne à trouver le sommeil. Comme c’est étrange d’être là, dans le noir, avec pour seul repère la respiration apaisée de mon compagnon.

Alors que je le pense endormi, j’entends sa voix qui me dit :

« Ça me fait un peu bizarre de ne pas dormir dans le même lit que la fille qui partage ma chambre. Je crois que ce n’était encore jamais arrivé.

- Il faut un début à tout.

- Il semblerait… j’aime bien en tout cas. »

Cachée par l’obscurité, je souris sans répondre. Finalement, je m’endors assez vite.