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Kagi sentit une vague de froid lui parcourir la colonne vertébrale. Il ouvrit les yeux de nouveau pour voir son ami Hito ainsi que tous les fantômes de la pièce, libres de leurs mouvements, capables de parler. Ils semblaient plus humains qu'auparavant. En revanche, Tomoe et Nori semblaient figés, comme si le temps s'était arrêté.

- Ne retire pas ta main de cette tige, sinon on ne pourra pas parler, s'empressa d'expliquer l'ancien vidéaste.
- Hito ! Je suis tellement désolé de ce qui t'est arrivé ! Je suis désolé mon frère, s'exclama Kagi, en retenant ses larmes.

Hito avanca vers son ami pour l'enlacer mais il passa à travers. Ils soupirèrent de déception :

- Surtout ne vous en voulez pas. Ni toi, ni Nori, ni Tomoe. Personne ne pouvait savoir ce qui allait arriver.

L'inconnue s'avança vers le caméraman.

- Nous n'avons pas beaucoup de temps. Il faut que vous libériez nos âmes. Ainsi, vous pourrez à votre tour sortir d'ici sain et sauf.

Hito fixait son ami d'un air grave. Il s'inquiétait beaucoup pour lui mais le jeune homme était impressionné. Durant toutes ces années, il voyait Kagi comme quelqu'un de très craintif et fuyard, mais aujourd'hui, il semblait prendre les choses en main.

- Kagi, vous êtes coincé ici, comme eux. La légende n'est pas tout à fait exact.
- On a lu l'histoire du village. On est au courant de la famine, du voyageur, de la graine, du sacrifice de la fille du cordonnier, tué par le forgeron...
- Comment ? demanda l'inconnue, étonnée.
- Il y a une pièce qui est protégée par des talismans ici. Un homme s'y était réfugié à l'époque. Il est mort de faim à l'intérieur. Mais avant de mourir, il a mis en place ces talismans et a écrit l'histoire du village sur les murs.
- Hajime !

La foule fantomatique s'agita à l'annonce du prénom de la momie.

- Nous pensions qu'il avait réussi à s'enfuir.
- Au moins, son âme n'est pas emprisonnée comme les vôtres.

La femme baissa la tête d'un air coupable. Kagi ne lui faisait pas confiance. Son instinct lui hurlait qu'elle cachait quelque chose.

Le caméraman ressentit une vague de chaleur remonter le long de sa colonne vertébrale, il en alerta Hito. La conversation avec l'inconnue reprit de plus belle :

- On a vraiment plus beaucoup de temps. L'homme qui a écrit sur le mur, jusqu'où s'est-il arrêté ?
- Je sais pas. Beaucoup de ces écrits étaient incompréhensibles, sûrement à cause de la faim.
- Non, ce n'était pas la faim qui l'a tué. Il avait réussi à sortir de la pièce pour aller chercher à manger. Il revenait là dès que nous sortions de nouveau. Il avait compris que c'était par phase, expliqua l'inconnue fantomatique.
- Si c'est par phase, ça veut dire qu'on peut sortir d'ici, rentrer chez nous ?
- Non, vous êtes prisonnier du temple à votre tour. Je suis désolé, mais vous ne pourrez pas rentrer chez vous.
- Alors qu'est-ce que je dois faire ?

L'inconnue conta la fin des aventures du dernier survivant.

- Hajime était le cordonnier du village. Nous pensions qu'il était parti après le meurtre de sa fille et le suicide de sa femme, mais nous nous étions trompés. En vérité, il était resté pour prier qu'on lui rende sa famille. Il passait nuit et jour au temple, se cachant lorsque le jour se levait, pour éviter de nous croiser. Il avait peur que sa colère s'exprime à sa place, peur de tuer à son tour. Il s'était aménagé une pièce, sûrement celle que vous avez découvert, afin de ne plus sortir du temple. Ce fou était persuadé que se dévouer corps et âme à notre "Kami" allait faire revenir ses êtres chers. Il fut le premier à comprendre, le premier à voir les âmes prisonnières. Il a tenté de nous avertir, mais nous l'avions pris pour l'un d'entre eux... L'un d'entre nous. Alors nous avions fui à sa vue. Si tu peux nous parler, c'est grâce à lui. Il avait découvert qu'en touchant la tige, il pouvait discuter avec sa femme et sa fille. Elles l'ont averti de ne pas venir chaque jour, de ne pas toucher cette plante trop souvent. Le pauvre homme s'affaiblissait un peu plus chaque fois, jusqu'à mourir pour de bon. Il a réuni ses dernières forces pour rejoindre sa "chambre". Il nous avait expliqué qu'il informerait les prochains, qu'il allait faire en sorte que quelqu'un reprenne là où il s'était arrêté.
- Je vois, hésita Kagi. Mais ça ne m'aide pas à savoir comment sortir d'ici, ni comment vous libérer.

Une nouvelle vague de chaleur envahit le corps du jeune homme.

- Dépêchez-vous, je crois qu'il ne nous reste plus beaucoup de temps.
- Hajime tenait un journal...

Les voix devenaient de plus en plus lointaines. L'inconnue et Hito le remarquèrent.

- ... Sur des parchemins... Lire... Solution... Dedans... Courez...

En une fraction de seconde, ses interlocuteurs étaient de nouveau figés, incapables de parler.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? demanda Tomoe.
Les fantômes commençaient de nouveau à s'agiter.
- Il faut retourner dans la pièce protégée ! VITE !
Kagi comprit que les spectres étaient à nouveau hostile.

***************************************************

Je ne comprends pas. Pourquoi ne me prend-il pas ? Je me suis pourtant livré à lui. Peut-être est-il rassasié ? Tout ce que je demande, c'est qu'il me prenne à mon tour.
J'avance dans le couloir habité par ceux qui composait le village, tête baissée. Je me sens de plus en plus faible. Leurs gémissements me donnent mal à la tête. Cette migraine dure depuis plusieurs jours, ça devient insupportable.
J'avance vers la plante, j'ai besoin de leur parler. Peut-être qu'ils m'expliqueront ? Je pose ma main sur la tige et une vague de froid me parcourt le corps.

- Hajime... Il faut que tu arrêtes, c'est en train de te tuer.
- Aiko ? Où est ma femme ?
- Elle ne viendra pas, elle ne supporte plus te voir souffrir.
- Aiko... S'il te plaît, appelle là.
- Elle ne veut pas. C'est elle qui m'a demandé de venir.
- Pourquoi ? Je fais ça pour elle.
- Justement, elle ne veut plus que tu le fasses. Elle veut que tu t'échappes.
- Mais je ne peux pas !

Une douleur vive habite ma tempe. Quelque chose essaie de sortir de mon crâne.

- Il ne te prendra pas Hajime.
- Mais... Je veux être avec ma famille. Je veux être avec eux. Je m'offre à lui, déclaré-je au bord des larmes.
- Écoute, je ne devrais pas te dire ça, mais tu peux faire en sorte d'être avec elles. Mais il faut que ça reste entre nous. Je risque gros de te dire ça.
- Promis, je t'écoute.

Aiko balaya la pièce du regard, inquiète, puis, continua à voix basse :

- Change un caractère des talismans que t'as mis dans ta pièce et laisse toi mourir à l'intérieur.
- Quel caractère ?

Aiko mima les modifications à effectuer pour arriver à mes fins.

- Si tu fais ça, tu lui donnes accès à la pièce. Lorsque tu mourras, il n'aura pas d'autre choix que d'emprisonner ton âme. Tu penses que tu y arriveras ? Tu me parais vraiment très faible.
- Compte sur moi.
- Surtout, n'en parle à personne. Même pas à ta femme. S'il le sait... Je sais pas ce qu'il adviendra de moi.

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