Chapitre 3 : Le Harakaï, Partie 2

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Triss était heureuse.

Après les événements des deux derniers jours, c’était la première fois qu’elle retrouvait un cadre à peu près normal. Sheamon lui avait donné de l’argent humain, et elle comptait bien en profiter pour se faire plaisir. Après maintes suppliques, Oncle Sirius aussi lui donnait de l’argent de poche, pour s’amuser pendant un après-midi dans le quartier Umbrella avec ses amis…

Non. Elle ne devait pas penser à ça.

Ryku sur ses talons, Triss commença par faire les boutiques envahies de touristes, mais elle ne trouva rien à son goût. Tout était trop coloré, trop tape-à-l’œil… le genre de chose que Triss se refuserait à porter même si sa vie en dépendait. Elle préférait en effet des couleurs plus sombres, comme le noir. Contrairement à ses deux meilleures amies, passionnées par la mode féminine humaine, elle appréciait plutôt le cuir et le fer.

Elle parvint malgré tout à dénicher ce qu’elle voulait, notamment une veste en cuir soldée qu’elle enfila aussitôt avec ravissement, et de quoi se changer pour quelques jours. C’était exactement ce qu’il lui fallait. Son dernier achat fut un sac à dos pour ne pas avoir à s’encombrer avec ses vêtements.

Il ne lui restait plus beaucoup d’argent ; elle décida de partir explorer la ville après avoir acheté un sorbet citron-framboise. Son estomac de vampire émit un grondement de révolte, mais elle savait par expérience que c’était sans danger. La glace se situait entre le liquide et le solide, et les vampires la toléraient assez bien à condition d’en manger avec modération. Ce n’était pas comme le café, le thé ou l’alcool, qui passaient sans problème dans le système digestif d’un vampire. Toutefois, cela ne pouvait la nourrir. Pour ça, il lui fallait du sang.

Heureusement, Sheamon lui en avait redonné un peu du sien avant de se séparer. Elle n’aurait plus faim avant la fin de la journée.

  • Hé, ma jolie !

Triss se retourna, pour voir trois garçons avancer en trainant des pieds dans sa direction. Le plus grand des trois semblait être le chef. A leur allure de racaille, casquette à l’envers et vêtements amples avec des dizaines de bijoux étincelants, elle comprit tout de suite ce qu’ils voulaient. Tellement cliché qu’elle faillit éclater de rire. Triss détourna le regard et vira à gauche, espérant pourtant qu’ils s’adressaient à quelqu’un d’autre…

Hélas. Le chemin qu’elle voulait emprunter se terminait sur une impasse. Elle fit volte-face, mais dut reculer pour ne pas se heurter au chef de la bande. Ses acolytes le rejoignirent, lui barrant tout issue. Ryku se plaça aux côtés de Triss, crachant en direction des nouveaux venus, qui ne lui prêtèrent aucune attention.

  • T’es plutôt mignonne, dans le genre rebelle… commença le garçon du milieu.
  • Dégagez, ordonna Triss.

Le front de son interlocuteur se plissa de contrariété.

  • Pour qui tu te prends ? s’écria-t-il, furieux. Je voulais juste…
  • ...Te conduire comme un imbécile, et ce n’est vraiment pas le moment. Maintenant, vous me laissez passer avant que je perde patience. Et profitez-en pour vous rhabiller.

Cela ne parut pas leur faire plaisir, surtout au plus grand. Il s’avança avec colère et tenta de lui saisir le poignet, mais Triss se dégagea et frappa le mur à sa droite. Sous le choc, la pierre se fissura, provoquant la frayeur des trois adolescents qui reculèrent aussitôt. L’impact de son poing avait creusé profondément la pierre, et pourtant elle s’était retenue. Mais le sang des Nocturii qui coulait dans ses veines lui donnait une force surhumaine.

  • Vous avez compris maintenant ? reprit Triss, impassible. Continuez et le prochain à prendre un coup ne sera pas le mur…

Les trois garçons détalèrent aussitôt sans demander leur reste en poussant des hurlements effrayants : « C’est Hulk !!! ».

Triss soupira en examinant l’impact de son poing. Elle avait mis plus de puissance que nécessaire, mais au moins elle n’avait pas eu à briser quelques os (ce qui pouvait lui arriver si elle ne faisait pas attention à sa force). Toutefois avec une telle esclandre, il était préférable d’éviter les rues. Son regard se leva alors vers le toit. Elle ne savait peut-être pas voler, mais grimper aux murs, la jeune fille le faisait depuis son enfance.

Elle ramassa Ryku dans ses bras et le cala contre sa poitrine avant d’effectuer un bond prodigieux jusqu’au premier balcon. Elle continua ainsi en prenant appuis sur les deux façades jusqu’à atterrir sur le toit. Ce fut un jeu d’enfant. Avec ses amis, elle s'était amusée toute son enfance à escalader les bâtiments de Florence quand elle arrivait à échapper aux gardes de son oncle. Ryku pour sa part sembla apprécier ses acrobaties et lui lécha le cou avec enthousiasme.Une fois en haut, Triss déposa le chat et s’approcha du bord en faisant attention à ne pas se faire remarquer par les passants. Heureusement, tout était normal.

Du moins presque normal… car quelque chose atterrit soudain sur le toit derrière elle. Triss sentit un frisson lui parcourir la nuque. Il y avait très peu de chance pour que la chose qui venait de la rejoindre ne fut qu’un humain lambda qui profitait du soleil éclatant pour se promener sur les toits de Nice.

  • Tu ne manques pas d’air, s’exclama une voix féminine perçante. Utiliser tes pouvoirs en public, et devant des mortels... ce n’est vraiment pas intelligent !

Triss se retourna prudemment, tout en sortant de sa poche la pièce donnée par Sheamon.Elle se retrouva face à une jeune femme d’une trentaine d’années et aux longs cheveux blonds en queue de cheval. L’inconnue la toisait avec méfiance depuis l’arrête supérieure du toit. Elle était vêtue d’un long manteau blanc et or lui tombant au-dessous des genoux. A sa taille était bouclée une ceinture imposante à laquelle était sanglés, de chaque côté de ses hanches, trois katanas. Rien qu’en observant sa stature, Triss devina qu’elle ne portait pas ces sabres par soucis de l’esthétique…

  • Qui… commença-t-elle.
  • Sache que je ne tolérerai pas le moindre crime dans cette ville, ni de toi, ni de tes petits camarades, le coupa son interlocutrice. Ils t’ont envoyé espionner en ville ? Chercher des provisions ? Vu ton âge, tu dois être un commis ou un mousse. Je penche donc plutôt pour la seconde option… c’est une chance pour toi, sinon je t’aurais déjà passé sur le fil de ma lame.

L’inconnue posa la main sur la poignée d’une de ses armes et fit un pas en direction de Triss, avec une attitude clairement hostile.

  • Mais de quoi parlez-vous ? s’étonna Triss. Et qui êtes-vous ?

La guerrière s’arrêta, surprise.

  • Tu ne fais pas partie du Harakaï ?
  • je ne sais même pas ce que c’est !

Un silence tendu s’installa. Triss songea à prendre la fuite, mais c’était bien trop risqué. Elle ne savait pas de quoi cette inconnue était capable.

  • Je peux savoir qui tu es ? demanda la guerrière. Ou plutôt : qu’est-ce que tu es ? Ton aura est celle d’un puissant vampire, mais tu marches sous le soleil sans aucun problème. Et le chat avec toi possède aussi de la magie…

Triss voulut reculer mais elle se rappela qu’une dizaine de mètres la séparaient du sol. Une hauteur pareille ne représenterait pas de danger réel pour elle. En revanche, tourner le dos à une inconnue lourdement armée était déconseillé dans une telle situation...

Elle se força à rester calme. Ne jamais montrer son hésitation face à un potentiel ennemi. La jeune fille redressa la tête et rendit son regard froid à l’inconnue.

  • Il me semble que ce serait plutôt à moi de poser cette question, rétorqua-t-elle. L’usage veut qu’avant de demander le nom de quelqu’un, on se présente soi-même, n’est-ce pas ?

L’inconnue parut surprise, suffisamment en tout cas pour adoucir son regard. Un bref sourire étira ses lèvres l’espace d’une demi-seconde.

  • En effet, reconnut-elle en lâchant la poignée de son sabre. Mon nom est Meira Lynn, capitaine au service de l’Eglise et de Dieu. Tu n’as rien à craindre de moi du moment que tu ne t’attaques pas aux mortels.
  • J’ai du mal à croire que vous faites partie de l’Eglise, répliqua Triss.

Meira Lynn se retourna, arborant l’immense croix dorée au dos de sa veste. Soudain, deux ailes blanches semblables à celles d’une colombe sortirent de ses épaules, avant de disparaître aussitôt. Triss reconnut en un éclair l’apanage des anges. Son interlocutrice n’avait pas menti.

  • Maintenant jeune fille, veux-tu bien me donner ton nom ?

Triss hésita. Meira Lynn ne paraissait pas animée d’intentions négatives, mais Sheamon lui avait recommandé la plus grande prudence. Or fuir la rendrait encore plus suspecte aux yeux de la capitaine angélique. Celle-ci pourrait même lui donner la chasse, ou bien appeler des renforts pour la capturer. Si un capitaine de l’Eglise était présent à Nice, il y avait tout à parier que d’autre anges étaient également en ville…

De plus, Meira avait senti son aura de Nocturii, même si elle ne l’avait pas identifiée précisément. C’était probablement la première fois qu’elle rencontrait un vampire royal, et l’aura de Triss lui était inconnue. Et pourtant, il n’y avait aucune trace d’inquiétude sur son visage. Pour elle, Triss ne semblait pas représenter un danger.

La jeune fille n’avait pas le choix, elle devait jouer la prudence… Grâce à l’Horologium, l’exorciste serait informé s’il lui arrivait quelque chose, et il ne manquerait pas de venir à son secours. Pour le moment, elle devait gagner du temps en attendant l’opportunité de s’éclipser discrètement. Heureusement, elle savait mentir avec aisance (surtout pour échapper aux gardiens que son oncle lui collait chaque fois qu’elle sortait de l’Hôtel). Son expérience lui avait appris qu’utiliser une base de vérité et l’enrober de mensonges était la meilleure manière de tromper quelqu’un.

  • Je m’appelle Lucy Rilva, inventa donc Triss sur le coup en tentant de paraître le plus crédible possible. Je suis une démone qui habite… habitait au quartier Umbrella à Florence… J’ai eu de la chance d’être dehors la nuit du drame avec des amis, mais ma famille est restée là-bas. C’était le chaos, j’ai été séparée des autres… On raconte qu’il n’y a eu aucun survivant… qu’une armée de shinobis dirigés par un nosferatu au service de la reine a tout détruit.

Triss s’interrompit et baissa les yeux. Elle n’eut aucun mal à les remplir de larmes. Il lui suffisait de penser au quartier Umbrella et à son oncle Sirius… Puis elle releva soudain le visage en inspirant un grand coup. Elle lut de la compassion dans le regard de Meira. Manifestement, la nouvelle ne la surprenait pas. Meira était donc au courant de la catastrophe de Florence, ce qui rendait son histoire d’autant plus plausible.

  • La région est devenue dangereuse pour les rescapés d’Umbrella à cause des shinobis qui sont partout, continua-t-elle, galvanisée. Je n’ai pas eu d’autre choix que de prendre la route pour rejoindre Paris, car mes grands-parents habitent toujours là-bas. C’est ce que mon père m’a dit de faire en cas de malheur. Si ma famille est en vie, eux aussi iront là-bas.
  • Mais si tu es une démone, comment se fait-il que…
  • Je ressemble à un vampire ? C’est grâce à une potion de camouflage que j’ai fabriquée moi-même. J’étais apprentie alchimiste à Umbrella… Je voulais juste m’amuser à me déguiser, mais les effets sont bien plus puissants que je l’imaginais, parce que je n’ai pas respecté les doses prescrites par mon père… Cela fait trois jours que j’ai cette apparence-là, et que je dois voyager au sol. Je ne peux plus déployer mes ailes pour voler depuis que j’ai avalé cette potion, et je n’ai ni la connaissance ni le matériel pour concocter un antidote, mais mon grand-père devrait pouvoir m’aider.
  • Tu ne peux donc pas déployer tes ailes pour prouver que tu es bien une démone ?

Meira parut légèrement sceptique, et Triss se rendit compte que son histoire manquait de preuves solides. Une idée jaillit soudainement dans son esprit fertile :

  • Non, mais si j’étais un véritable vampire, la lumière du soleil m’aurait réduite en cendres depuis longtemps, répondit-elle en priant pour que Meira ne se rendît pas compte qu’il y avait bien un vampire capable de résister au soleil juste devant ses yeux…

Heureusement, celle-ci hocha la tête :

  • C’est vrai, reconnut-elle. Aucun vampire ne peut survivre à la lumière du soleil.

Meira désigna ensuite Ryku d’un signe de tête.

  • Et le chat ?
  • C’est mon animal de compagnie, mentit Triss, sur ses gardes. Nous l’avons recueilli il y a deux ans, et j’ignore d’où il vient… mais il a toujours été très attaché à moi !

La guerrière croisa les bras. Pendant quelques secondes, elle jaugea Triss du regard. Puis elle parut avoir levé ses derniers doutes :

  • -Quelle tragédie… murmura-t-elle comme pour elle-même. Ainsi, le quartier Umbrella a bel et bien été attaqué. Je suis de ton côté, jeune fille. J’ai été envoyée en reconnaissance dans la région afin d’enquêter sur la situation à Florence.
  • Vous vous souciez du sort d’un refuge de vampires exilés ? s’étonna Triss.
  • Eh bien, Lucy Rilva, l’Eglise et le Maitre d’Umbrella entretenaient de très bonnes relations. Sirius Aleyran avait réussi à créer un secteur magique à forte population de vampires, or jamais un seul cas de vampirisme n’a été recensé à Florence depuis l’installation du quartier Umbrella. Il avait tout le respect de l’Eglise. C’est pourquoi sa destruction est très inquiétante... Cela menace aussi les humains et anges vivant dans la région : il est donc de mon devoir d’en apprendre davantage avant l’arrivée des exorcistes.
  • Ce sont les shinobis qui ont détruit le quartier Umbrella… d’après les rumeurs, ajouta la jeune fille qui ne voulait pas avoir l’air trop sûr d’elle ou trop bien informée. Ils étaient accompagnés d’un certain nosferatu appelé Forlwey.

Meira haussa les sourcils, et son visage s’assombrit davantage…

  • Le Comte Sanglant aurait causé ce massacre ?
  • Vous le connaissez ? S’étonna Triss à son tour.
  • Plutôt bien, oui… Il est recherché activement par l’Eglise depuis le siècle dernier, parce qu’il profité du contexte chaotique chez les humains pour perpétrer de véritables bains de sang... La liste de ses crimes est très longue… Forlwey est un des nosferatus les plus connus, surtout en tant que serviteur dévoué de Némésis. Qu’elle soit l’instigatrice de la destruction de la colonie d’Umbrella n’est pas vraiment une surprise. Mais que la Reine de la Nuit ait dépêché quelqu’un d’aussi important que Forlwey pour effectuer une mission pareille… c’est étrange, mais cela coïncide avec les informations que nous avons reçues...

Triss tiqua. Elle savait déjà que son oncle avait établi de bonnes relations avec les trois factions dans le but de démontrer que le quartier d’Umbrella n’avait pas d’intentions belliqueuses. Et il était évident qu’après une catastrophe aussi importante, beaucoup chercheraient à savoir ce qui s’était réellement passé. Cependant, Meira connaissait Forlwey. Elle avait des informations à son sujet. C’était peut-être l’occasion rêvée d’en apprendre plus sur son ennemi juré. Par ailleurs, une autre question ne cessait de hanter son esprit :

Si la mission de Meira Lynn était d’enquêter à Florence, pourquoi était-elle à Nice ?

A cet instant, Ryku se pressa contre Triss en crachant en direction du ciel. Meira se tendit ; elle fléchit les jambes, la main posée sur deux poignées de ses six katanas, puis elle glissa le long de la pente en direction de Triss. Elle se retint aux tuiles du toit de sa main gauche après s’être arrêtée près de la jeune fille. Cette dernière voulut s’éloigner de l’ange, mais son bras la plaqua contre la paroi de tuiles écarlate.

  • Ne bouge pas ! ordonna la guerrière, et Triss fut si surprise qu’elle obéit.

Soudain, quelque chose passa en trombe au-dessus de leur position. Triss aperçut ce qui semblait être un vaisseau de métal de la taille d’un petit fourgon avec des ailes d’acier sur les côtés et un réacteur à l’arrière crachant des flammes mauves. Sur sa cuirasse était peinte une tête de lion écarlate.Le vaisseau fendit les airs à toute vitesse en direction de l’océan. Dès qu’il ne fut plus qu’une silhouette lointaine dans le ciel, Meira relâcha Triss et se redressa. La jeune fille fit de même en jetant un coup d’œil dans la rue en contrebas, où aucun des humains présents ne semblait avoir aperçu l’engin volant circuler à toute allure. Elle en profita pour consulter l’Horologium de Sheamon, dont la plus grande aiguille pointait pratiquement dans la même direction, et la petite toujours fixée sur le symbole de danger immédiat.

  • C’est la cinquième patrouille de la journée, gronda Meira. Tu ne devrais pas rester seule dans cette ville. Ce n’est pas un endroit sûr avec eux dans le coin…
  • Qui sont-ils ? l’interrogea Triss.
  • Le Harakaï, une immense armada regroupant des pirates originaires de toutes les races, et devenus des mercenaires. On estime leur nombre à pratiquement un demi-million de combattants répartie en une dizaine de flottes à travers le monde. Ils sont parfaitement organisés et possèdent une puissance inquiétante qu’ils louent aux plus offrants. C’est leur présence ici qui m’a contrainte à un détour dans ma mission. Un croiseur Harakaï stationne en ce moment même au-dessus de Nice.

Triss leva une fois de plus les yeux vers le ciel, mais elle ne distingua rien d’autre que l’éclat aveuglant du soleil. Meira lui passa alors une paire de jumelles noires.

  • Essaye avec ça, lui conseilla-t-elle.

La jeune fille la remercia d’un signe de la tête et porta l’objet au niveau de ses yeux. Ce qu’elle découvrit alors la stupéfia.

En effet, un immense croiseur de guerre avec quatre ailes d’avion de chaque côté et de la taille d’un bateau de croisière, était désormais visible dans le ciel, son ombre menaçante s’étendant sur la ville entière comme une sorte d’astéroïde géant prêt à éradiquer toute vie dans la région. Les jumelles portant assez loin, Triss pouvait même distinguer ses trois mâts immenses et ses multiples systèmes d’artillerie. Il était probablement suffisamment puissant pour raser cette ville…

Sans un mot, elle rendit les jumelles à Meira.

  • Ça, c’est ce qu’on appelle un croiseur Oméga, lui expliqua l’ange en remettant l’objet à sa ceinture. Ce sont de véritables forteresses volantes. Il n’existe pas de vaisseau plus grand, à vrai dire. Un puissant enchantement de dissimulation rend celui-ci invisible jusqu’à une certaine distance. C'est lui que j'observe. Mes hommes et moi avons établi notre campement à l’extérieur de la ville. Par précaution, nous restons discrets et nous nous contentons de les surveiller de loin. Tu ferais mieux de venir avec moi, jeune fille. Le Harakaï n’apporte jamais rien de bon. Tu seras en sécurité et loin d’eux. Quand ils auront mis les voiles, je t’arrangerais un voyage sûr jusqu’à Paris.
  • Que font-ils ici ? éluda Triss.
  • La même chose que nous j’imagine, répondit Meira, son regard grave tourné en direction du navire invisible. Nos informateurs nous ont indiqué qu’une nouvelle prime avait été lancée pour tous les mercenaires et la pègre, le client n’étant autre que Forlwey lui-même. Il offre quatre cent mille inferis pour la tête de Sheamon Wave, un ancien exorciste qui était apparemment à Florence quelques heures avant le drame. Inutile de dire que cette annonce a rencontré un franc succès. Beaucoups de mercenaires et de coupe-jarrets peu scrupuleux rappliquent dans la région pour essayer de toucher la prime. Mais le Harakaï ne se déplacerait pas pour si peu. A mon avis, ils ont été engagés par quelqu’un de très riche et je ne vois personne d’autre que le Comte Sanglant dans cette affaire. Nous sommes là pour contrecarrer leurs plans. Si Forlwey a levé de si gros moyens pour retrouver Sheamon Wave, c’est que cet homme détient quelque chose que la reine Nocturii désire absolument. Et si Némésis la veut à ce point, ce doit être extrêmement dangereux. Pour éviter qu’elle ne s’en empare, l’Eglise doit intercepter Sheamon Wave avant elle.

Triss accusa le coup. La chose que Némésis voulait à ce point, c’était elle ! Si jamais Meira s’en rendait compte… Qu’elle prenait conscience de sa véritable identité…

Mais il y avait encore plus grave. Les anges ne savaient encore rien à propos d’elle, mais le Harakaï, qui travaillait avec Forlwey, était sans doute au courant. S’ils avaient pris position à cet endroit, c’est parce qu’ils supposaient (à raison !) que Sheamon et Triss remonteraient vers le nord en direction de Paris. Forlwey avait lancé son filet bien plus loin que prévu… et à présent, ils allaient devoir passer au travers…

Triss devait absolument rejoindre Sheamon.

  • Capitaine ! lança soudain une voix étouffée qui semblait provenir de Meira elle-même, faisant sursauter la jeune fille à ses côtés.

La guerrière saisit un miroir portatif et l’ouvrit. Malgré l’image réduite, Triss distingua la partie supérieure d’un homme, portant la version masculine du manteau de Meira ; il esquissa un salut de type militaire.

  • Que se passe-t-il, Zelrinn ? demanda Meira.

Triss profita que l’attention de celle-ci était accaparée par les propos de son subordonné pour reculer doucement à l’opposé du toit, espérant s’éclipser sans histoire. Elle prit Ryku dans ses bras et se mit à avancer en silence, pas après pas.

  • Nous avons capturé un éclaireur du Harakaï, annonça Zelrinn. Il patrouillait en périphérie de la ville, seul. Il n’a pas été long à nous révéler ce qu’il savait concernant Sheamon Wave.

Triss avait presque atteint le toit de l’autre bâtiment, quand les derniers mots de l’ange résonnèrent dans son esprit…

  • Il nous a révélé que Sheamon Wave voyage probablement avec une jeune vampire d’environ quinze ans, et qui serait apparemment… insensible au soleil ! Je sais, cela parait fou, mais ce n’est pas tout ; Son nom est Triss Aleyran, et c’est d’après lui la fille de Némésis Nocturii ! Elle aurait les cheveux noir de jais, et…

La voix s’arrêta net. L’ange devait avoir aperçu le visage de son capitaine. Triss se figea, la sueur perlant sur son front. Pendant deux secondes, un silence implacable flotta dans l’air. Puis Meira parla d’une voix calme :

  • Zelrinn, je veux que toi et les autres leviez le camp et que vous me rejoigniez dans le centre-ville. La jeune fille est avec moi, soyez prêts à me soutenir si jamais le Harakaï intervient.
  • A vos ordres, répondit son lieutenant, quelque peu troublé.

Triss se retourna et déposa Ryku sur le sol. Malgré la peur qui se répandait dans tout son corps, elle resta parfaitement calme. Sa main serrait toujours la pièce donnée par Sheamon. Elle aurait voulu fuir, mais c’était impossible désormais. Et son maitre d’armes lui avait toujours répété de ne jamais quitter son ennemi des yeux.

Meira Lynn était toujours de dos quand elle rangea le miroir portatif à sa ceinture. Puis elle se tourna enfin vers Triss et dégaina deux de ses sabres argentés luisant d’un éclat aveuglant.

  • Bien, Triss Aleyran, ou plutôt devrais-je dire… Triss Nocturii, déclara l'ange, impassible. Rends-toi, ou bien je me verrai dans l’obligation de te neutraliser par la force.



A suivre...

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