Yvonne

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Yvonne vit dans une résidence à Profondsart. C’est là que ses enfants l’ont placée depuis une dizaine d’année. Un espace calme, au vert, où l’on s’occupe bien d’elle, plein de personnes de son âge. Que pouvait-elle demander de mieux ? Mais Yvonne, c’est une femme de la ville. Elle a vécu toute sa vie dans son appartement place Flagey à Ixelles. Elle y est née, elle y a grandi, elle s’y est mariée, elle y a vu ses enfants grandir puis partir et son mari mourir. Tout ça pour qu’un jour, on vienne l’arracher à ces murs qu’elle aimait tant. Certes, il y avait eu cette chute d’une chaise alors qu’elle essayait de changer une ampoule. Elle s’était cassé la jambe sans pouvoir appeler à l’aide et avait eu la chance que sa fille passe la saluer deux heures plus tard. Mais elle a toute sa tête et ne se sent pas diminuée physiquement.

- C’est trop dangereux, maman, imagine que je ne sois pas venue te rendre visite ce jour-là ? avait dit Josiane.

- Tu y seras très bien, le personnel est très sympathique et les résidents sont très heureux là-bas, tu verras, avait renchéri Emmanuel.

- Mais…

- En plus, de ta chambre tu verras des champs et au loin la forêt. Autre chose que cette place bruyante pleine d’activité toute la journée !

- Mais…

Ses mais n’ont pas été écoutés. Elle l’aime, elle, la ville. Ses petites habitudes, Rafik et son épicerie où elle trouve tout, le va-et-vient des bus et des trams qu’elle observe depuis ses fenêtres, le flot ininterrompu des gens qui montent et qui descendent, les rencontres imprévues sur les bancs de la place, les fêtes du quartier portugais, boire une limonade avec son petit-fils au Belga, les conversations avec Sofia la concierge, nourrir les canards aux étangs, son appartement dans lequel chaque objet, chaque cadre, chaque recoin évoque un souvenir…

Raisonnable, Yvonne ne jette la pierre à personne. Le temps la rend philosophe. Elle accepte que l’on veuille son bien, même si elle le voit autrement. Comme elle est encore en forme et très autonome malgré ses 85 ans, elle a l’autorisation de se rendre à Bruxelles toute seule en train une fois par semaine. Elle descend à la gare du Luxembourg, prend le bus 38 et sort à l’arrêt Flagey. Elle s’assied alors sur un banc et observe tout ce qu’elle a connu pendant 75 ans, se rappelle chaque chose qui a changé, qui s’est lentement transformé au cours des années. Elle scrute ses fenêtres et se demande qui vit entre ses murs. Auront-ils changé le papier peint ?

Elle adore raconter son périple à qui veut l’entendre. Quand elle en parle, elle trouve son histoire intéressante et quelque part, elle s’estime chanceuse. C’est vrai, il y en a tellement qui sont plus mal lotis. Puis ça la soulage, de se confier. Ça lui permet d’accepter mieux sa place. Mais ce n’est pas toujours facile de trouver quelqu’un avec qui entamer la conversation. Aujourd’hui, il y a bien eu ce monsieur en face de qui elle s’est assise. Il souriait gentiment mais il est descendu à Rixensart. Elle aura peut-être plus de chance avec le contrôleur ?

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