Chapitre 13
Par Rowani et Diraxo
Dès que Livia aperçut Paul, son premier réflexe fut de se jeter sur la porte pour sortir. Mais il avait anticipé le mouvement et était beaucoup plus rapide et fort qu’elle. Il agrippa son poignet et l’empêcha de s’enfuir.
— Accepte ton destin, dit-il d’un ton grave.
— C’est pas mon destin, c’est un putain de plan pour me piéger !
— Même pas, c’est lui qui me l’a proposé.
— C’est toujours pas le destin, répliqua-t-elle froidement.
— De toute manière, on aurait dû avoir cette discussion un jour ou l’autre. Tu pouvais pas juste me jeter mes vêtements au visage et me traiter de tous les noms de la Terre.
Livia prit une grande inspiration et poussa un soupir bien bruyant, pour lui signifier qu’il la soûlait profondément.
— Bon d’accord, mais jure-moi de me foutre la paix après ça.
— Attends qu’on ait fini avant de me demander ça.
— T’as l’air bien sûr de toi.
— Et toi aussi.
Un silence s’installa entre les deux. Livia n’avait pas osé une seule fois croiser le regard de Paul, elle se contentait toujours de fixer le sol ou un objet quelconque dans la chambre. Et elle savait qu’il restait fixé sur elle depuis le début. Elle n’aimait pas se sentir observée, elle avait l’impression d’être nue face à lui. Elle savait qu’il voyait tout, que rien ne lui échappait, aussi bien les changements de ton que les petits tics qui trahissaient son état.
Mais elle savait surtout qu’il était fou amoureux d’elle, et que personne ne lui avait jamais donné autant d’attention que lui. Il était le seul qui la comprenait réellement, qui savait presque tout d’elle et personne ne la connaissait aussi bien. C’était ce qui la terrifiait le plus.
— Attends, j’ai reçu un message.
Elle sortit son portable et fit mine de tapoter sur son écran. Elle en profita pour appeler Lucas, priant pour qu’il décroche, puis activa le haut-parleur et rangea son portable dans sa poche.
— Bien… soupira-t-elle. On peut commencer.
***
Lucas sentit une vibration dans sa poche. Il sortit son portable et vit le nom de Livia s’afficher en gros sur l’écran. Un frisson le parcourut.
Il comprit tout de suite que ce n’était pas normal, elle devait toujours être dans la maison, alors si elle avait voulu lui parler, elle n’aurait jamais eu besoin de l’appeler.
Il se dirigea alors dans la salle de bains un peu isolée du bruit, et ferma la porte à clé. Puis, avec un doigt tremblant, il décrocha…
La voix de Paul se fit entendre, grave et ténébreuse :
— Je sais que t’as encore des sentiments pour moi.
Tout le corps de Lucas se figea pendant un instant. Il se dépêcha de raccrocher et sortit de la salle de bain en toute urgence, manquant de claquer la porte en plein visage d’un gars qui traînait par là. Par instinct, ses jambes le dirigèrent vers la chambre, où il avait quitté Paul quelques minutes plus tôt.
***
De son côté, le torse bombé et un sourire aux lèvres, Nathan marchait fièrement dans le couloir pour redescendre faire de nouvelles connaissances dans le jardin. Il repensait à tout ce qu’il s’était passé. Il avait finalement réussi à rendre cette journée agréable. Certes, il avait encore ses problèmes de notes. Mais il avait enfin réussi à comprendre comment il allait faire pour rejeter l’image qu’il voulait se construire : celle du bon pote serviable, du petit attentif et bienveillant sur qui personne n’a jamais rien à dire.
Cela, Nathan ne voulait pas l’appeler de l’hypocrisie. Il avait toujours aimé sourire et aider les gens. Mais il fallait qu’il réussisse à adapter ça à son nouveau milieu de vie. Et pour lui, c’était fait !
Soudain, dans la descente des escaliers, il tomba au tournant nez à nez avec Lucas et s’arrêta net pour s’éviter le coup de boule. Lucas était pressé et ne regardait pas devant lui, qu’est-ce qu’il était beau comme ça. Nathan, qui était désormais plus confiant, fit son plus grand sourire à Lucas.
—Bonne soirée ! s’exclama-t-il aisément.
Lucas fut perturbé par cet enthousiasme soudain. Quelques minutes auparavant, ce même Nathan était en train de bégayer devant lui et avait juste envie de s’en aller. Il avait dû se passer quelque chose de spécial, en tout cas, c’était tant mieux pour lui.
Il se contenta d’un bref sourire et d’un geste de la main, trop préoccupé par ses problèmes. Il ne se posa pas plus de questions à propos du petit brun et poursuivit son chemin. La porte de la chambre était fermée, il n’hésita pas une seconde et l’ouvrit d’un grand geste, sans même se demander ce qui pouvait s’y passer derrière.
Livia était debout face à Paul. Elle semblait stressée, lui avait l’air parfaitement détendu. Elle fixait le sol, il la regardait droit dans les yeux. Elle se retourna vers Lucas, ses yeux se mirent tout à coup à briller, Paul le dévisagea.
— Livia, y a un mec qui a vomi dans la salle de bains, faut que tu t’en occupes.
Livia le remercia du regard et s’en alla le plus vite possible. Lucas ferma la porte derrière lui. Paul n’avait pas bougé d’un pouce, il s’était contenté de regarder la scène avec amusement.
— C’est ridicule, ton jeu d’acteur.
— Je t’ai dit de la laisser tranquille.
— Elle était d’accord avec cette discussion. Et puis on est tous les deux restés calmes, c’était vraiment enrichissant.
Lucas soupira bruyamment. Il fit quelques pas dans la chambre et s’assit sur le lit, puis regarda à la fenêtre. La nuit était tombée, on ne voyait que la pleine lune dehors et quelques étoiles.
— Je comprends pas, on dirait que t’as envie de te faire détester. J’suis le dernier soutien qu’il te reste, tu sais que tu risques de me perdre en faisant ça.
— Je sais surtout que je te perdrai jamais.
Lucas se retourna vers lui et lui jeta un regard noir. Il se leva tout à coup et se planta face à lui, son visage à quelques centimètres du sien. Les traits de son visage se déformèrent sous le coup de la colère.
— Qu’est-ce que t’essayes de faire ? Tu t’attaques à ma meilleure pote, tu veux me faire choisir entre elle et toi, c’est ça ? J’comprends pas tout ce cinéma, Paul. T’as grave changé depuis c’qui s’est passé…
Avant même qu’il ne finisse sa phrase, Paul avait arrêté d’écouter et avait commencé à sortir. Il ouvrit la porte de la chambre, puis se retourna une dernière fois dans sa direction :
— Si ça t’intéresse, Baptiste est comme toi. Tu devrais tenter ta chance.
Puis il sortit.
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