Mme Dédain faisait partie de celles et ceux qui méprisaient les misérables. Sa caste était si haute, si sophistiquée, qu’elle ne pouvait à peine approcher un mendiant ou un chanteur de rue.
Chaque fois qu’elle rentrait chez elle, après avoir passé son après-midi dans les bijouteries de la cité, elle s’asseyait en face de son mari, attendant que leur bonne leur serve le dîner, et chaque fois, elle savourait son délicieux repas, se réjouissant d'être riche et de pouvoir subvenir à tous ses besoins.
Un jour, alors qu’elle se promenait au cœur d’un petit village, Mme Dédain croisa un de ces miséreux immondes. Il avait une odeur pestilentielle et semblait être touché par une horrible maladie. Il était couvert de plaques rougeâtres et sa peau était très sèche et dépigmentée, ce qui le rendait aussi laid que malodorant. La femme passa à côté, s’efforçant de l’ignorer, quand l’homme attrapa sa longue robe rouge d’une valeur inestimable. Effrayée et exaspérée, la riche dame poussa un cri.
« Ah ! Quelle horrible bête ose toucher ma luxueuse tenue !
- Oh, Madame, que vous êtes admirable ! Votre grâce pourrait-elle me donner quelques petites pièces, afin de nourrir ma triste famille !
- Vous, sale créature, vous êtes pauvre car la vie l’a décidé ! Jamais je ne côtoierais un homme de votre caste. Estimez-vous heureux que je ne vous dérange point plus que cela ! »
Mme Dédain accéléra le pas pendant que son triple-menton et sa forte poitrine rebondissaient en rythme.
Elle se rendit ensuite dans une boutique de toilette pour femme, et trouva son bonheur dans un costume d’un magnifique bleu, un splendide pelisson et de belles chausses. Tout ceci n’était pas donné, et Mme Dédain avait ramené toutes les économies de son mari pour acheter ces superbes vêtements. Après avoir dépensé tout l’argent, elle rentra dans sa demeure, et trouva son mari, assis à table, l’air abattu.
« Oh, ma chère femme, il s’est passé bien des problèmes. Toutes les terres que nous possédions ont pris feu. Les champs sont vides, tout a brulé.
- Comment ! Qu’allons-nous faire ?!
- Ne vous inquiétez point, il nous reste encore nos épargnes financières, elles nous aideront pendant quelques mois afin de pouvoir reprendre les récoltes.
- Là est notre seule issue ? répondit la femme, sans grande conviction.
- Pour l’instant, ma chère Hermanence.
- Si c’est sur cette somme sur qui vous comptez, délaissez cette idée, reprit-elle, désolée.
- Et pourquoi donc ?
- Je suis passé dans la boutique de ma chère amie Mathilde Devrocher. J’y ai trouvé mon plaisir et ai dépensé toutes nos économies…
- Comment ! Hermanence, dîtes-moi que vous racontez des sottises !
- Hélas, non. »
Mr Dédain sombra dans une colère rouge. Le couple devait vendre tous leurs biens et licencier leur dame de maison. Ce qui se fit sur le champ.
Mme Dédain connut la dure vie des nécessiteux. Elle vivait sur un trottoir, avec pour seul confort, une couverture sale et détériorée. Les époux se contentaient maintenant d’un morceau de pain pour la journée, et s’estimaient heureux lorsqu’on lui balançait quelque restes de fruits dans leur petite corbeille. Ils ne passaient plus leurs nuits correctement, dormant parfois entre une et deux heures. Mr et Mme Dédain durent vivre pendant plusieurs semaines dans la misère et dans la toilette sale et délabrée.
La femme auparavant orgueilleuse et supérieure était devenue mendiante et déplaisante.
Un jour, alors qu’elle réclamait une pauvre pièce à quelqu’un, une passante s’écria :
« Quelle honte ! Vous ne devez point côtoyer des gens de la caste bien supérieure ! Pauvre saleté, déguerpissez !
- Oh, ma chère dame. Si vous saviez.
- Ne m’adressez point la parole ! Quelle belle vie je mène, riche et plaisante !
- Je vous le dit, ne vous réjouissez pas trop vite. »
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Commentaires & Discussions
Madame Dédain | Chapitre | 9 messages | 4 ans |
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