Salivation (Inktober jour 06)
Tapi derrière un maigre buisson, sous la chaleur écrasante de la savane, le lion observe sa proie. La gazelle, aux lignes parfaites, ne se soucie que du présent. Le regard du fauve s'attarde tour à tour sur ses longues pattes musclées toutes en finesse, puis son cou, délicat, fragile, et ô combien irrésistible.
Elle toise les alentours comme pour en mesurer l'immensité ; les membres du fauve se crispent devant cette tentation.
Elle lui fait face sans pour autant remarquer sa présence, s'approchant doucement du seul point d'eau existant dans cet environnement aride ; les pupilles du félin se dilatent en réponse à l'excitation le gagnant.
Elle s'arrête comme si un bruit étrange l'interpellait ; la respiration du chasseur s'accélère.
La faim le tenaille depuis trop longtemps. La pluie semble avoir disparu. La fatigue grandit, la nourriture vient à manquer, mais l'instinct est toujours présent, voire même d'autant plus aiguisé. Le roi de la jungle le pressent : le festin est pour aujourd'hui. Il en est convaincu : bientôt repue, sa Majesté retrouvera de sa superbe... jusqu'à la prochaine course poursuite...
Enfin, la belle gazelle se tourne, confiante, et se penche avec grâce pour se désaltérer à son tour.
C'est le bon moment. Le supplice n'a que trop duré. Tout est dans l'instant. Le lion sort alors doucement de sa cachette de fortune en rampant, son attention verrouillée sur le cou de sa future pitance.
Elle continue de boire, paisible, ne s'inquiétant pas du danger qui la guette ; il progresse, rendu nerveux par l'odeur sanglante de cette beauté solaire.
Tous ses sens sont en alerte, tout fonctionne comme il l'avait prévu.
La gazelle reste magnifique ; le lion presse le pas.
La gazelle reste calme ; le lion se laisse de plus en plus guider par son instinct.
Puis la gazelle se redresse prestement. Le lion bondit sur elle avec une agilité qui l'étonnerait presque si elle n'était pas renforcée par cette nécessité de planter ses crocs dans cette chair tendre et délicate. Mais ce dernier a semble-t-il surestimé sa capacité de prédateur naturel : elle a deviné son pas lourd et s'est enfuie, aérienne, légère et sublime.
Notre Majesté, dépitée, observe alors l'objet de ses envies s'éloigner, stoppée dans son élan par cet événement inattendu et insoupçonné.
Non, le roi ne renaîtra pas de ses cendres aujourd'hui...
Non, le roi n'a toujours pas compris que la reine l'éblouit...
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