La danse macabre
— Tout le monde est là ? On peut commencer ?
— Non, pas encore. Ils arrivent au compte-goutte. Faut comprendre, patron, ils ont tous des responsabilités.
— Je sais, je sais…
Satan soupira. L’orchestre des démons était déjà en place, mais la piste de danse restait vide. Les danseurs déjà arrivés restaient sur les côtés, occupés à se raconter leurs histoires. Ils semblaient bien s’amuser. Satan sourit. L’organisation d’une danse macabre n’est chose aisée, mais de voir tous ces enfoirés, amis ou ennemis dans les médias et la politique terrestre, se retrouver et s’amuser tous ensemble, le remplissait de joie.
— Une soirée de paix dans un monde de brutes, songea-t-il.
Soudain, un brouhaha cassa l’ambiance feutrée qui régnait jusqu’à présent. Le gros des invités arrivait.
— Bachar ! already here, pal ?
— Donald, nââdin, ça fait plaisir de te revoir. Et Vladimir t’accompagne ? Salam, Vladimir.
— Priviet, Bachar, kak dila ?
— Bien, bien, et voilà Xi.
— Ni hao, bande de branleurs.
Tous à se serrer dans les bras, s’embrasser, rigoler.
— Alors Bolso, ça brûle ?
— Tudo bem, mais moins que chez les kangourous. Mais l’australien ne vient pas ?
— Non, il a dû retourner au charbon, lâcha un général égyptien, ce qui déclencha un éclat de rire dans toute l’assistance.
— Alors Donald, tu racontes quoi ?
— Bof, la routine. J’ai laissé tomber les Kurdes, comme de vieilles chaussettes.
— Je m’en occupe, dit Recep, Donald a déjà trop de boulot avec ces putains de démocrates et ces abrutis d’Ukrainiens.
Tous, ils débarquaient tous : présidents africains à vie, généraux birmans, pédégés de multinationales chimiques, j’en passe et des meilleurs. Tous voulaient être présents et vus. La danse macabre, une fois par an, était une sorte de bal de débutantes ou de rencontre de Davos : ne pas y assister équivalait à ne pas exister.
— Alors Xi, tu fous quoi avec Hongkong ? tu vas te laisser encore emmerder longtemps ?
— Doucement, Hongkong, c’est du fric, une montagne de fric, je dois y aller mollo.
— Je peux te donner des conseils, si tu veux, dit Mariano.
— Toi ?
— Oui, moi ! T’as vu comme je les ai matés, ces Catalans de merde ? Si tu paies bien, j’envoie deux régiments de gardes civils espagnols à Hongkong.
— Et si tu as besoins de les couper en petits morceaux, j’ai des spécialistes sous la main, intervint un prince séoudien.
La voix de Satan coupa court aux conversations.
— Chers amis, bande d’enculés, ah ah, je vous vois sourire, soyez tous les bienvenus pour cette nouvelle édition de ma danse macabre. L’orchestre n’attend que les danseurs, alors, messieurs, c’est dommage, notre assemblée manque de gonzesses, donc, messieurs, tous en piste, et que la fête commence !
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