Chapitre 14 : Retrouvailles, Partie 1

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Moins d’une heure plus tôt,

Triss avait observé de loin Philippa distribuer des poignées de mains aux invités et leur parler avec un sourire aimable, en tentant de maîtriser les émois de son cœur. Amalia et Philippa échangèrent même quelques mots (pas vraiment amicaux au vu de leurs visages légèrement crispés), puis une servante s’approcha de la secrétaire et lui chuchota quelque chose à l’oreille. Philippa fronça les sourcils avant de hocher la tête. Elle s’excusa auprès d’Amalia et s’esquiva discrètement de la fête. La jeune fille n’avait pas hésité plus d’une demie seconde. Elle était sortie de la salle à son tour en expliquant aux gardes que sa maîtresse l’avait envoyée chercher un châle dans son carrosse. Les miliciens, morts d’ennui, la laissèrent passer sans faire d’histoires.

La jeune Nocturii suivit Philippa à distance respectueuse, ne sachant pas comment l’aborder… Le massacre d’Umbrella lui paraissait s’être déroulé depuis une éternité. Et tant de choses restaient encore obscures à ses yeux ! Que s’était-il vraiment passé ce soir-là ? Pourquoi, et comment surtout, Philippa était-elle devenue la secrétaire de Thénardier ?

Celle-ci marchait d’un pas rapide ; Triss devait la suivre en silence en restant en retrait, tout en veillant à ne pas se laisser distancer. Soudain, la nouvelle secrétaire se retourna brusquement. Triss se colla aussitôt à l’ombre d’une colonnade.

  • Qui est là ? demanda Philippa d’une voix incertaine.

Triss retint son souffle, le cœur battant la chamade. Philippa avait été la personne qu’elle aimait le plus au monde avec son oncle. Elle mourait d’envie de la rejoindre, mais son instinct la forçait à se cacher dans l’ombre. La culpabilité, la peur et la méfiance maitrisaient la joie qu’elle éprouvait de voir Philippa en vie. La jeune fille n’était pas encore prête à se dévoiler.

La secrétaire haussa les épaules et poursuivit son chemin. Triss la suivit en retraçant dans sa tête le plan du château. Philippa finit par s’enfoncer dans un couloir menant à une unique porte massive sans poignée. Elle n’eut qu’à l’effleurer et un déclic se produisit. La porte s’ouvrit lentement en grinçant. Triss aperçut alors un escalier en colimaçon derrière.

Philippa entra dans la pièce et grimpa les marches, toujours de la même allure pressée. Aussitôt la porte commença à se refermer. Si l’entrée était close, la jeune Nocturii n’aurait aucun moyen de la rouvrir.

Triss n’avait plus le choix. Elle courut en essayant de faire le moins de bruit possible. Heureusement pour elle, le grincement de la porte était suffisamment puissant pour couvrir le son de ses pas.

La jeune fille parvint à se faufiler juste à temps dans la mystérieuse pièce très sombre. Elle sentit soudain un curieux bourdonnement résonner dans ses oreilles… Mue par un mauvais pressentiment, Triss leva la main et tenta de produire une sphère de lumière, mais rien ne se produisit. Elle essaya de nouveau de manière répétée, en vain. Etrangement, la magie ne semblait pas répondre à son appel. Ses pouvoirs paraissaient… bloqués par une sorte de force supérieure.

Ravalant son appréhension, la jeune fille se força à monter les marches. Dépourvue de sa magie, Triss devait donc compter uniquement sur son épée et ses capacités physiques… D’un doigt, elle détacha la pièce écarlate de sa ceinture. Ce simple contact la rassura pendant son ascension.

L’escalier s’avéra plus long qu’elle ne le pensait. Néanmoins, elle finit par apercevoir un éclat de lumière provenant de l’interstice du bas d’une porte située quelques marches au-dessus d’elle. Une voix lui parvint :

  • Je pense que nous allons bientôt devoir partir, annonça la voix de Philippa, qui semblait étrangement dure. Si les recherches n’ont rien donné, il faudra que nous descendions en Enfer.
  • Et pour Triss ? demanda une voix masculine que la jeune fille reconnut aussitôt.

Elle se mordit la lèvre pour ne pas laisser échapper une exclamation de surprise. C’était Marco, un vampire âgé de seize ans, l’un de ses seuls amis au Quartier Umbrella ! Il avait donc survécu… Triss lutta pour ne pas verser des larmes de soulagement.

  • Puisque nous n’avons pas de nouvelles, elle a probablement passé Lutécia à l’heure qu’il est… Triss est sans doute déjà en route pour le refuge des Enfers. J’ignore encore où il se situe exactement, mais c’est notre seule piste.
  • Alors on doit encore continuer à chercher à travers les Enfers… maugréa une voix féminine que Triss identifia aussitôt comme étant celle de Stella, une autre de ses amies.
  • Tant qu’on ne l’aura pas retrouvée, oui.

Triss sentit la joie l’envahir. On ne l’avait pas abandonnée. Philippa la recherchait toujours. Elle rassembla son courage et monta lentement les marches. Elle tendait la main vers la poignée de la porte, lorsque la partie de son esprit encore méfiante lui souffla de ne pas l’ouvrir. Sheamon et elle avaient un plan. Elle risquait de tout saboter en agissant ainsi. Sa raison lui commandait de prévenir le renégat avant d’aller plus loin. Et puis… c’était trop facile, non ? Ces retrouvailles extraordinaires, trop extraordinaires, même, qui avaient tout l’air d’un piège… Pouvait-elle vraiment faire confiance à Philippa et à ses amis ?

La jeune fille chassa aussitôt ces pensées néfastes. Bien sûr qu’elle le pouvait ! Elle les connaissait depuis son enfance ! Et la conversation qu’elle venait de surprendre prouvait que Philippa et les autres s’efforçaient de la retrouver !

Elle agrippa fermement la poignée et ouvrit brusquement, sachant très bien que si elle ne se décidait pas à cet instant précis, jamais plus elle n’en aurait la force… Son cœur battait la chamade alors qu’elle s’avançait à travers l’ouverture.

Triss se retrouva dans une grande pièce circulaire ressemblant à un dortoir avec quatre lits et une cheminée dans laquelle brulait un feu éclatant. Dès son entrée elle remarqua un curieux corbeau noir au plumage étincelant qui arborait trois yeux rouge ardent. Il était prisonnier d’une cage argentée suspendue près de la porte. Le regard qu’il lui lança surprit Triss, mais elle s’en désintéressa pour s’avancer dans la pièce.

  • Que… s’écria Marco.

Cinq personnes se tournèrent aussitôt dans sa direction, aussi stupéfaites qu’elle. Quatre adolescents que Triss connaissait bien pour avoir trainé en leur compagnie le soir dans Florence, au grand dam de leurs familles respectives. Il s’agissait de ses véritables amis au Quartier Umbrella, les seuls qui n’avaient pas été trop effrayés par les protecteurs que lui assignait Sirius et sa position privilégiée en tant que nièce du chef d’Umbrella.

Marco était debout face à Philippa. Il avait toujours un physique sportif séduisant aisément de nombreuses filles, même si ses traits paraissaient plus tirés et que des cernes creusaient désormais ses yeux. A ses côtés se tenait Stella, une jolie blonde avec qui Triss s’entendait plutôt bien malgré son côté m’as-tu-vu et sa tendance à vouloir accaparer l’attention : elle aussi semblait fatiguée. Tout comme Vanessa, sa sœur, plus discrète avec ses cheveux bruns sobrement coiffés. Elle restait le plus souvent en retrait et ne s’opposait jamais aux décisions des autres, préférant s’effacer. Assise sur le coin de son lit, elle semblait suivre la conversation sans chercher à y participer. Le dernier était Romy, un garçon de l’âge de Triss, espiègle et joyeux. C’était celui qui la faisait rire et dont elle était la plus proche.

Triss ouvrit la bouche pour parler, mais se rendit soudain compte que la pointe d’une épée lui piquait la gorge. Et celle qui en tenait la poignée n’était nulle autre que Philippa. Elle avait retiré son camouflage magique, ce qui contrastait encore d’avantage avec l’attitude adoptée depuis que Triss l’avait reconnue. L’ex-secrétaire de son oncle la dévisageait avec une férocité inhabituelle dans le regard. La jeune fille en fut tellement surprise qu’elle perdit l’usage de la parole pendant quelques secondes. Quelque chose n’allait pas… Philippa avait toujours détesté se battre ! Triss le savait bien, car elle avait tenté une fois d’enseigner à la jeune femme des rudiments d’escrime pour s’amuser, ce qui s’était soldé par une catastrophe, Philippa s’étant entaillé la cuisse.

Le visage de Philippa passa subitement de la colère à l’étonnement. Elle détailla attentivement les traits de l’intruse.

  • Triss ? s’étonna-t-elle. C’est bien toi ?

L’intéressée déglutit.

  • C’est moi… confirma-t-elle d’une voix faible.
  • Mais… c’est impossible ! protesta Marco. Triss n’est pas...

Triss enleva lentement son collier magique. Elle reprit progressivement son apparence d’origine sous les yeux éberlués de ses anciens compatriotes. Le corbeau à trois yeux laissa même échapper un croassement, rompant ce pesant silence.

Philippa l’observa avec incrédulité. Soudain, Triss crut voir un éclat de terreur passer dans son regard. Mais presque aussitôt, la secrétaire abaissa son épée pour la prendre dans ses bras.

  • Tu vas bien ! Je pensais qu’on ne te reverrait jamais ! murmura-t-elle en la serrant contre elle avec soulagement.
  • Depuis quand… manies-tu une arme ? demanda la jeune fille d’une voix chargée d’émotion.
  • Les temps sont durs… répondit Philippa d’un ton accablé en s’écartant légèrement, les yeux brillant d’émotion. J’ai dû… nous avons dû nous battre pour survivre…

Triss sentit les larmes couler sur ses joues. Sa tristesse, si longtemps retenue, se libéra d’un coup. Elle n’était plus la seule survivante du Quartier Umbrella.

  • Je croyais être la dernière, sanglota la jeune fille. Je croyais…

Philippa la relâcha en essuyant des larmes de joie. Triss se retrouva aussitôt dans les bras de Marco, entourée par Stella et Vanessa, tous très émus.

  • Heureusement que tu es en vie, Triss, s’écria Marco en la relâchant. On commençait à perdre espoir !
  • Alors les rumeurs n’étaient pas fausses ! Tu étais bien ici ! reprit Stella qui pleurait à chaudes larmes et lui sauta au cou.
  • Nous avons cherché partout ! ajouta Vanessa, tout aussi secouée, serrant le bras de la jeune fille avec force.

Triss, toujours blottie dans les bras de Stella, tourna son regard vers Romy. Ce dernier l’observait non pas avec joie… mais avec effroi…

  • Que fais-tu ici ?! s’exclama-t-il, alarmé.

Il paraissait vraiment paniqué. Triss se détacha de Stella, surprise de sa réaction. Tous les regards se tournèrent alors vers Romy et un silence angoissant s’installa.

  • Romy… le questionna Triss, inquiète. Tu vas bien ?

Mais son ami la fixait toujours avec incrédulité et horreur. Marco le prit soudain sous son bras, le faisant tressaillir.

  • Ne t’inquiète pas, Triss, déclara-t-il avec un sourire. Romy est juste surpris de te voir ici ! On t’a cherchée partout à Lutécia, et lui encore plus que nous ! Si on ne l’avait pas retenu, je crois qu’il se serait perdu…

Son visage s’assombrit.

  • Et puis, depuis l’attaque d’Umbrella… on est tous un peu sur les nerfs…

Triss avait déjà remarqué que tous ses amis avaient l’air aux aguets comme des bêtes traquées… Et c’était peut-être ce qu’ils étaient devenus désormais. Comme survivants d’Umbrella, ils étaient recherchés sans répit par les shinobis : or ils savaient parfaitement qu’être repris signifiait la mort et la torture.

Romy inspira profondément et sourit à son tour à la jeune fille.

  • Désolé… Moi aussi je suis content de te revoir, Triss affirma-t-il avec sincérité. Tu m’as manqué…

Triss observa chacun d’eux attentivement, incapable de s’empêcher de sourire malgré le danger qui les menaçait tous. Il lui semblait que c’était un peu de son monde d’autrefois qu’elle venait de retrouver.

  • Je vous croyais vraiment morts… murmura-t-elle avec peine.
  • Nous aussi, lui répondit Stella avec un sourire. Le soir où le quartier a été attaqué… Tu te rappelles qu’on devait sortir ensemble, mais ton oncle te l’avait interdit alors tu es finalement resté chez toi ? Eh bien, nous, nous étions parmi les humains quand on a entendu l’explosion… On s’est précipité au Quartier Umbrella et nous avons rencontré Philippa en chemin.
  • Monsieur Aleyran m’avait envoyée rencontrer l’adjoint du maire de Florence pour un projet d’agrandissement du Quartier Umbrella, précisa cette dernière. Quand j’ai entendu l’explosion, j’ai… tout de suite compris que les coupables devaient être les Nocturii. Mieux valait éviter de revenir sur place. La seule chose à faire était de fuir le plus loin possible au lieu de rassemblement d’urgence et d’attendre de voir s’il y avait des survivants. Heureusement, nous avons pu nous échapper assez facilement. Je suppose qu’ils étaient trop occupés à détruire ce qu’il restait du quartier. Quand les choses se sont calmées quelques jours plus tard, nous avons espéré que d’autres survivants nous rejoindraient, mais personne n’est jamais venu. Alors j’ai pris mon courage à deux mains pour me rendre dans les décombres et j’ai pioché dans les réserves d’or secrètes de la banque d’Umbrella, puis nous sommes partis vers le nord. Les shinobis avaient l’air de se concentrer sur la capture de quelqu’un, cela nous a permis de nous cacher assez facilement sur le chemin.
  • C’était moi, intervint Triss en affichant un air coupable. C’était moi qu’ils voulaient…

Elle baissa la tête en sentant le poids de sa culpabilité peser sur ses épaules. Elle était entièrement responsable du massacre d’Umbrella. Si seulement elle avait été présente, les shinobis se seraient peut-être contentés de la capturer. Non, si elle n’avait pas vécu au Quartier Umbrella, jamais…

Une main réconfortante se posa sur son épaule. Vanessa lui adressa un sourire timide.

  • Les seuls et uniques responsables, ce sont les Nocturii, la rassura-t-elle.
  • Mais je suis…
  • On l’a appris… enfin, on a entendu les rumeurs, la coupa Marco. Sur le fait que les shinobis cherchaient une jeune vampire aux cheveux courts qui serait une princesse de la nuit… Pour nous, il était évident que c’était toi. Mais ça ne change rien au fait que tu n’es absolument pas responsable de ces horreurs.

Son visage se teinta de tristesse.

  • Nos familles auraient dit la même chose, j’en suis certain…

Vanessa, Romy et Stella baissèrent la tête en contenant leur émotion. Stella prit même la main de Marco et s’appuya contre lui, provoquant l’étonnement de Triss. Son amie lui avait déjà avoué avoir un faible pour Marco, mais jusqu’à présent elle n’avait jamais osé lui montrer ses sentiments. Apparemment, les épreuves traversées ensemble les avaient rapprochés…

  • Quand nous avons appris les rumeurs à ton sujet, nous étions déjà en route vers Paris pour descendre en Enfer, continua Philippa, espérant probablement remonter le moral de ses compagnons en changeant de sujet. Nous cherchions à rejoindre Varenn, même si nous ignorons toujours où se situe précisément ce refuge. Seuls ton oncle et le passeur de Varenn qui transportait la correspondance entre les deux colonies en connaissaient la localisation. Mais c’était notre seule chance. Quand nous sommes arrivés à Lutécia, nous avons tout tenté pour retrouver ta trace, en vain. Alors, nous avons pensé que tu étais peut-être déjà en Enfer et nous avons essayé de passer la Barrière…
  • Mais nous avons été capturés par les miliciens, reprit Marco en serrant les dents. Ils nous ont conduits devant le maire, qui nous a interrogés séparément pendant des heures. Nous lui avons affirmé que nous étions des réfugiés d’Umbrella. Puis, grâce à Philippa, on nous a libérés des geôles pour nous donner cette chambre et des vêtements propres. On a tout ce qu’il nous faut, mais on ne peut pas sortir d’ici sans autorisation du maire, et toujours escortés par des gardes. Jamais hors de la forteresse bien sûr.
  • Cela m’a aussi étonnée, déclara Triss en se tournant vers Philippa. Pourquoi es-tu devenue la secrétaire du maire ? Et pourquoi vous garde-t-il ici ?

L’intéressée fit la grimace.

  • J’ai réussi à m’enfuir avant que les miliciens ne les attrapent, expliqua-t-elle. J’ai dépensé le reste de nos réserves d’or pour me faire passer pour une femme d’affaires venant d’Espagne afin de rencontrer le maire en espérant trouver un moyen de le faire relâcher tes amis. Nous avons, hum… sympathisé, et je suis rapidement devenue sa secrétaire. Même si je n’approuve pas vraiment sa politique, je n’ai pas d’autre choix que de m’y plier en attendant mon heure. J’espérais gagner suffisamment de pouvoir en me rapprochant de lui pour nous arranger un passage rapide en Enfer, tu comprends ? Cela m’a toutefois permis d’améliorer le sort des autres… Mais cependant Thénardier refuse toujours de les laisser partir. Alors nous attendons le bon moment pour réussir à nous enfuir.
  • Il prétend vouloir nous protéger de ce fameux Sheamon Wave qui voudrait notre peau, cracha Marco avec dégoût. Moi je crois plutôt qu’il nous garde pour nous donner au plus offrant quand il n’aura plus besoin de nous.
  • Comment-ça ? s’étonna Triss.
  • Apparemment, il y a beaucoup de gens, dont l’Eglise et les exorcistes, qui seraient prêts à payer très cher pour découvrir ce qui s’est passé à Umbrella ce soir-là, mais surtout pourquoi tu es autant recherchée, Triss…
  • On pense aussi qu’il voulait t’attirer ici en nous utilisant comme appât, ajouta Romy. Parce que si c’est toi que tout le monde recherche, tu vaux forcément plus cher. Et on dirait qu’il a réussi…
  • Je ne savais pas que vous étiez ici avant d’apercevoir Philippa lors de la réception, répondit Triss. En réalité, Sheamon et moi sommes venus pour essayer d’obtenir le sceau du maire afin de pouvoir passer la Barrière magique.
  • Sheamon Wave ? releva Philippa en plissant les yeux. Il est ici ?
  • Oui. C’est mon protecteur. Mon oncle l’avait chargé de m’escorter jusqu’à Varenn. Nous allons nous échapper de Lutécia ce soir. Et vous aussi.

Ses amis l’observèrent avec stupeur.

  • Maintenant, tout de suite ? la questionna Stella, ébahie.
  • Oui, affirma Triss en hochant la tête. On a déjà tout arrangé. Quelqu’un doit nous ouvrir le passage des égouts.
  • Le passage des égouts ? répéta Philippa. Alors… vous avez vraiment tout prévu ?

Triss acquiesça. Elle sentait monter en elle des forces nouvelles à l’idée de sauver ses amis. A défaut d’avoir pu empêcher la destruction d’Umbrella, elle permettrait au moins à ses derniers survivants de trouver la paix. Surtout, elle n’était plus seule maintenant. Ils fuiraient Paris et atteindraient Varenn ensemble, là où ils pourraient enfin retrouver une vie normale…

  • Mais… c’est si… commença à protester Vanessa.
  • Nous continuerons cette discussion plus tard ! la coupa Triss. Ecoutez, je sais que c’est difficile à croire, mais nous n’avons pas beaucoup de temps. Il faut partir maintenant, sinon nous risquons d’être découverts.

Un silence angoissé s’installa dans la pièce. Puis Philippa fit un signe de tête à Marco.

  • Rassemblez vos affaires.
  • Mais…
  • On devait agir un jour où l’autre. Si nous laissons passer cette chance, il n’y en aura probablement pas d’autre.

Marco hésita, puis hocha la tête. Il se dirigea vers l’un des lits, s’accroupit et tira un grand sac de toile de sous le matelas. Puis le jeune vampire l’ouvrit. Il contenait de longues cape noires et d’autres vêtements discrets, ainsi que des épées de miliciens.

  • Vous aussi, vous savez vous battre ? s’étonna Triss en se tournant vers Stella.
  • Pas vraiment, mais il faut bien se protéger ! répliqua bravement cette dernière. J’ai horreur de ça, mais si je tombe sur un shinobi, j’aimerais mieux avoir une arme.
  • Tu sais bien que je te protégerai, tenta de la rassurer Marco, ce qui lui valut un sourire de la jeune fille.
  • J’ai réussi à rassembler tout ça à l’insu du maire, expliqua Philippa à Triss. Il m’a chargée de m’assurer que tes amis ne manquent de rien, ce qui fait que je suis la seule, hormis lui, à être autorisée à pénétrer dans cette tour. Nous attendions juste une occasion pour fuir la forteresse, et cette soirée pourrait être le moment idéal. Le maire place normalement des gardes devant la porte, mais ce soir tous les miliciens ont été mobilisés pour la fête. Néanmoins nous ne pouvons pas exclure qu’une patrouille passe par là et nous surprenne. Triss, Romy, pendant que nous nous changeons, pouvez-vous descendre et tendre l’oreille à travers la porte pour vérifier que personne ne rode par-là ?

Romy, qui avait déjà enfilé ses bottes et sa cape, sursauta alors qu’il prenait une épée.

  • Je pense qu’il vaudrait mieux que nous restions ici, s’opposa-t-il, étrangement sur ses gardes.
  • Ce serait idiot d’être repérés à peine le pied posé dehors ! rétorqua Stella.
  • Elle a raison, approuva Triss en se dirigeant vers la porte. Tu viens Romy ?

Mais ce dernier lui adressa un regard profondément angoissé. La jeune fille fronça les sourcils. Des quatre, Romy était celui dont le comportement paraissait le plus étrange. Il avait toujours été le plus joyeux et optimiste, celui dont les pitreries les faisaient rire aux éclats. Or même s’il avait sûrement subi des épreuves terriblement douloureuses, son ami agissait curieusement. En effet, il ne semblait pas être terrifié par les Nocturii ou les miliciens…

Mais par elle.

Alors qu’elle apprêtait lui demander ce qui n’allait pas, Marco passa un bras autour des épaules de Romy et lui sourit amicalement.

  • Pourquoi hésites-tu encore, Romy ? le taquina-t-il gentiment. C’est enfin ta chance de passer un peu de temps seul avec Triss ! Ça fait longtemps que tu en rêves, non ?

Romy rougit violemment.

  • Je n’ai pas… Ce n’est… balbutia-t-il.

Marco le poussa vers Triss avec un sourire narquois. Dès que celle-ci lui prit la main, Romy tressaillit.

  • Allez viens, lui demanda-t-elle doucement en se retenant de rire pour ne pas l’embarrasser davantage.

A suivre...

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