Chapitre 9 : Le Défi, Partie 2
...Qui en fait n’avait rien de mystérieux. Ils se trouvaient dans ce qui semblait être un débarras plein de tables, de chaises et d’étagères remplies de vaisselles. Triss ne put s’empêcher d’être déçue.
- C’est ça la fameuse chambre secrète qu’Amalia a fait construire ? demanda-t-elle, sceptique.
- Bien sûr que non, rétorqua son protecteur en se tournant vers l’une des étagères. Cette pièce est exactement ce qu’elle semble être ; un débarras. Mais elle est en permanence verrouillée ; seuls Amalia, Dast son majordome et moi en possédons la clé.
- Alors pourquoi…
- Ce n’est pas cette salle en elle-même qui est importante, mais ce qu’elle dissimule.
Sheamon se dirigea vers une vielle cheminée au fond et appuya sur l’un des as de pique en fer forgé qui la décorait. Un déclic mécanique se fit entendre, tandis que la cheminée entière coulissait, s’écartant lentement pour dévoiler un mystérieux escalier éclairé par des pierres lumineuses.
- Après-toi, l’invita Sheamon.
Triss ne se fit pas prier et s’enfonça dans le passage, suivie de Sheamon ; celui-ci actionna alors un levier ancré dans le mur qui eut pour effet de faire à nouveau bouger la cheminée. L’entrée secrète était désormais fermée.
Il ne leur fallut pas plus de deux minutes pour arriver dans ce qui semblait être une arène de pavés blancs avec quatre niches ouvertes de part et d’autre. Triss contempla l’endroit avec émerveillement. Tout autour du cercle constituant l’espace central, des runes étranges s’illuminèrent d’un éclat écarlate, comme si cet endroit était vivant et réagissait à leur présence.
- On dirait une cachette secrète de super-héros ! murmura-t-elle.
Triss s’était déjà rendue au cinéma, l’une des inventions humaines dont les habitants d’Umbrella raffolaient. C’était d’ailleurs surtout à travers le cinéma que la jeune fille avait découvert le monde mortel. L’un des films qui l’avait le plus marquée était l’histoire d’un super héros n’ayant aucun pouvoir magique, mais qui était capable d’utiliser son intelligence et ses gadgets pour faire face à des adversaires surpuissants. Il possédait également une base secrète où il conservait son costume et ses armes, et veillait dans l’ombre pour faire régner la paix dans la ville qu’il protégeait. Triss avait adoré. Cet endroit lui rappelait le repère secret de ce fameux héros masqué.
- C’est presque ça, admit Sheamon. Il y a une sortie secrète qui mène directement à un réseau de souterrains passant sous Lutécia et remontant jusqu’à Paris. Ce n’est pas Amalia qui l’a fait creuser bien sûr ; les galeries souterraines existaient depuis au moins mille ans. Le sous-sol de Paris en est rempli.
- C’est… impressionnant, déclara Triss dans un murmure. Pourquoi Amalia a eu besoin de construire une salle pareille ?
- Je suis le seul à l’utiliser en fait, répondit Sheamon en enlevant son collier pour retrouver son apparence normale. Pour faire court, j’avais l’intention d’acheter une maison à Lutécia, afin d’avoir un endroit où me réapprovisionner après chaque contrat, et décider ce que j’allais faire ensuite. Tu l’imagines bien, cette ville est le lieu idéal pour un mercenaire. Près des Enfers autant que de la Surface, il y a toujours abondance de travail pour quelqu’un comme moi. Et le marché de Lutécia est le plus grand de toute l’Europe de l’ouest. On y trouve beaucoup de composants magiques de qualité.
- Le vagabond Sheamon Wave voulait un endroit où se poser ? ironisa Triss avec un sourire moqueur.
Sheamon grimaça avant de lui répondre en haussant les épaules :
- Je voulais surtout un endroit où j’étais sûr de pouvoir revenir à tout moment, et où je pourrais aussi refaire mon équipement. Je m’y connais aussi un peu en alchimie... Et au fil de mes voyages comme tu peux le constater, j’ai amassé un armement assez impressionnant. Comme je ne sais jamais sur quoi je vais tomber dans mes mission, j’aime être paré à toute éventualité.
Il lui désigna d’un signe de tête les alcôves autour de l’arène. Triss vit que l’une d’entre elles était remplie de chaudrons et d’étagères surchargées de grimoires, de fioles en tous genres et d’ingrédients tous plus étranges les uns que les autres. Un atelier de potions… Une autre des alcôves était un stand de tir avec des cibles circulaires et un comptoir sur lequel étaient posées des dizaines d’armes de distance : des arcs de toutes tailles et de toutes formes aux couteaux de lancer en passant par la fronde et le javelot. D’autres arbalètes, plus grandes que celle qu’utilisait habituellement Sheamon s’y trouvaient également. La troisième niche était une armurerie dévoilant des protections très variées sur des mannequins spéciaux, tandis que la dernière était remplie d’épées, marteaux, haches, lances… Plus longue, plus courte, courbée où bien dentelée, aucune arme ne ressemblait aux autres.
Le sourire de Triss s’accentua. C’était bien une base secrète. L’exorciste lui tendit alors une sorte de carte sur laquelle était gravée une rune étrange.
- Déploie ton épée et colle ce talisman sur la lame, lui dit-il en se dirigeant vers l’armurerie.
Triss lui obéit sans discuter. Elle prit la pièce et la lança en l’air avant de rattraper l’épée aussitôt qu’elle fut transformée. Dès que la jeune fille appliqua sur l’épée la carte fournie par Sheamon, cette dernière se consuma, avant de laisser apparaitre sa rune lumineuse sur la lame.
- Ça supprimera le tranchant de ton épée pendant le temps que nous passerons ici, expliqua Sheamon, occupé à se déplacer dans le dépôt encombré d’équipements.
Triss voulut presser sa main contre le tranchant de sa rapière. En effet, à moins d’un centimètre de la lame, une sorte de barrière invisible l’empêchait de se couper. La jeune fille reporta son attention sur Sheamon. Celui-ci ouvrit un vieux coffre en bois dans lequel il se mit à fouiller tout en continuant son récit :
- Quand j’ai demandé à Amalia si elle connaissait des maisons en vente à Lutécia… bon déjà, elle a failli en mourir de rire… Ensuite elle m’a proposé d’aménager cet endroit. J’ai accepté, en sachant qu’il n’y aurait personne plus digne de confiance qu’elle pour garder tout ce que j’entrepose ici. J’ai voulu payer les frais de construction, mais Amalia a refusé, comme à chaque fois que je veux payer quelque chose… Pour ton information, cette salle ne figure même pas sur les plans officiels du Primera.
Triss imagina combien cela avait dû coûter pour créer pareil endroit, tout en soudoyant suffisamment ceux impliqués dans sa construction pour acheter leur silence. De plus, Sheamon avait dit que les enchantements protégeant cette salle étaient très puissants… et les services de bons enchanteurs n’étaient pas donnés. Amalia avait dû dépenser une véritable fortune.
- Amalia est aussi riche que ça ?
Sheamon éclata de rire.
- Elle est probablement la plus riche de tout Paris ! Son empire ne se limite pas au Primera, tu sais. Amalia est un véritable génie en ce qui concerne les affaires. Elle possède tout un réseau de tavernes en Enfer, une usine spécialisée dans la construction d’aéronefs marchands, et fabrique même sa propre boisson, le viralt, qui se vend dans toute la région et même au-delà. En plus elle n’est pas simplement richissime ; elle est aussi très influente ! Si Amalia était née démone, elle aurait sans doute même été élue maire de Lutécia.
Triss fronça les sourcils :
- Pourquoi ? demanda-t-elle, perplexe. Elle n’a pas le droit de se présenter ?
- Non, la loi l’interdit. Lutécia a beau être un endroit où de nombreuses races cohabitent, la ville appartient aux démons. Lors de la révolution contre la noblesse démoniaque au cours de laquelle le dernier Comte de Lutécia a été mis à mort, Satan a accepté le système d’élection mis en place par les révolutionnaires à deux conditions. La première, c’est que Lutécia reconnaisse son autorité et lui prête allégeance. Et pour éviter que le contrôle de la ville ne lui échappe, seul un démon peut être élu maire et seuls ses congénères ont le droit de voter.
- C’est injuste ! réagit Triss avec véhémence.
- Ça ne veut pas dire pour autant que les autres habitants n’ont aucun poids, répondit Sheamon en sortant finalement une grosse boule de cristal bleu du coffre. Ils peuvent toujours décider de se mettre en grève ou de quitter la ville… L’économie de Lutécia reposent principalement sur les échanges commerciaux, l’immigration et le tourisme. Si les gens apprenaient que le gouvernement de Lutécia opprimait délibérément ceux qui ne sont pas démons, la ville cesserait d’être un carrefour commercial très fréquenté et déclinerait vite. C’est pourquoi les personnes comme Amalia, qui emploient beaucoup de monde et sont très populaires parmi le peuple, ont un grand poids politique. Elles influencent indirectement les élections et la façon dont la population voit le gouvernement. Le maire doit donc entretenir de bons rapports avec eux, sous peine de perdre leur soutien, tu comprends ?
- Je crois… murmura la jeune fille en observant la grosse sphère azurée que Sheamon posa délicatement sur une étagère, comme s’il comptait s’en servir plus tard.
- Bien ! déclara-t-il en se plaçant à l’autre bout de l’arène face à Triss. On va pouvoir commencer.
Triss resta silencieuse. Elle ne comprenait pas vraiment ce que voulait Sheamon. Pourquoi l’avait-il amenée ici ?
- Commencer quoi ? l’interrogea-t-elle, sur ses gardes.
Sheamon braqua son regard d’aigle sur elle. Lentement, il ôta les sangles retenant le fourreau de son épée avant de placer son arme à l’extérieur du cercle délimitant l’arène.
- Tu m’as demandé de te faire davantage confiance, gamine, lui dit-il. Alors je te propose un duel. Je n’utiliserai ni la magie, ni aucune arme. Toi en revanche, tu es libre d’utiliser tous les moyens à ta disposition. Si tu parviens à me toucher une seule fois, je perds. Si je sors de l’arène, ou que je me défend avant la fin du temps imparti, je perds. Si tel est le cas, je te reconnaitrai comme digne de confiance et tu seras libre de m’accompagner à l’extérieur. Enfin, dans la limite du raisonnable. Mais si tu perds… Tu resteras ici sans protester.
Sheamon se caressa le menton d’un air songeur.
- Voyons… disons que tu as le droit à un quart d’heure. Passé ce délai, je terminerai le combat et tu auras perdu. Je vais te laisser, hum… une chance par jour pour réussir. Ce sera un bon entrainement, je pense.
Triss resta silencieuse un moment. Tel était donc son but ! Il voulait la forcer à lui donner sa parole qu’elle ne tenterait rien de dangereux et ne quitterait pas le Primera en son absence. Mais pensait-il réellement pouvoir lui résister sans arme ni magie, en se contentant simplement de se défendre ?
Sheamon la sous-estimait-il autant ?
Triss fut tentée d’en profiter. Après tout, elle pouvait prendre l’exorciste à son propre jeu et le forcer à reconnaitre son utilité. Mais même ainsi, la jeune fille ne trouvait pas cette confrontation loyale… Ses capacités physiques de Nocturii étaient bien supérieures à celle de Sheamon, comment pouvait-il espérer combattre un vampire de sang royal alors qu’il était désarmé, sans magie, et avec interdiction de riposter de surcroit ?
- J’accepte le marché, répondit Triss avec un sourire confiant. Mais dans ces conditions, je vais gagner en quelques secondes à peine. Je sais que je n’ai absolument aucune chance face à vous… face à toi avec ta magie. Mais ce ne serait pas équitable si mon adversaire ne peut même pas se défendre…
Ce fut au tour de Sheamon d’être surpris. Il haussa les sourcils, avant d’esquisser un sourire amusé :
- Je vois, déclara-t-il. Tu ne veux pas d’une victoire facile. Et bien si tu le souhaites, j’aurai donc désormais la possibilité de me défendre, mais sans magie, bien entendu...
- Je n’en aurai pas besoin non plus, répliqua Triss, enhardie.
Le sourire ironique de Sheamon s’accentua et Triss eut l’impression qu’il se retenait de rire, ce qui l’énerva. Mais elle se força au calme. C’était le moment de lui prouver ce qu’elle valait.
- Tu es prête, gamine ? lui demanda Sheamon en levant trois doigts devant lui. Puisque je peux me défendre, je n’ai pas l’intention de me retenir.
- Tu n’en auras pas le temps ! rétorqua son adversaire en se mettant en garde.
Trois.
Sheamon abaissa l’un de ses doigts et la jeune fille fléchit légèrement les jambes, prête à foncer sur l’adversaire dès le début du combat.
Deux.
Elle savait qu’il lui suffisait d’un bond pour couvrir la distance la séparant de Sheamon. En quelque secondes, Triss l’acculerait contre le bout de l’arène pour qu’il ne puisse s’échapper et le forcerait à s’incliner. Ce combat allait se terminer en moins d’une minute.
Un.
Au moment même où le dernier doigt de Sheamon s’abaissait, Triss levait son épée et voulut se propulser en avant, ses yeux rivés sur l’exorciste.
Sheamon claqua des doigts.
Aussitôt, le corps de Triss fut paralysé. La jeune fille ne pouvait plus bouger le moindre muscle, ni même respirer… La pression que subissait son esprit lui donnait l’impression d’être déchirée de l’intérieur. Triss sentit une frayeur incontrôlable s’emparer de son âme, comme si elle était confrontée à un obstacle tout-puissant et insurmontable.
La jeune fille lâcha son épée et tomba à genoux avant de s’écrouler, pratiquement inconsciente.
Soudainement, la pression qui l’écrasait disparut. Triss inspira longuement comme si elle sortait d’une longue période d’apnée. Elle tremblait de tous ses membres, incapable de comprendre ce qui s’était passé…
La jeune fille entendit des bruits de pas, puis des bras fermes la saisirent et l’aidèrent à s’asseoir correctement. Triss vit le visage narquois de Sheamon.
- Alors, gamine ? s’enquit-il avec une pointe d’ironie à peine masquée. Je suis sûr qu’une seconde de plus et tu aurais gagné ce duel haut la main.
- Vo… Tu as triché ! balbutia Triss en frissonnant de froid tout en jetant un regard assassin au renégat. La magie était interdite !
- Je te l’ai dit tout à l’heure, ce n’est pas de la magie. Et en plus je me suis retenu pour ne pas te faire perdre conscience. Ce serait quand même dommage alors que tu viens tout juste de dormir une semaine entière ! Ce que tu as expérimenté, c’est la manifestation de mon sixième sens. C’est un instinct naturel, un pouvoir inhérent aux êtres vivants, et non une manifestation magique. Même les non-magiciens comme les humains et les semi-humains peuvent maitriser ce pouvoir, avec beaucoups de pratique, ceci dit. Ce n’est pas donné à tout le monde.
Sheamon l’aida à se redresser.
- Ce sixième sens se divise en deux aspects, continua le renégat. Le premier s’appelle la Prescience, ou le Cœur pour certains. Il permet de ressentir toute source d’énergie autour de toi et même de pressentir les attaques sans avoir besoin de les voir, comme un radar mental si tu préfères. C’est un effet passif qui requièrent une grande concentration. Le second aspect est actif, il s’agit du Souffle. C’est le pouvoir de l’esprit, qui permet d’influencer les autres. C’est ce que j’ai utilisé pour te mettre à terre. J’ai envoyé une telle décharge d’agressivité vers toi que ton esprit a été submergé par la panique. En fait, c’est de l’intimidation pure et dure… de la même façon qu’un lion terrifie ses proies, si tu veux.
Triss se calma progressivement. Même si elle ne saurait pas le définir exactement, la jeune fille avait déjà entendu parler de ce sixième sens… Cet instinct que possédaient tous les êtres vivants, et que certains avaient appris à maitriser et cultiver. Et pourtant, cela dépassait ce qu’elle avait imaginé. En un quart de seconde et rien qu’avec la puissance de son esprit, Sheamon l’avait écrasée à plate couture.
- Il n’y a aucun moyen de lutter contre ça ? marmonna-t-elle, encore rouge de sa défaite éclair.
- Si bien sûr. La puissance du Souffle dépend de la force mentale et de la concentration de l’utilisateur. Il faut que son esprit soit plus « fort » que celui de son adversaire. Mais si ce dernier est suffisamment résistant, il parviendra à éviter d’être submergé par le Souffle, voire s’y montrer complètement insensible. Tout dépend de ta volonté et de celle de ton adversaire : si elle est supérieure à la sienne, il pliera, sinon il ne se passera rien. Quelqu’un qui maitrise son Souffle peut s’en servir pour faire fuir ses adversaires, les assommer, ou bien même les influencer pour qu’ils se plient à sa volonté… et il peut d’ailleurs aller jusqu’à les tuer.
La jeune fille frissonna. Penser qu’un simple claquement de doigts pouvait suffire à tuer quelqu’un était tout simplement effrayant. La vie était-elle si fragile ?
- Attendez, reprit Triss en se souvenant d’une chose. Vous n’avez pas utilisé ce pouvoir quand nous étions poursuivis par les shinobis sur l’autoroute. Pourquoi ? Cela n’aurait-il pas été plus rapide pour les vaincre ?
- Je ne te le fais pas dire. Mais le Souffle n’agit que sur les êtres vivants. Et tous les êtres vivants ne possèdent pas la même volonté. Faire plier un rat, un lapin, sera plus facile que de faire plier un lion ou un ours qui ont un tempérament de prédateur. Certaines créatures ont même une résistance impressionnante au Souffle parce qu’elles possèdent un instinct extrêmement puissant : c’est le cas de la plupart des serpents par exemple qui y sont pratiquement insensibles, mais aussi de nombreux insectes…
- Des insectes ? répéta Triss avec dégoût.
- Oui. Les fourmis par exemple ne connaissent pas la peur, donc tu peux difficilement les intimider. Et les shinobis sont pareils ; on raconte que ce sont des vampires nés que l’on a arraché très jeunes à leurs parents. On leur brise l’esprit en effaçant de leur mémoire leur famille, leur nom, leur passé, sans compter qu’on leur impose un entrainement militaire extrêmement difficile qui ne laisse aucune place à l’échec ; si tu échoues, tu es remplacé. Ce faisant, on leur apprend par la torture et le conditionnement à perdre toute sensibilité, toute émotion pour ne plus penser qu’à une seule chose : servir Némésis. Le résultat est qu’à la fin de sa formation, un shinobi est devenu une machine à tuer redoutable qui ne craint personne et ne ressent rien. Seule compte pour lui la volonté de la Reine. Si elle lui demandait de se planter la dague dans le cœur ou de se brûler vif et de rester immobile pendant que le feu le consume, il obéirait sans discuter. Comme ils n’ont peur de rien et possèdent une volonté d’acier, le Souffle est impuissant contre eux. Et c’est en partie pour cela que Némésis est autant crainte. La réputation de ses guerriers précède la sienne.
Triss serra les dents. Elle connaissait les rumeurs sur les shinobis bien avant de les croiser, car les rescapés parlaient avec terreur des impitoyables serviteurs de la reine. Mais elle n’avait jamais imaginé qu’ils étaient eux-aussi victimes de la cruauté des Nocturii. Leur loyauté à l’égard de sa mère avait été forgée dans le sang… Ils n’étaient plus que des machines, peu différentes des autres esclaves…
- D’accord, grommela-t-elle en se redressant. Mais ça ne m’arrêtera pas. Je suis prête pour le second round.
L’exorciste haussa les épaules.
- Je suppose qu’on en revient aux termes initiaux de notre marché ? demanda-t-il, non sans ironie.
- D’accord, répéta Triss à contrecœur, sachant qu’elle n’arriverait à rien sinon. Vous ne vous défendez pas. Mais dans ce cas, je n’utiliserai pas la magie.
Le sourire de Sheamon disparut et Triss en éprouva une petite satisfaction personnelle. C’était la deuxième fois de la journée qu’elle parvenait à le surprendre.
- Gamine, tu…
- C’est une question de fierté, le coupa Triss.
Elle ne savait pas comment l’expliquer, ni pour quelle raison elle s’était volontairement diminuée. Sheamon était bien au-dessus de ses capacités même avec sa magie. Pourquoi se privait-elle alors d’une arme aussi efficace que ses pouvoirs ? La jeune fille n’avait aucune réponse à cette question. A vrai dire, elle avait parlé avant même d’y avoir réfléchi sérieusement. Mais pouvoir surprendre Sheamon Wave, ça n’avait pas de prix !
Sheamon resta un moment silencieux, puis finit par secouer la tête d’un air faussement désespéré. Cependant, un sourire (de fierté ? de condescendance ?) éclairait son visage.
- Comme tu veux, déclara-t-il. Souviens-toi que tu peux utiliser tes pouvoirs quand tu le souhaites.
- Jamais, jura la jeune fille en se redressant l’épée devant elle.
A nouveau, Sheamon fit le décompte. Quand le combat commença, Triss bondit en avant.
« Cette fois-ci, je ne le manquerai pas ! » se promit-elle intérieurement.
A suivre...
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